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    "Clave invite l'administration à vouloir bien nommer un commissaire pour procéder à l'estimation
  des droits féodaux qui faisaient partie de la ferme, lesquels sont supprimés en vertu de la loi.
    Le directoire est d'avis de lui réduire le bail à 910 1 par an, 15 perdrix rouges et 4 chapons gras, et
  cela pour 1792, 1793, 1794 et suivantes. Il devra payer ce qu'il doit encore."
      AV, L 295
    "Louis Martin demande que sa ferme soit diminuée des droits de terrage qu'il ne perçoit plus,
  puisqu'ils ont été supprimés, et demande la nomination d'un expert."
      AV, L 297
   
  Il obtiendra satisfaction lui aussi :
    "Le bail de Louis Martin à Pauillé a été réduit à 384 1 3 s 6 d par arrêté du 11 prairial an 4 [30
  mai 1796]"
      AV Ql, 97
 

Cette réduction prendra effet rétroactivement à la Saint-Michel 1793.

   
  Cette loi donnée dans le document n° 13 ne sera pas toujours d'une application aussi facile. Elle formule en effet une
exception à la suppression des redevances seigneuriales : "une concession primitive de fonds clairement énoncée dans l'acte primordial d'inféodation...".
   
  Dans le premier cas ci-dessous, les trois tenanciers admettent le bon droit du seigneur, puisqu'ils acceptent de payer,
en 1794, une rente qu'ils rachètent ensuite en 1795.
   
    "Je soussigné, reconnais avoir aujourd'hui reçu de Louis Martin, laboureur, demeurant à Pauillé, et ce
  par la voie solidaire avec ses codébiteurs, la quantité de 2 boisseaux de froment et 1 chapon pour deux années d'arréragé, la rente fermière de 1 boisseau de froment et 1/2 chapon par eux à moi due... au jour de Saint-Michel... pour raison des objets mentionnés au contrat de bail à rentes... A Poitiers le 20 pluviôse an 2 [8 février 1794] de la République française une et indivisible et 2ème de la mort du tyran.
Signé Gervais"
   

"Nous, soussignés, propriétaires de la rente de 2 boisseaux de froment, mesure de Mirebeau, et 1 chapon,

  reconnaissons avoir reçu de Louis Martin, Vincent Cointre et Pierre Aymereau, cultivateurs, la somme de 130 1 pour l'extinction, rachat et amortissement de la susdite rente.
    Au moyen de ce, leur avons remis les titres d'icelle consistant en ... Ensemble la procédure concernant
  ladite rente, reconnaissons que les arrérages d'icelle nous ont été payés jusqu'à ce jourd'hui.
Dont quittance à Poitiers, ce 25 floréal an 3 [14 mai 1795]
Signé Gervais 2ème signature illisible"
   
  Mais dans ce second cas, Louis Martin conteste vivement, par sommation d'huissier, l'usage fait de cet article de la loi
par le seigneur de Jarzay, Armand Joseph de Laistre, pour une maison arrentée à Doux et dont Louis Martin a hérité de ses parents.
   
    "Aujourd'hui [ici un blanc, sans doute pour la date] 1793, l'an 2ème de la République française, à la
  requête du citoyen Louis Martin, cultivateur, demeurant à la Maison de Pauillé, paroisse de Cherves, auquel lieu de la demeure je fais élection de domicile, est exposé qu'en exécution de la ridicule et injuste maxime : "nulle terre sans seigneur", les prétendus nobles et grands personnages se sont originairement arrogé des redevances sur toutes les possessions. Mais que l'Assemblée législative, désirant faire cesser les usurpations, elle a, par des décrets des 17 et 25 août de l'année dernière 1792, supprimé toute espèce de droits féodaux qui ne seraient pas justifiés avoir pour objet la concession de fonds; la loi du 20 du même mois d'août ajoute que cette preuve sera faite dans trois mois du jour de la sommation, et ce, par la communication des titres primordiaux, faute de quoi [ils sont] définitivement déchus. L'exposant est dans ce cas de ratification de ces lois. En effet, il est propriétaire d'une maison située au village de Doux, paroisse de Thénezay, appelée "La Butte"... Le ci-devant seigneur de Jarzay a annuellement exigé... un boisseau de froment de rente...
    Et comme quelques reconnaissances qui aient pu être exigées de ces différents devoirs, le requérant en
  suspecte la sincérité. En conséquence, j'ai, huissier soussigné, au propriétaire de la maison de Jarzay, fait sommation de riposter et communiquer dans 3 mois au requérant les titres primordiaux. Si d'aucuns sont justificatifs de la légitimité des devoirs ci-dessus, et de tous autres qu'il pourrait prétendre sur ladite maison et dépendances, [j'offre] dans ce cas de les payer et continuer à l'avenir; et dans le cas contraire, proteste que lesdits 3 mois d'après, sans qu'il ait été satisfait à la présente sommation, d'être pleinement et définitivement déchargé des paiements desdites redevances, conformément à la loi du 20 août dernier.
Dont acte, fait par moi Jacques François Augustin Lambert, huissier..."
   
 

En fructidor an 4, Jean Roy, notaire, demande par lettre adressée au directoire exécutif de Poitiers, d'être déchargé de sa

fonction d'agent municipal, parce que "mon état m'oblige à m'absenter souvent." Il ajoute :
   
    "Il pourrait se faire qu'au moment où on aurait besoin de mon ministère, je ne puisse exécuter les ordres
  qui me seraient donnés, ce qui occasionnerait beaucoup de retard." AV, L 298
   
  La raison invoquée semble un prétexte, puisque Jean Roy gardera son poste et sera nommé maire plus tard. On peut
supposer qu'il n'accepte pas le climat de suspicion qui règne à la municipalité (il n'a signé aucune lettre de dénonciation) et qu'il n'a pas "digéré" l'accusation dont il a été l'objet de la part de ses collègues et l'incarcération qui en a résulté. D'autant qu'il est voisin, et sûrement ami, du curé Bersange qui tiendra les registres d'état-civil pendant plusieurs années lorsque Jean Roy sera maire. D'ailleurs, lorsque celui-ci se marie le 30 messidor an 10 (20 juillet 1802), c'est le curé qui rédige l'acte de mariage et lui sert de témoin. Cet acte est intéressant, puisqu'il comporte, en plus de l'écriture de Bersange, sa signature, celle de Jean Roy, mais comme marié et non comme maire, celle de François Roy futur maire (sans parenté avec Jean Roy) et celle de Louis Martin, adjoint, qui a célébré le mariage. On y voit que tous les hommes ont su^signer (avec difficulté pour Louis Martin) et que seule l'épouse, Marie Déméocq, n'a pu le faire.
   
   
 

L'EGLISE A MONTGAUGUIER SOUS LA REVOLUTION

   
   
 

Une autre tâche importante du conseil municipal est d'obtenir du curé son engagement de fidélité à la République. Le 12

juillet 1790, l'Assemblée Constituante a voté la Constitution civile du clergé qui met les Eglises sous la tutelle de l'Etat.
   
  Le Roi Louis XVI, profondément croyant, est très troublé par cette loi qui heurte ses convictions, et hésite beaucoup à
la signer (la Constitution de 1791 lui accordera le droit de veto, suspensif pour une durée maximum de deux ans). Il s'y résigne au bout de quelques mois le 29 novembre 1790, sur la recommandation de la plupart des membres du Haut-Clergé et devant le silence du pape.
   
  Les prêtres sont tenus de prêter serment (à partir du 1er janvier 1791) et deviennent des sortes de fonctionnaires qui t
ouchent un traitement de l'Administration, d'un montant variable allant de 1 200 1 à 6 000 1, selon l'importance de la paroisse. Ceux qui acceptent sont dits jureurs, ou assermentés, ou constitutionnels, les autres réfractaires ou insermentés. Cela revient donc à se prononcer pour ou contre la Révolution. Dans la Vienne, 56 % des membres du Clergé prêtent le serment de 1791. Dans notre région, les curés de Champigny, Ayron, Cherves, Liaigues, Thurageau sont insermentés, les autres jureurs.
   
  A partir de 1792, on institue une sorte de religion civique avec un autel de la patrie et des cérémonies du culte
comportant la lecture de passages de la Constitution.
   
  Des lois sont votées en 1792 et 1793, ordonnant la proscription du clergé réfractaire, puis la déportation de ses
membres. On peut arrêter tout ecclésiastique dénoncé par vingt citoyens actifs de sa paroisse, sans vérification; cette disposition n'est pas utilisée dans le département de la Vienne. Un décret du 26 février 1793 promet une prime de 1 000 1 à toute personne qui permettra la capture d'un prêtre réfractaire.
   
  Le curé d'Ayron, Jean Eléazard Bourgnon, est déporté (comme son frère), sans doute en Guyane, et remplacé par un
autre, élu, du nom de Gourdeau, qui ne peut officier, car il était précédemment enfermé dans un asile d'aliénés. Plus tard la cure est occupée par différents vicaires épiscopaux qui s'y relaient à tour de rôle et l'un de ceux-ci, Reignault, touchera, à partir de 1796 et jusqu'en 1799 au moins, le traitement alloué aux prêtres constitutionnels.
   
  Celui de Chalandray, Bachelier, né dans sa propre commune, qui a d'abord juré, se rétracte en juin 1792, après avoir
obtenu un passeport pour Cadix, qu'il ne peut utiliser. Il est alors emprisonné et meurt noyé le 4 juillet 1794 à Fort-Pâté, près de Blaye, en essayant de s'évader, alors qu'il est en instance de relégation.
   
  Le curé de Cramard, a prononcé le serment, puis s'est rétracté. Il sera arrêté par la garde nationale d'Ayron, comme
l'avait été celui de Chalandray, puis libéré plus tard. A Cherves, pour remplacer le curé Descours, réfractaire, Hilaire Vinais, vicaire à Thénezay, est élu et prend possession de sa charge à partir du 26 septembre 1791. Il sera ensuite remplacé par Guibert.
   
  Au début de la Révolution, le curé de Vouzailles, Frère Dargentine, décède de frayeur à la suite d'un cambriolage au
presbytère, et un chanoine de Thouars, l'abbé De Nassau, qui doit le remplacer à la suite de son élection par le district dans la cathédrale de Poitiers, refuse le poste. C'est Varenne, très jeune puisque né en 1762 (peut-être parent du Varenne commissaire auprès de la municipalité du canton pendant la Révolution) qui, élu le 25 décembre 1791, accepte la charge. Il l'abandonne ensuite, puis la reprend. On trouve en effet dans le registre municipal de Vouzailles la note suivante :
   
    22 prairial an 3 [10 juin 1795]
  Le citoyen Varenne, ex-curé de Vouzailles, demande à exercer les fonctions du culte. Accepté, car il promet d'obéir à la loi".
      AV, L 450
  Jusqu'en 1799 au moins, il recevra la pension des prêtres assermentés.
   
 

  L'EGLISE DANS LA REGION SOUS LA REVOLUTION
   
  Il nous faut maintenant parler longuement du curé de Montgauguier, Bersange, personnage qui a tenu une place
importante dans la commune pendant la Révolution.
   
  Son prénom est Jean, mais il est souvent appelé Jean-Baptiste. Dans sa maison, on retrouve d'ailleurs gravées ses
initiales : JB ou JBB. Il est né le 31 août 1737 au village de Poulhez, paroisse de Raulhac, dans le Cantal, de Jean Bersange et Jeanne Juthe, et baptisé seulement le 3 septembre, en l'absence remarquée de son père.
   
  Il arrive à Montgauguier en 1770, après avoir été vicaire à Cherves, succédant au curé Louis Jacques, décédé. En 1771, il
transfère tout le service religieux de l'église de Montgauguier à la chapelle de Maisonneuve, et signe en 1775 un bail avec l'ancien desservant Demège, bail qui lui attribue le revenu temporel de celle-ci contre une rente de 45 1 à servir au chanoine et l'obligation de dire une messe chaque semaine pour le repos de l'âme de Guillaume Pineau, fondateur.
   
  Bersange fait construire, en 1777, une maison qui lui sert de presbytère. C'était encore récemment celle d'Albert Cointre,
sur la place de l'église. Elle est actuellement en possession de Pierre Goux. Le curé en est toujours propriétaire lors de l'établissement du premier cadastre sous Napoléon 1er. A cette date, il paie pour cette maison l'impôt le plus élevé de la commune. Il est vrai qu'elle est luxueuse et certainement la plus belle de Montgauguier (c'est la seule placée en première classe), car elle comporte dix portes et fenêtres, ce qui l'obligera à payer un impôt très élevé lorsque le Directoire aura établi en 1798 une taxe sur les ouvertures (certains feront alors murer des fenêtres pour diminuer leur redevance, mais il ne semble pas que Bersange en soit arrivé à cette extrémité). La maison possède ce qui se fait de mieux à l'époque, en matière d'isolation. Les deux côtés des cloisons (elles ont une épaisseur de 15 cm environ) sont formés de bacula, sorte de treillis de lattes de bois recouvert d'un ciment de "terre blanche" (argile) et maintenu par des poteaux espacés de 50 centimètres. Et tout l'espace intérieur est rempli de petites pierres calcaires, que l'on trouve en grande quantité dans la région, et entre lesquelles l'air circule, ce qui n'est pas sans rappeler les billes de polystyrène que l'on place maintenant dans les cloisons modernes.
   
 

A côté du portail d'entrée, il fait graver en latin : "Place aux vrais amis. Mois de mai 1777".. On trouve aussi sur un mur

de la cour, l'inscription toujours en latin : "Ainsi, vous, les oiseaux, ce n'est pas pour vous que vous construisez votre nid" .
   
  Bersange a aussi investi dans la terre. En plus du terrain jouxtant sa maison, il possède deux chenevières le long de la
Dive, un terrain près de la chapelle, un autre au bas de l'église actuelle, correspondant au jardin du presbytère, une petite vigne dans les Gourgeaudières, et surtout deux autres dans les Cartiers, dont l'une a une superficie de 11 boisselées. En 1776, l'abbaye de Sainte-Croix lui arrente une terre dans les Cartiers avec une redevance très modeste. Le curé Bersange est donc une des personnes les plus riches de Montgauguier à la Révolution. Il possède même une jument (et non un mulet ou un âne) pour ses déplacements.
   
  A la fin de 1790, arrive à la "Société des Amis de la Constitution" à Poitiers, une lettre de dénonciation "faite à
Monsieur le Procureur-syndic du district de Parthenay par Messieurs les officiers municipaux de Thénezay" :
   
    "Dimanche 13 de ce mois, le sieur Descours, curé de Cherves, et le sieur Bersange, curé de Montgauguier,
  prêchaient en chaire que le curé de Thénezay et son vicaire étaient des athées, qu'ils n'étaient pas dignes d'être ecclésiastiques pour avoir prêté serment, qu'ils étaient hors d'état d'administrer aucun sacrement, que leurs paroissiens feraient beaucoup mieux de rester dans le coin de leur cheminée plutôt que d'aller à la messe et à confesse.
Violleau, maire François Chauveau
Je soussigné, procureur de Parthenay, certifie copie conforme..."
      BMP, S 19
   
  Le curé Bersange ne reconnaît donc pas la Constitution civile du Clergé qui vient juste d'être votée. Ce qui semble
confirmé par la lettre, déjà citée, du 21 septembre 1791, dans laquelle la municipalité de Montgauguier demande un prêtre pour remplacer le curé qui "cabale" avec d'autres personnes. Cette lettre se termine ainsi :
   
    "Nous vous prions de nous faire l'honneur au sujet du prêtre que nous avons l'honneur de vous demander;
  nous comptons sur vous, n'ayant d'autre réponse de Monseigneur l'Evêque, lequel nous espérons qu'il ne nous abandonnera pas non plus."
      BMP, S 19
   
  Dans la lettre évoquée précédemment, envoyée deux semaines auparavant, le 4 septembre 1*791 (voir documents n°14
et 14 bis), la municipalité réclame déjà un curé constitutionnel :
   
    " Frères et amis,
  Comment, après avoir écrit il y a quelques jours que nous étions charqés du fardeau si pesant de ce tas d'aristocrates des campagnes ou paroisses circonvoisines qui viennent avec abondance de toutes çarts, sans pouvoir les rejeter, vous nous avez délaissés. Chers frères, nous nous jetons à nouveau dans vos bras afin que, par vos supplications et vos représentations, nous obtenions plus facilement le curé constitutionnel que nous désirons tant, afin de chasser honteusement tout le tas de manants qui viennent continuellement nous ennuyer dans le sein de notre église, à cette fin de les contenir dans leurs endroits.... Nous sommes trop certains qu'après avoir représenté la triste exposition où nous nous trouverions par la réunion qu'on entend faire de notre paroisse et 1'éloignement de l'église où on voudrait nous transférer..."
      BMP, S 19
   
 

Ce dernier paragraphe s'explique très bien. L'Assemblée Nationale vient de voter une loi pour créer des paroisses de

6 000 habitants et plus. On a donc dû faire une proposition pour incorporer Montgauguier dans une paroisse plus grande, peut-être dans celle formée par le canton tout entier. Cette mesure sera rapportée devant l'hostilité générale, la même qui près de deux siècles plus tard amènera l'échec du "Grand Mirebeau".
   
  Mais on trouve dans les archives de Poitiers deux documents qui semblent contredire les trois lettres citées ci-dessus; le
premier est un texte non daté rédigé par Bersange lui-même ':
   
    "Mémoire du curé de Montgauguier, canton de Vouzailles, district de Poitiers :  
   
    500 1 pour supplément de 1790 parce qu'il n'a reçu que la portion congrue de 700 1  
   
    plus 50 1 pour avoir fourni tout ce qui concerne la fabrique, parce que la paroisse de Montgauguier n'a aucun revenu de fabrique.
   
    300 1 pour le quartier et pension du 10 janvier 1791  
   
    plus 50 1 pour fournir à l'église tout ce qui concerne la fabrique pendant l'année 1791  
   
    Serment prêté le 30 janvier 1791 comme il appert par l'expédition délivrée en forme par le greffier de la municipalité de Montgauguier"
      AV, L 258, 4
  Bersange a donc juré fidélité à la République et a l'intention d'en profiter. Pour lui, en effet, le traitement alloué est presque le
double de la portion congrue qu'il recevait précédemment du Grand Prieur. Pour d'autres curés, au contraire, peu nombreux, bénéficiant d'un gros temporel, le serment entraîne une perte importante de revenu.
   
 
Le deuxième document est cette attestation de la municipalité :
   
    "Nous, soussignés, maire et officiers municipaux de la paroisse et communauté de Montgauguier... avons
  l'honneur de certifier à qui il appartiendra que le sieur Bersange, curé de notre paroisse, a rempli jusqu'à ce jour toutes les fonctions curiales avec la plus grande exactitude.
    A Maisonneuve de Montgauguier le 21 octobre 1791
Jamin, maire Pierre Simon, officier municipal
Roy, procureur de la commune"
      AV, L 256
  Donc le 30 janvier 1791, Bersange a prêté serment; pourtant les 4 et 21 septembre 1791, la municipalité demande un curé
constitutionnel. Et juste un mois plus tard, le 21 octobre 1791, elle affirme que Bersange a rempli régulièrement ses fonctions.
Comment comprendre ces quatre documents qui semblent s'opposer ? L'étude de certaines lois votées par le Parlement et de la
situation qui en découle pour le Clergé permet d'expliquer cette apparente contradiction.
   
  Le Haut-Clergé a conseillé au Roi d'accepter la Constitution civile en y mettant la condition implicite qu'elle soit entérinée
par une haute autorité religieuse (concile ou pape). Or voici qu'en mars 1791, alors que de nombreux prêtres ont juré, le pape sort de sa réserve et condamne sans appel la nouvelle loi. Certains curés vont se rétracter, et c'est ce que fait Bersange qui avait déjà exprimé son opposition fin 1790 en critiquant sévèrement le curé de Thénezay. Les documents ci-dessus permettent de dater ce revirement entre janvier et septembre 1791, donc sûrement après la prise de position claire du pape. On comprend alors parfaitement que la municipalité se plaigne de "ce tas d'aristocrates de campagnes... qui viennent en abondance de toutes parts", et désire "chasser honteusement tout le tas de manants qui viennent continuellement nous ennuyer dans le sein de notre église". Si certains des habitants des paroisses voisines se rendent ainsi à Montgauguier alors qu'ils ont chez eux des curés constitutionnels, c'est qu'ils font plus confiance au curé Bersange qu'à celui de leur commune.
   
  Mais les prêtres insermentés vont se trouver confrontés après le 26 août 1792, à une terrible situation : cette date est en
effet celle du décret qui ordonne l'arrestation des curés réfractaires et leur déportation. L'Evêque assermenté qui dirige le diocèse de Poitiers retarde l'application de cette loi et permet aux non-jureurs de prêter serment s'ils le désirent et à d'autres d'annuler leur rétractation.
   
  C'est cette dernière solution que choisissent Bersange à Montgauguier et Boizot à Cramard, et ils restent donc en place
(selon le marquis de Roux). Si ce dernier a raison, et on ne peut en douter, car il a étudié les archives de l'évêché, l'attestation du 20 octobre 1791 citée ci-dessus semble peu conforme à la vérité, car à cette date, Bersange est toujours anticonstitutionnel. A moins que les signataires (Roy au moins parmi les trois est un ami du curé), jouent sur la formulation de leur texte, puisqu'ils affirment seulement que Bersange a continué d'exercer ses fonctions, sans préciser qu'il est réfractaire.
   
  Toujours est-il que le curé de Montgauguier sauve ainsi son poste, ce qui n'est pas le cas de celui de Cramard qui sera
incarcéré plus tard, puis libéré au bout de quelques mois. La période d'opposition active et visible de Bersange à l'Eglise Constitutionnelle a donc duré près d'un an et demi. A-t-il pratiqué ensuite une résistance passive ? C'est ce que nous étudierons plus loin.
   
  Mais sans doute sa rétractation avait-elle irrité les autorités du canton qui avaient probablement envisagé de remplacer ce
prêtre peu docile. C'est du moins ce que l'on peut déduire en lisant la pétition suivante datée de septembre 1792 (donc juste après que Bersange ait annulé cette rétractation) et adressée par la population de Montgauguier aux administrateurs départementaux. A deux exceptions près (qui n'indiquent pas forcément une opposition, mais peut-être tout simplement un décès, une démission ou une non-réélection), tous les officiers municipaux qui réclamaient un curé constitutionnel en 1791, signent cette lettre en 1792 pour garder Bersange, et, bien entendu, personne ne parle de la rétractation de l'année précédente :
   
    "Le maire, les officiers municipaux, notables et tous les habitants de la paroisse de Montgauguier, supplient
  les administrateurs du directoire de la Vienne de vouloir bien recevoir leur exposé dicté par la vérité.
    Ils disent que, depuis la 2 3ème année que le sieur Bersange est leur curé, il a régulièrement résidé, s'est
  acquitté irréprochablement de tous les devoirs de son état et toujours exhorté d'exemples à la paix, à l'union et à la tranquillité, et a donné des preuves certaines d'une probité entière et exemplaire, duquel jusqu'à ce jour le public est content.
    Ce considéré, Messieurs, il vous plaise conserver aux suppliants un pasteur qu'ils regardent comme un
  présent du ciel.
    Et ont signé à Maisonneuve de Montgauguier ce 23 septembre 1792 Jamin, maire Guiot, officier Deméocq
  Bonhommeau, notable Recouppé, officier Aymereau Mitault, procureur de la commune Garnier Déméocq F.Roy Jacques Brault Ridouard, notable R.Marteau Aymereau Rolland Thomas François Guillon
Clave, fermier de Montgauguier Toussaint Dadu Roy"
      AV, L 256
  Toussaint Dadu, qui a signé la lettre ci-dessus, est l'instituteur de Montgauguier.
   
  Les habitants sont entendus :
   
    "Attendu que le sieur Bersange, curé de Montgauguier, a satisfait à la loi du 14 août dernier... Le directoire
  exécutif... est d'avis que ledit sieur Bersange doit être maintenu dans ses titre et fonction de curé de Montgauguier.
A Poitiers, le 2 octobre 1792, an I de la République."
      AV, L 256
   
  Pour comprendre la suite, il faut revenir à la situation religieuse en France. Après août 1792, les prêtres réfractaires sont
donc pourchassés. Certains sont arrêtés, la plupart cachés par des fidèles, quelques-uns s'exilent dans les pays voisins. En 1793, la Commune de Paris décrète la fermeture immédiate des églises, mais la Vienne est loin de la capitale et beaucoup plus calme et, seul, le conseil municipal de Marnay prend rapidement un arrêté dans ce sens, critiqué d'ailleurs aussitôt par l'évêque constitutionnel de Poitiers. Mais, peu à peu, cette mesure finira tout de même par être appliquée et l'église de Saint-Martin-la-Rivière condamnée la dernière dans le département, le 20 germinal an 2 (28 février 1794), à moins que ce soit celle de Cramard le 1er floréal (20 avril 1794, jour de Pâques), selon un .témoignage fort douteux.
   
  La loi du 3 brumaire an 3 (24 octobre 1794) confirme les lois de 1792 et 1793 contre le clergé réfractaire; elle est annulée
par une autre du 14 frimaire an 5 (4 décembre 1796) qui abolit les persécutions. Mais une nouvelle loi du 19 fructidor an 5 (5 septembre 1797) reprend les mesures répressives et exige des prêtres constitutionnels un nouveau serment (le 5ème depuis 1791) dans lequel ils doivent jurer haine à la royauté et à l'anarchie. Dans la Vienne, les prêtres insermentés seront poursuivis jusqu'en 1798-1799.
   
  Le 3 ventôse an 3 (21 février 1795), la Convention proclame la séparation de l'Eglise et de l'Etat et la liberté de religion
(qui, si elle avait été matériellement contestée, ne l'avait jamais été légalement). Mais, contrairement à ce qu'affirment de nombreux historiens, les prêtres assermentés continuent à recevoir leur traitement, au moins dans la Vienne (et probablement ailleurs, car on ne voit pas pourquoi notre département aurait bénéficié d'une mesure particulière) puisque aux archives départementales (AV, L 230), on trouve les états depaiements au moins jusqu'à la fin de l'an 7 (septembre 1799). La loi du 3 ventôse précise que la République ne fournit aucun lieu pour exercer les cultes et laisse donc les églises fermées.
  Elles ne seront progressivement rouvertes qu'à partir du 20 prairial an 5 (1er juin 1797) sur la proposition de Camille
Jourdan, dit Jourdan-les-Cloches, à condition que les prêtres fassent des déclarations de soumission à la Révolution, et que tout signe extérieur de célébration, comme les sonneries de cloches par exemple, soit interdit.
   
  Le lecteur intéressé par ce sujet peut consulter utilement le livre du Marquis de Roux : "Histoire religieuse de la
Révolution dans la Vienne" (MSAO, 4ème série, tome I, 1951).
   
  Voici maintenant deux autres textes faisant état de messes clandestines à Montgauguier pendant la Révolution.
   
  Le premier nous parle de l'abbé Samoyault, vicaire général de Poitiers, né à Puisan le 2 novembre 1788 :
   
    "Né à la veille de la Révolution, il sentit naître en lui, disait-il, la première pensée du sacerdoce, le jour
  qu'il assista, pour la première fois, au sacrifice de la messe dans le village de Maisonneuve où un prêtre jusque-là caché, se risquera à profiter d'un des intervalles de la Terreur."
   
  Le second est un article d'un almanach de 1909 dont voici les principaux passages :
   
    "Montgauguier, ce vaillant petit coin de terre où de braves coeurs, pendant la Révolution de 1793,
  avaient caché et conservé leur prêtre, où de toute la contrée, ceux qui croyaient en Dieu, venaient demander le baptême pour leurs enfants... assister au sacrifice de la messe, comme le rappelait dans sa vieillesse l'abbé Samoyault... Montgauguier, c'est une terre restée fidèle... grâce au zèle, à l'intrépidité au ministère de l'abbé Bersange... Aujourd'hui on vous impose le nom de Maisonneuve : tout ce qu'il y a de plus commun et de plus vulgaire... Maisonneuve, c'est la porte massacrée par les valets d'un gouvernement juif, franc-maçon et sectaire..."
   
  Il est ici fait allusion à la résistance de l'abbé Renaudin en 1906, lors de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, le maire
ayant été obligé de faire enfoncer la porte de l'église. Nous en reparlerons.
   
  La violence, l'absence d'objectivité de ce texte, raciste de surcroît, sont si évidentes qu'il est difficile de le prendre en
compte, d'autant qu'il comporte une grosse erreur au moins : le curé Bersange n'a jamais été "caché et conservé" par ses paroissiens car il participe activement, à partir de 1792, à la vie de la commune, à la grande satisfaction de la municipalité. Il semble bien que l'auteur (inconnu) de cet article ait repris celui publié précédemment en 1901 (voir plus loin) par l'abbé Pelletier, en se trompant volontairement ou non) de date, 1793 remplaçant 1797 ou 1801. Toutes les raisons semblent bonnes à l'auteur pour critiquer la municipalité de l'époque, même le changement de nom de la commune, pourtant si nécessaire et demandé par presque toute la population.
   
  Les deux textes cités ci-dessus nous obligent tout de même à poser la question : des messes clandestines ont-elles été
célébrées à Maisonneuve pendant la Terreur ? L'abbé Samoyault a alors 5 ou 6 ans et, peut-être, en a-t-il le souvenir. La mémoire collective, en particulier dans la' famille Cointre, qui posséda la maison de Bersange jusqu'à ces dernières années, fait état de messes célébrées dans la cave de cette maison. Ce n'est pas impossible, car il est troublant de constater que les initiales du curé sont gravées sur la porte de la cave. Il est tout de même difficile d'admettre que Bersange ait pu pratiquer le double jeu pendant de nombreuses années sans être dénoncé et,au minimum, perdre son traitement, alors qu'il l'a régulièrement perçu jusqu'à septembre 1799 au moins (sauf durant sa période de rétractation). Les excités ne manquent pas et la garde nationale qui a arrêté des curés dans les communes voisines, existe aussi dans la nôtre. D'ailleurs le vicaire Samoyault parle d'un "prêtre jusque-là caché", ce qui ne peut concerner celui de Montgauguier. A moins qu'il s'agisse du "curé pensionnaire chez ledit Bersange" dont se plaint la municipalité dans sa lettre du 21 septembre 1791 citée plus haut.
   
  L'historien Eugène Chevalier évoque bien le cas du fameux curé Champion, de Mirebeau, devenu brasseur d'affaires
important qui, disait-il, "signait tous les serments qu'on voulait". Mais, selon Christian Pérez, dans son "Histoire du pays mirebalais" : "sous la pression des événements, il renonce légalement à sa charge de prêtre le 27 janvier 1794" (pourtant, il reçoit toujours pendant l'année 1798, la pension attribuée aux prêtres constitutionnels) .
   
  Nous allons voir plus loin que cette messe à laquelle a assisté l'abbé Samoyault a plutôt eu lieu deux années plus tard en
1796. De toute façon, seul le célébrant prend un gros risque, car tout fidèle qui entend la messe ou reçoit un sacrement d'un membre du clergé insermenté ne commet aucun délit.
   
  Reste un dernier document : un article d'un bulletin paroissial de 1901, rédigé par l'abbé Pelletier, alors curé de
Montgauguier. On y lit :
   
    "Pendant la Révolution, la chapelle Notre-Dame des Pineau fut fermée, comme tous les autres édifices
  religieux. Il paraît cependant probable que, parfois l'abbé Bersange put y dire la messe, tout au moins au commencement de la tourmente révolutionnaire. Mais sous le régime de la Terreur, les portes de l'antique sanctuaire étaient closes...
    Un jour,... la vieille porte grinçait sur ses gonds déjà à demi rouilles. L'abbé Bersange, vieilli, pénétrait
  dans le vénérable sanctuaire et l'on voyait sur le chemin une lonque file de charrettes remplies de gens endimanchés.
    Que s'était-il passé ? Le Concordat venait de rendre la liberté religieuse et, de tous les villages, les pères
  et les mères conduisaient leurs enfants au seul prêtre de la région-pour lui demander l'eau du baptême."
   
  La chapelle de Maisonneuve, comme les autres églises de France, fut effectivement fermée, mais pas avant le 6 frimaire
an 2 (26 novembre 1973) au moins, car ce jour-là, Louis Clave, maire, annonce encore une publication de mariage "à la porte de la chapelle, à l'issue de la messe paroissiale". Reste-t-elle close jusqu'au Concordat, comme l'écrit l'abbé Pelletier ? C'est douteux, car il n'y a aucune raison, semble-t-il, pour que la municipalité n'applique pas la loi Jourdan-les-Cloches de 1797. A Poitiers, 4 églises sur 6 sont d'ailleurs rapidement ouvertes.
   
  Par contre, un document capital trouvé dans une décharge près de Craon (comment est-il arrivé là ?) éclaire parfaitement
la fin de l'article. Il s'agit de trois feuilles détachées sans doute d'un registre personnel tenu par le curé Bersange, et dans lequel celui-ci inscrit les baptêmes qu'il pratique à Montgauguier. Rien d'étonnant à l'existence de ces baptêmes, puisqu'ils s'échelonnent de fin juillet à décembre 1797, donc à une époque où la chapelle, église paroissiale de Montgauguier, doit être rouverte. Mais ce qui est, par contre, surprenant c'est le domicile des parents : 9 à Montgauguier, 7 à Cherves, 2 à Vouzailles, 2 à Ayron, 1 à Massognes, Chalandray, Liaiques, Maillé, Mazeuil. Pourquoi 16 baptêmes sur 25 pour des enfants d'autres paroisses, alors que celles-ci, comme montgauguier, ont toutes un curé constitutionnel, lequel exerce sûrement son ministère à partir de 1795 ou, au moins de 1797 ? La seule explication possible est que des fidèles des communes voisines, qui n'ont jamais accepté les contraintes imposées à leur foi par la Révolution, n'ont pas oublié l'attitude de Bersange, refusant pendant un an et demi la Constitution civile du Clergé, et lui font plus confiance qu'à leur propre curé, plus docile. Et même s'il n'est pas sûr que Bersange ait célébré des messes clandestines, il est évident que l'on sait dans les alentours qu'il est resté loyaliste de cœur. Les croyants sincères préfèrent donc se déplacer à Montgauguier pour obtenir, pour leurs enfants, le baptême qui leur semble le seul conforme à leur foi.
   
  Dans les trois feuillets sauvés "miraculeusement", on note 11 baptêmes du 1er au 7 décembre 1797, dont un le 1er, deux
le 2, deux le 4, deux le 5, un le 6 et trois le 7. Nombre énorme, si l'on sait qu'il y a une moyenne annuelle de 17 naissances à Montgauguier à cette époque. Parmi les parents, on note même le nom de Etienne Goutière, maire de Vouzailles, qui préfère donc Bersange à Varenne, le curé constitutionnel de sa commune.
   
  On remarque aussi curieusement que, si la plupart des baptêmes sont pratiqués dans les deux jours suivant la naissance,
par contre pour trois enfants de Montgauguier, un de Cherves, un autre d'Ayron, ils sont effectués respectivement 36, 33, 33, 19 et 15 jours après; sans doute, a-t-on affaire ici à des parents qui hésitent, craignant probablement de s'afficher antirépublicains et de s'attirer des ennuis.
   
  Tous ces baptêmes sont datés par Bersange dans le calendrier grégorien, alors qu'il remplit en même temps le registre
d'état-civil municipal en utilisant le calendrier républicain obligatoire, ce qui montre bien où vont ses sympathies. Rien d'étonnant donc si les habitants des paroisses voisines viennent faire baptiser leurs enfants à Montgauguier en 1801, comme le déclare l'abbé Pelletier, puisque bon nombre d'entre eux le font déjà en 1797.
   
  On peut donc sérieusement penser que Bersange a célébré des messes traditionnelles à partir de 1795-1797.
   
  Le beau vitrail de la façade de l'église de Maisonneuve peut nous conforter dans cette idée (voir photo). Il comporte de
haut en bas trois tableaux. Sur le premier figure la Cène, dernier repas du Christ avec les Apôtres. Le deuxième est pour nous le plus important : il représente une messe célébrée dans un lieu de fortune, sans doute une grange. On y voit une échelle et la porte entrouverte laisse apparaître un cheval. Des fidèles sont agenouillés et un enfant, d'une dizaine d'années, se tient debout au milieu d'eux. On lit, en haut "Missa tempore persecutionis MDCCLXXXXVI" (messe pendant le temps des persécutions 1796).
   
 

Lors de la fabrication de ce vitrail, vers 1862, l'abbé Samoyault était toujours vicaire général de l'évêché dePoitiers,

puisqu'il l'est resté jusqu'à sa mort en 1877. Il était donc nécessairement au courant de la construction de l'église et on peut raisonnablement penser qu'il a conseillé le curé Larderet de Montgauguier, quant au sujet de ce tableau. Probablement a-t-il lui-même suggéré à l'artiste de placer cet enfant dans son oeuvre, rappelant ainsi sa propre présence à une messe hors de l'église, à Maisonneuve, dans sa jeunesse.
   
  Pourquoi la date de 1796 inscrite en haut de la scène ? La liberté des cultes a été théoriquement rétablie en 1795, mais
nous savons que les églises restent fermées, même aux curés constitutionnels, au moins jusqu'en juin 1797, et que les persécutions religieuses continuent dans la Vienne jusqu'en 1798-1799. Cette messe qui ne peut être célébrée dans la chapelle, se déroule donc ailleurs, probablement avec l'accord de la municipalité (le maire Jean Roy est un "modéré" et un ami de Bersange, son voisin), ou du moins, celle-ci respecte-t-elle la neutralité prévue par la loi. Il ne s'agit donc pas ici, à proprement parler, d'une messe clandestine (la porte de la grange est ouverte). Il est probable que le prêtre qui officie est Bersange, peut-être dans sa propre maison d'ailleurs. Nous savons qu'à partir de 1795, le curé Varenne, s'engageant à respecter la loi, est autorisé à dire la messe à Vouzailles. Ce que l'on accorde au chef-lieu de canton doit l'être aussi à Montgauguier, même si, probablement, le curé de Vouzailles respecte le décadi, l'autre sans doute pas. Ce que nous savons, en effet, du curé Bersange permet de penser que cette messe figurée sur le vitrail n'a pas lieu le décadi comme l'exige le nouveau culte, mais probablement un dimanche de l'ancien calendrier. Remarquons qu'en 1796, le vicaire Samoyault a 8 ans, âge qui correspond à celui de l'enfant du vitrail et auquel, mieux qu'à 5 ans, on peut garder des souvenirs. Et lorsque plus tard il déclare avoir assisté à une messe à Maisonneuve pendant la Révolution, rien ne prouve qu'il ait parlé de Terreur, car nous n'avons aucun document de sa main; ses interlocuteurs ont pu, en toute bonne foi, faire cette interprétation.
   
  Espérons qu'un historien disposera, dans le futur, de nouveaux éléments qui lui permettront de déterminer avec plus de
précision le rôle de Bersange pendant la Révolution.
   
  De toute façon, le curé prononce tous les serments imposés par la loi pour recevoir le traitement attribué aux prêtres
constitutionnels, et cela jusqu'à la fin de 1799. Celui-ci est de 1 200 1 en 1791, puis descend à 1 000 1 pendant les quatre dernières années. Dans le canton de Vouzailles (à partir de 1793), cinq prêtres remplissent les conditions imposées : outre Bersange à Montgauguier, ce sont Bernier à Jarzay, Guibert à Cherves, Varenne à Vouzailles et Reignault, vicaire à Ayron qui reçoit moins que les autres (en général 200 1 de moins).
   
  En marge de l'état de paiement établi par l'administration départementale le 5 prairial an 6 (24 mai 1798) est portée la liste
des pièces nécessaires à l'obtention de la pension :
  1. acte de naissance
   
  2. prestation du serment de Liberté-Egalité
     
  3. prestation du serment imposé par la loi du 19 fructidor an 5
     
  4. déclaration de non-rétractation
     
  5. certificat de vie et de résidence
     
  Nous avons retrouvé ces cinq documents pour le curé de Montgauguier.
     
 

Voici le serment, dit de Liberté-Egalité, de Bersange (remarquons que c'est le deuxième, après celui de janvier 1791),

exigé après les événements du 10 août 1792 à Paris (le peuple avait envahi les Tuileries et le Roi, s'étant réfugié à l'Assemblée, avait été suspendu). Il était noté sur le registre municipal de Montgauguier, disparu depuis, mais nous en avons un extrait écrit de la main du curé lui-même :
   
    "Aujourd'hui dimanche 2 septembre 1792, l'an 4 de la liberté et de l'égalité, nous maire et officiers
  municipaux et notables de Montgauguier assemblés au conseil général de la commune, nous sommes, à la réquisition du sieur Bersange, transportés à l'église paroissiale, où étant sur les 7 heures dû matin... nous avons, à l'issue de la messe dite et célébrée par le sieur Bersange, curé, et en face de l'autel... reçu son serment, par lequel il a juré de rester fidèle à la Nation, de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir à son poste, duquel nous a requis acte, ce que nous lui avons octroyé, pour valoir et servir ce que de droit.
    Bersange, curé de Montgauguier Jamin, maire Déméocq, Guiot, officiers Mitault, procureur de la commune
  Bonhommeau, notable Boussiquet, notable Mestais, greffier"
      AV, L 258, 4
   
  Sans doute ce serment ne suffit-il pas au directoire exécutif de Poitiers qui fournit alors au curé un imprimé réglementaire à
remplir. Bersange répond, excédé :
   
    "Je vous envoie le serment selon la formule que vous m'avez envoyée. Auparavant j'avait juré d'être fidèle à
  la Nation, à la loi, au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décidée par l'Assemblée Nationale et sanctionnée par le Roi. Que faut-il faire de plus ? Je défie qu'on trouve un plus fidèle citoyen que moi qui suis avec respect, Messieurs, Votre très humble et très obéissant serviteur.
Bersange, curé de Montgauguier
Le 21 septembre 1792"
      AV, L 256
   
  Cette profession de foi est peu sincère puisque Bersange s'est rétracté vers avril 1791, et n'a juré à nouveau que le 2
septembre 1792, soit 19 jours plus tôt seulement. Serment exigé par la loi du i9 fructidor an 5 (5 septembre 1797) :
   
    "Extrait du registre de l'administration de Vouzailles. Aujourd'hui, 2 vendémiaire an 6 [23 septembre 1797]
  de la République... est comparu Jean Bersange, lequel a fait la déclaration dont la teneur suit : Je jure haine à la Royauté et à l'Anarchie, attachement et fidélité à la République et a la Constitution de l'an 3.
Nous lui avons donné acte de cette déclaration et il a signé avec nous.
Signé au registre : Bersange"
      AV, L258, 4
   
  Les documents n°15 et 15 bis donnent la déclaration de non-rétractation écrite de la main du curé lui-même. Enfin, voici
un certificat de vie et de résidence, toujours rédigé par Bersange :
   
    "Nous soussignés... sur l'attestation des citoyens Pierre Simon, menuisier, Pierre Verrier, cultivateur, Gabriel
  Ridouard, cultivateur de la commune de Montgauguier...
    Certifions que le citoyen Bersange est vivant... qu'il n'est point émigré, qu'il n'a jamais été détenu pour cause
  de suspicion de contre-révolution... qu'il a signé avec nous... Certifions en outre qu'il nous a présenté en bonne forme les quittances de ses impositions... les certificats de son civisme, qui lui ont été délivrés dans les formes présentes par la loi républicaine.
    Suit le signalement du citoyen Bersange, âgé de 61 ans, taille de 5 pieds 4 pouces [1,65 m environ], cheveux
  châtains, sourcils de même, yeux bleus enfoncés, nez long, bouche moyenne, menton retiré, visage long, assez de couleur, le front large, jambes moyennes.
    Fait et délivré le 27 messidor an 6 [15 juillet 1798] de la République
  Bersange de Maisonneuve Pierre Simon Verrier Ridouard
Dadu, adjoint municipal Mestais, agent de la commune"
   
      AV, L 258, 4
   
 

Le 22 pluviôse an 7 (10 février 1799), Bersange se fait délivrer par l'administration de Vouzailles une nouvelle attestation

de serment.
   
  Mais il ne se contente pas de ses fonctions ecclésiastiques et participe, aussi, régulièrement, à l'activité municipale. Il
rédige ou copie des actes, et surtout il continue à tenir l'état-civil après le décret de 1792 qui met celui-ci à la charge des mairies et en dispense les autorités religieuses. Ce n'est d'ailleurs pas exceptionnel, le curé de Charrais le fait aussi; les curés de Varenne et Amberre sont même élus maires et ceux de Cramard et Champigny procureurs de leur commune.
   
  Le premier acte d'état-civil rédigé par Bersange est daté du 11 fructidor an 2 (28 août 1794), mais il est signé : Louis
Clave, officier public. Ensuite le curé ajoute sa signature. Plus tard, à partir du 11 brumaire an 3 (1er décembre 1794), il n'y a que lui qui signe, en faisant suivre de la mention : "faisant pour l'officier". Il semble qu'il soit alors le seul à s'occuper de l'état-civil comme avant 1792, ce qui atteste la confiance que lui témoigne la municipalité, comme le montre le texte suivant, écrit par Bersange et cosigné par le maire et lui-même :
   
    "Nous soussignés, maire de Montgauguier, et nous, curé de Montgauguier, certifions à qui il appartiendra
  que les actes rédigés sur papier libre ci-dessus sont authentiques et que foi doit y être ajoutée comme transcrit mot à mot sur le registre du greffe à Poitiers.
Ce 19 brumaire an 6 de la République.
Bersange, curé Roy, maire"
   
 

On voit bien là que le curé est respecté dans la commune et le maire le laisse même signer avec lui et avant lui sur un

registre officiel.
   
  Il obtient d'ailleurs un passeport (n°19) délivré par l'administration du district de Poitiers le 3 floréal an 6 (22 avril 1798)
sur l'attestation de Jacques Aymereau et Pierre Simon, agent municipal et adjoint, ce qui montre bien qu'il n'est pas considéré comme suspect.
   
  Puis à nouveau, la signature de Bersange est accompagnée de celle du maire ou d'un officier municipal. Enfin à partir du
20 floréal an 5 (9 mai 1797), il rédige les actes mais ne signe plus, et cela jusqu'au 20 ventôse an 12 (12 mars 1804). Il meurt alors le 15 floréal an 12 (5 mai 1804).
   
  Plus tard sa propriété est acquise par une famille Métais, puis par Jean Laplaine de La Guyardière, longtemps conseiller
municipal, qui la cède à sa fille Radegonde, laquelle se marie avec Vincent Cointre, ancêtre d'Albert Cointre. Elle restera dans cette famille jusqu'en 1985.
   
  Les premières années de la Révolution, les publications de mariage sont notées sur le registre d'état-civil. Elles sont
toujours annoncées à la porte de l'église, d'autres fois à celle de la mairie, et cela, semble-t-il, indifféremment dans l'un ou l'autre lieu. En voici deux exemples :
   
    "Aujourd'hui, le 22 avril 1793, l'an 2 de la République, moi Louis Clave, officier public de la communauté de
  Montgauguier, certifie avoir publié les promesses réciproques de mariage entre... et ce par devant la principale porte de l'église à l'heure de la sortie de la messe..."
    "Nous, Louis Clave, officier public, certifions avoir publié à la porte extérieure et principale de l'église... le
  dimanche 27 octobre 1793, à l'issue de la messe paroissiale... et avoir pareillement mis affiche à la porte de la maison commune, de ladite publication."
   
  Remarquons que l'on emploie toujours le terme de "communauté" au lieu de commune, et même souvent encore celui de
paroisse. Et les publications sont lues à la porte de l'église. En 1793 et jusqu'au 17 nivôse an 2 (6 janvier 1794), Louis Clave porte, toujours, dans l'acte de naissance, les noms des parrain et marraine et il marque en marge : "baptême de..." et non "naissance de...". Il faudra attendre plusieurs années pour' que les "citoyens" s'habituent à leur nouvelle situation et ne fassent plus référence à l'Ancien Régime.
   
  On prend bien garde aussi de ne pas fixer la cérémonie à une date du calendrier républicain correspondant à l'ancien
dimanche. La volonté de déchristianisation nettement affirmée par la création du nouveau calendrier, est donc mise en échec à Montgauguier, comme d'ailleurs dans la plupart des autres communes.
   
  A partir du 22 septembre 1798,. les mariages sont célébrés obligatoirement le décadi et au chef-lieu de canton. La loi du 7
thermidor an 8 (26 juillet 1800) supprime cette dernière astreinte, mais ils continuent pendant quelques mois encore à se dérouler à Vouzailles où les actes sont rédigés. Certains de ceux-ci seront ensuite reportés sur le registre de Montgauguier.
   
  Voici le compte-rendu de la dernière réunion de la municipalité du canton de Vouzailles :
   
    " Séance du 12 floréal an 8 [2 mai 1800]
  Il a été donné lecture de la lettre du citoyen préfet du département de la Vienne, datée du premier de ce mois, portant en substance qu'en exécution de l'arrêté du 17 ventôse dernier, nous ayons à cesser nos fonctions en conséquence de la loi et de la lettre précitée... Nous, administrateurs municipaux et commissaire du gouvernement près ledit canton, déclarons cesser toute fonction administrative, en conséquence de ce que dessus mentionné.
    Dont acte et rédaction du présent, lequel sera envoyé au citoyen préfet du département de la Vienne, pour
  obtempération.
Vouzailles, les jour, mois et an que dessus.
Varenne, commissaire Roblin Sauzeau Mestais Alexandre
Villain Verrier"
      AV, L 450
   
  On revient alors aux communes qui retrouvent leur individualité. Les conseillers municipaux sont nommés par le préfet,
tout comme le maire. A Montgauguier, c'est Jean Roy qui est choisi avec Louis Martin comme adjoint. Ils gardent leur poste jusqu'en 1808.
   
  Le canton de Vouzailles est supprimé le 23 pluviôse 1802 (12 février 1802) .
   
  Montgauguier, Cherves, Jarzay et Vouzailles entrent alors dans celui de Mirebeau (qui est remodelé en perdant certaines
de ses communes précédentes comme Blaslay), Ayron, Chalandray, Cramard, Frozes et Maillé dans celui de Vouillé, et Villiers dans celui de Neuville.
   
  Les communes de Jarzay et Cramard disparaîtront plus tard pour être rattachées respectivement à celles de Massognes
(en 1832 ) et Chalandray.
   
  La perception, restée à Vouzailles jusqu'à ces dernières années, était une survivance de cette fonction de canton, et les
habitants, très fiers d'avoir dans leur commune, un percepteur et un notaire, considéraient, au XIXème siècle, qu'ils possédaient "toute la vie intellectuelle de la région".
   
   
  VENTE DES BIENS NATIONAUX
   
   
 

Le 2 novembre 1789, sur la proposition de Talleyrand, l'Assemblée Constituante met les biens du Clergé "à la disposition

de la Nation". En contrepartie, l'Etat s'engage à pourvoir aux frais du culte et à verser un traitement aux évêques et aux prêtres qui reconnaîtront la Constitution Civile du Clergé, ainsi qu'à assurer l'entretien des écoles et le soulagement des misères des pauvres, ces dernières dépenses ayant été jusque là, pour l'Église, la justification de sa dispense de l'impôt. Les établissements de pratique religieuse deviendront ensuite la propriété des communes.
   
  Le pouvoir civil, à court d'argent, en profite pour créer une nouvelle monnaie, les assignats, gagés (assignés) sur ces biens
spoliés vendus plus tard au public par lots. Il est décidé que, pour cet achat, le nouveau papier sera accepté en priorité. Mais les émissions succèdent aux émissions, les billets se déprécient, si bien que nombre d'acheteurs paieront, grâce à eux, leur acquisition en "monnaie de singe".
   
  Le 19 septembre 1792, une nouvelle loi met en vente les domaines des nobles émigrés.
   
  Tous ces biens du Clergé et de la Noblesse, ainsi mis à l'encan, forment ce que l'on appelle "les biens nationaux". Même
si l'on accorde de grandes facilités de paiement et des prêts à taux modéré, les petits paysans, et à fortiori les journaliers, n'ont pas "l'apport" nécessaire à des achats qui représentent souvent des milliers de livres. D'autant que pendant les deux premières années, les biens du clergé sont vendus aux enchères, en bloc, au chef-lieu du département. Cette décision de faire des lots importants indivisibles empêche les petits propriétaires de se porter acquéreurs. C'est donc la bourgeoisie, surtout celle des villes mieux informée et mieux placée, qui en tire le plus grand profit et devient, par ce fait, le plus fidèle soutien de la Révolution, ne désirant
évidemment pas le retour de l'Ancien Régime qui pourrait remettre en cause ses acquisitions. La division par petits lots sera décidée plus tard et pour peu de temps, mais elle portera sur des biens de moindre valeur et ne consolera pas les déçus des premières ventes.
   
  Dans la commune actuelle de Maisonneuve, sont vendus comme biens nationaux les domaines de Montgauguier et de
Pauillé. Plus tard, La Guyardière et Le Chêne, qui avaient alors le même propriétaire, sont mis sous séquestre :
   
    " Séance du 18 pluviôse an 6 [6 février 1798]
    Il a été donné lecture de l'arrêté du département de la Vienne du 3 nivôse dernier... portant la mise en
  séquestre des biens et dépendances situés dans le canton :
  3) d'une lettre du citoyen Thibault, receveur du domaine national à Mirebeau, en date du 13 pluviôse, à
  l'adresse du commissaire près de cette administration portant que le domaine de La Guyardière et du Chêne, situé commune de Montgauguier, sera mis sous séquestre.
    L'assemblée arrête que son commissaire se rendra de suite chez les fermiers et colons desdits biens pour les
  mettre en séquestre."
      AV, L 450
   
  Ce propriétaire est probablement alors le même qu'en 1781, c'est à dire Marie Anne Elisabeth Aymée de Mont Sorbier
de la Brallière, qui possède aussi les fiefs du Fresne, Varaise, Pigrais, Le Chastelet, La Fromentelière et autres lieux. Elle est l'épouse du "haut et puissant seigneur Charles Louis de Tinguy, marquis de Nemy (ou Nency), seigneur haut justicier de Chaillé, La Guitardière, Lambonnière et autres lieux."
   
  Ces deux derniers domaines ont-ils été vendus comme biens nationaux ? Nous n'en avons pas trouvé trace. Jacques
Brault, qui en est fermier en 1796, marie cette année-là son fils Pierre avec une fille Maillard, descendante de Maillard' de Grand-Maison et habitant toujours la maison du Bourg-Bernard que celui-ci avait acquise ou construite avant 1670. En 1813, Pierre Brault est propriétaire de La Guyardière, mais il habite Cuhon.
   
   
  DOMAINE DE PAUILLE
   
   
  C'est lui qui est mis aux enchères le premier. Le 21 décembre 1790, deux experts, René Merceron fermier de la Mothe-
Bureau, et Jean Métais, laboureur, ancien fermier de Montgauguier, choisis, l'un par un candidat-acquéreur, l'autre par l'administration des domaines nationaux, se réunissent avec un troisième "le sieur Guillon", désigné par Louis Martin, fermier de Pauillé, "afin de régler ce qui reste actuellement à la charge dudit Martin après l'abolition de la dîme". L'expertise est pratiquée "sous le contrôle de François Mitault, membre du district". Ancien fermier de Montgauguier et ami de Louis Martin, il achètera comme biens nationaux les temporels des cures de Cherves et Massognes, représentant un grand nombre de boisselées de terre. Probablement, est-il le François Mitault qui acquerra de la même manière le château de Cherves.
   
  Estimation
 
  1. une maison et des bâtiments servant à l'exploitation de la ferme, pièces de terre dépendant de ladite ferme qui ont paru d'un maigre rapport, estimés à un revenu annuel de 696 1
     
  2. différents fiefs de terre labourable et vigne, sujets au droit de terrage à la l/6ème partie des fruits et abolition de la dîme : 250 1
     
  3. 41 boisseaux de froment, mesure de Mirebeau, dûs en différentes rentes, estimés à un revenu annuel de : 77 1 18 s
     
     

Total des revenus annuels : 1 023 1 18 s

    Soit en principal la somme de 19 372 1 2 s"
   
 

Plus tard, pour les autres ventes, pour obtenir la valeur du bien, on multipliera en général le revenu annuel par le coefficient

22, mais ici celui-ci est nettement inférieur à ce nombre.
   
  Louis Martin avait posé sa candidature à l'acquisition du domaine, par lettre adressée au directoire de Poitiers le 10
septembre 1790, mais il semble y avoir renoncé, car il ne participe pas aux enchères.
   
  La vente a lieu le 16 avril 1791; plusieurs candidats acquéreurs se présentent. L'adjudication se fait à la bougie (on en allume
successivement trois).
   
  Voici les enchères effectuées, après la mise à prix de 19 372 1 2 s :
 
  Vindal 20 000 1  
  Chauveau 23 000 1  
  Vindal 24 000 1  
  Chauveau 24 100 1  
  Vindal 25 000 1  
  Chauveau 26 000 1  
  Vindal 27 000 1  
  Chauveau 27 100 1  
  Vindal 28 000 1  
  Roy 29 000 1  
  Bourgnon 30 000 1  
 
  Ce dernier enlève l'adjudication. Il doit payer la somme de 3 600 1 pour acompte et le surplus de 26 400 1 sera réglé en
12 annuités de chacune 2 977 1 14 s. L'acte est ensuite enregistré à Poitiers le 20 avril 1791.
     

D'après AV, Q2, 3

   
  Ce Bourgnon est lieutenant des Eaux et Forêts. Il doit avoir de gros moyens, car il a déjà acheté la métairie de Maillé pour
24 000 1 le 10 mars 1791, et le 17 avril 1791, lendemain de la vente de Pauillé, ce seront le château de Maillé et 21 arpents de bois qui eviendront sa propriété pour la somme de 51 000 1. Soit une dépense totale de plus de 100 000 1, à une époque où les assignats n'ont pas encore subi l'énorme dépréciation qu'ils connaîtront plus tard.
   
  Il acquiert tous ces biens en 1791, soit avant le vote des lois de 1792 et 1793 (documents n° 13 et 13 bis) qui suppriment
totalement les droits seigneuriaux issus de la féodalité. Après cette dernière date, les biens nationaux perdent donc une partie de leur valeur, celle que leur donnaient justement ces redevances. Aussi la loi de 1793 autorise-t-elle les anciens acquéreurs, soit à réclamer une réduction, soit à demander l'annulation de la vente. Il semble que peu d'entre eux choisissent cette deuxième solution (le fonctionnaire qui règle cette affaire se réfère toujours au même seul autre cas dans le département); c'est pourtant celle que préfère Bourgnon pour toutes ses acquisitions. Pour le château de Maillé, un calcul très compliqué et refait plusieurs fois avec des résultats différents, lui permet de récupérer 6 300 1 sur les 12 500 1 qu'il a déjà versées. On lui déduit en effet, les intérêts à 4 % de la somme qu'il a déjà avancée, mais il doit subir ces mêmes intérêts sur le montant total de son achat et le directoire exécutif de Poitiers refuse de lui payer l'indemnité qu'il réclame pour des frais de "réparations et bonifications du château" (d'après AV, Q2, 20).
   
  Il faut tenir compte du fait que, pendant plusieurs années, Bourgnon a perçu le fermage de ses acquisitions. On ne peut
donc savoir si celles-ci lui ont été pécuniairement bénéfiques ou non.
   
  Le domaine de Pauillé est remis en vente quelques années plus tard, toujours au titre de bien national. L'estimation est faite
le 22 floréal an 4 (11 mai 1796), par les experts François Mitault (déjà cité) et Leroy, juge de paix à Vouillé. Ils écrivent :
   
    "Il y avait un bail en 1786, mais comme il comprenait des rentes, complants, terrages et autres droits ci-devant
  nobles qui se trouvent supprimés, on ne peut évaluer sur le bail la valeur restante du domaine qui consiste dans les bâtiments et terres, le tout exploité par Louis Martin."
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