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  L'ECOLE
   
   
   
 

AVANT LA REVOLUTION

   
   
 

Avant 1789, un maître d'école, Pierre Simon, exerce à Montgauguier, alors qu'il en est fait rarement mention dans les

paroisses voisines. Il marie sa fille, Anne, à Champigny en 1768, et son fils Pierre, menuisier, à Montgauguier le 7 février 1771 où il décède lui-même le 4 décembre 1785, étant toujours en fonction à 77 ans, mais il n'était pas né, ni ne s'était marié dans notre paroisse.
   
 

C'est la fabrique qui choisit le maître d'école et le paie (très mal). Les élèves versent un droit d'écolage, ce qui limite

considérablement le nombre de candidats à l'instruction. D'ailleurs, il n'a dans sa classe que des garçons, car l'Eglise ne voit pas l'intérêt de faire instruire les filles dont l'avenir tout tracé est le mariage et la maternité, avec obéissance et dévouement absolus à leur famille.
   
  L'enseignement est très succinct et surtout religieux : alphabet, lecture, écriture, prières, réponses de la messe,
quelquefois catéchisme. Le maître d'école ne peut enseigner que ce qu'il sait, et ses connaissances sont très limitées, le plus important étant d'abord qu'il soit un bon chrétien; les résultats de son travail ne peuvent donc être que très médiocres.
   
  Il loge près de l'église et peut sonner l'angélus; car il est parfois sacristain. Il doit se rendre aux convocations de
l'autorité ecclésiastique, et dans la paroisse, il est entièrement sous la dépendance du curé qui visite la classe quand il le désire.
   
 
Lors de l'établissement du terrier de 1730, à Montgauguier, sur les 20 habitants "requis" pour signer, 7 ont pu le faire.
Et encore, peut-être ne savent-ils écrire que leur nom. C'est, par exemple, plus tard, le cas de Louis Martin, fermier de Pauillé, qui est obligé de recourir à une autre personne pour rédiger son courrier, comme lorsqu'il écrit, le 10 septembre 1790, au directoire exécutif de Poitiers pour poser sa candidature à l'acquisition, comme bien national, du domaine qu'il exploite.
   
  Dans les deux périodes de référence que nous avons choisies avant la Révolution, voici le nombre et le pourcentage
de personnes qui savent signer :
 
     
Nombre de personnes sachant signer
             
nombre de
Hommes
Femmes
%
%
%
mariages
global
hommes
femmes
1701- 1725 (25 ans)
143
33
6
13,6
23
4
1740- 1789 (50 ans)
262
69
2
13,5
26
0,7
   
  Il n'y a donc eu aucun progrès dans le courant du XVIIIème siècle.
   
  A la veille de la Révolution, peu d'hommes, et à peu près aucune femme, savent signer et encore moins écrire ou lire
couramment.
   
  Qui bénéficie alors de l'enseignement ? Essentiellement les fils de familles aisées, puisqu'il faut payer l'écolage. Ainsi les
deux garçons du fermier Jean Dribault de Montgauguier savent signer l'acte de leur mariage, pas ses trois filles. De même, Louis Martin signe (d'une écriture très hésitante) son bail de fermage en 1768. Louis Clave, fermier de Montgauguier à la Révolution, deviendra conseiller municipal puis maire. Il sera quelquefois chargé de rédiger les actes d'état-civil, tâche dont il s'acquittera fort bien avec une belle écriture. Jean Dribault lui-même écrit souvent, en particulier à l'intentant Berland. Voici une lettre qu'il lui adresse et qui montre qu'à cette époque, on envoyait déjà des voeux de nouvel an :
   
  "A Montgauguier, le 2 janvier 1742
  Monsieur,
  J'ai l'honneur de vous écrire pour avoir l'honneur de vous souhaiter bonne et heureuse année et des
  bénédictions du ciel, et je souhaite aussi la continuation de vos bonnes amitiés."
      AV, 3H1, 546
   
  Les cours ont lieu essentiellement pendant la mauvaise saison, car, dès le printemps, la terre exige tous les bras
disponibles. Les enfants travaillent très jeunes, ne serait-ce que pour garder les troupeaux. C'est pourquoi le maître d'école exerce au moins un autre métier; il peut avoir des terres ou des vignes, ou être artisan.
   
   
 

APRES LA REVOLUTION

   
   
 

Celle-ci a de grandes ambitions pour l'école; Danton ne disait-il pas "L'éducation est après le pain, le premier besoin du

peuple" ? Elle veut enlever le contrôle de l'instruction à l'Eglise, pour le donner à l'administration et aux familles. Un certain nombre de lois sont donc votées pour organiser l'Enseignement, mais à l'arrivée de l'Empire, à peu près rien n'a été fait sur le terrain, par manque de temps et surtout de moyens. La plupart des écoles restent des écoles privées religieuses, surtout catholiques. Mais la Révolution entend les surveiller de près. Voici quelques passages d'une circulaire envoyée de Poitiers aux municipalités du canton de Vouzailles, le 2 ventôse an 6 de la République française, une et indivisible (1er mars 1798) :
   
   

"Vous le savez : le fanatisme et le royalisme, honteusement coalisés pour renverser toutes les institutions

républicaines, se sont principalement réfugiés dans les maisons particulières d'éducation; c'est là qu'il faut chercher ces deux ennemis irréconciliables du genre humain...
    Il faut donc veiller à ce que les écoles privées ne soient plus désormais un foyer de séduction et de
  mensonge... que la plus saine morale y soit enseignée comme dans les écoles publiques...
    Visitez fréquemment et au moins une fois par mois, toutes les écoles particulières...
  Voyez si dans ces écoles... on observe religieusement le décadi, si on y célèbre les fêtes de la République, et si
  l'on s'y honore du nom de citoyen..."
   
 

Contrôle de l'école, cette fois par la nouvelle religion républicaine, aussi abusif que le précédent.

   
  Très lentement, jusqu'en 1881, des écoles vont se créer un peu partout, dans les villes et gros bourgs d'abord. Une loi
de 1794 rend l'école entièrement libre, toute personne pouvant en ouvrir une, en indiquant ce qu'elle désire enseigner. Mais dans la pratique, l'instituteur laïque est sous la surveillance de la municipalité, des parents et du curé. Une loi de 1816 exige qu'il possède un brevet de capacité délivré par le préfet, après un petit examen et surtout la présentation d'un certificat de bonne vie et moeurs établi par le maire et le curé.
   
  En 1824, 1'évêque de Poitiers écrit à ses prêtres :
   
   
"Chaque fois qu'un individu se présentera pour s'établir en qualité d'instituteur primaire dans votre
  commune, prenez les renseignements les plus justes sur ses opinions religieuses et politiques et sur sa conduite antérieure."
   
  La loi du 28 juin 1833 sous Louis-Philippe 1er précise :
   
    "Il y aura près de chaque école communale un comité local de surveillance, composé du maire ou adjoint,
  président, du curé ou pasteur, et d'un ou plusieurs habitants notables..."
   
  Cette loi organise, pour la première fois, l'enseignement primaire, en apportant une aide à chaque commune pour
l'ouverture d'une école. Elle crée aussi les Ecoles normales d'instituteurs.
   
  Ensuite, le règlement de 1851 stipule, parlant du maître d'école :
   
    "On ne le verra point fréquenter les cabarets... les lieux qui ne conviendraient pas à la dignité de sa
  fonction."
   
  L'instituteur conduit alors ses élèves à l'église pour le catéchisme, pendant le temps de la classe, et le dimanche il les
emmène à la messe où il veille à leur bonne tenue. Il peut même lui arriver, sous le Second Empire, de devenir l'agent électoral du candidat officiel aux élections, par ordre de ses supérieurs.
   
  Il est payé par les parents, suivant le système ancien de l'écolage (en argent ou en nature), mais aussi par les communes
qui reçoivent une petite subvention de l'Etat. Son salaire étant souvent insuffisant, il exerce fréquemment un second métier, en particulier encore celui de sacristain.
   
  L'instituteur a peu de matériel, car il doit le fournir lui-même. Pour les enfants qui apprennent seulement à lire, un banc
suffit. Ceux qui écrivent ont une table, souvent une planche sur deux tréteaux. Les enfants apportent ce qu'ils peuvent; leurs livres sont différents et ne permettent qu'un enseignement individuel. Aussi le maître utilise-t-il des moniteurs, élèves plus âgés qui aident les plus jeunes. Il peut ainsi s'occuper de 100 élèves et plus, et diminuer les frais pour la famille qui s'impose souvent un lourd sacrifice.
   
  Que comprend cet enseignement ? Au début les parents peuvent choisir de payer pour que leur enfant apprenne
seulement à lire, ou à écrire, ou les deux.
   
  La loi du 28 juin 1833 indique pour les garçons :
   
    "L'instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l'instruction morale et religieuse, la lecture,
  l'écriture, les éléments du calcul, les éléments de la langue française, le système légal des poids et mesures."
   
  Pour les filles, on ajoute le chant et les travaux d'aiguille.
   
 
La morale est très importante. Elle exige une leçon spéciale le matin, mais elle est sans cesse présente dans les autres
matières de la journée. Ainsi la leçon d'écriture est l'occasion de copier une maxime édifiante; le chant, le dessin, la lecture sont toujours choisis en fonction de ce thème.
   
  L'écriture est alors le bouquet de l'enseignement. Son apprentissage coûte plus cher que celui de la lecture. Il faut
d'abord s'habituer à tailler sa plume d'oie avec soin. Après l'introduction à l'école des plumes métalliques (qui, parmi nous ne se souvient de la fameuse "sergent-major" ?), on continue d'enseigner avec art la calligraphie. L'encrier, en plomb ou en porcelaine, enfoncé dans la table, est un élément important... et les pâtés sur le cahier un autre, menace de sanction ! Rien à voir avec l'usage si facile, de notre stylo à bille. La plume pique le papier, crache, au grand dam du pauvre élève qui entoure le manche du porte-plume de papier-buvard pour éviter de se tacher. Et gare à la table ! L'élève gaucher reçoit des coups de règle sur les doigts jusqu'à ce qu'il se décide à utiliser sa main rétive. Car tout le monde doit écrire avec la droite et, d'ailleurs,les encriers sont fixés de ce côté de la table.
   
  La lecture s'apprend d'abord par l'alphabet. Puis on assemble les lettres pour former les mots. Ensuite seulement on peut
apprendre la lecture courante; après 1870, ce sera dans ce fameux "Tour de France par deux enfants" de Bruno, que la France entière apprendra à lire et à aimer la patrie et qui restera le livre de base à Maisonneuve jusqu'en 1942.
   
 

Le calcul se fait d'abord avec le boulier. On apprend par coeur les tables d'addition et de multiplication, et tous les jours

elles sont récitées en chantant, méthode très efficace. L'étude du système métrique est bien nécessaire pour s'initier à l'usage des nouvelles mesures créées par la Révolution. Mais à voir l'utilisation encore fréquente des boisselées, des cordes (pour le bois) ou des livres (pour les poids), il ne semble pas que nos ancêtres aient été plus ouverts dans l'acquisition des nouvelles unités que notre génération ne l'a été dans celle des "nouveaux" francs !
   
  L'histoire, la géographie, les sciences (pour les garçons) font surtout appel à la mémoire. On apprend par coeur la liste
des départements français, ainsi que leurs chefs-lieux, leurs sous-préfectures, une longue liste de dates historiques.
   
  Après 1870, l'histoire et la géographie sont enseignées aussi dans un but patriotique. Il faut inculquer aux enfants l'esprit
de revanche pour la reprise à l'Allemagne de l'Alsace-Lorraine. Aucune matière n'y échappe d'ailleurs : morale, chant, récitation, dessin, lecture, écriture, rédaction, calcul, tout est l'occasion d'un hymne à la patrie française. Une instruction de 1872 définit parfaitement le but recherché :
   
    "Aimer la Patrie, respecter les lois jusqu'à la plus passive obéissance, voir et craindre la main de Dieu...,
  en un mot former des citoyens honnêtement, moralement et religieusement convaincus de la nécessité de la force..."
      (citation tirée du "Picton")
   
  En plus, les filles, toujours moins nombreuses que les garçons à l'école, apprennent les travaux d'aiguille. Il faut qu'elles
connaissent les points de couture afin de pouvoir confectionner leur trousseau et entretenir le linge de leur ménage.
   
 

L'école se dégagera un peu du contrôle religieux entre 1830 et 1850,'pour y retomber ensuite avec les lois Falloux. Ce

n'est qu'en 1881-1882, avec les lois Jules Ferry, que l'école deviendra gratuite, laïque et obligatoire pour tous. Mais certaines communes, comme Montgauguier, ont déjà, à cette date, instauré la gratuité.
   
   
 

L'ECOLE A MONTGAUGUIER

   
   
  Que devient l'école dans notre village, pendant et après la Révolution ?
   
  Toussaint Dadu né à Vouzailles, se marie à Montgauguier le 6 frimaire an 2 (26 novembre 1793), à l'âge de 37 ans, avec
Marie Simon, 28 ans. Profession portée sur le registre : "maître d'école en cette commune". Vu son âge, on peut penser qu'il exerce depuis quelques années; peut-être a-t-il succédé à Pierre Simon, décédé en 1785 (pas de parenté, du moins proche, entre celui-ci et la mariée citée ci-dessus). Il est aussi cultivateur et exerce toujours à 67 ans, en 1821. Il mourra en 1838.
   
  On trouve dans le registre de la municipalité du canton de Vouzailles, la transcription ci-dessous du serment prononcé
par Toussaint Dadu et exigé par la loi :
   
    "Aujourd'hui 19 frimaire an 6 (9 décembre 1797) de la République française, par devant nous
  administrateurs municipaux de Vouzailles, a comparu le citoyen Toussaint Dadu, instituteur demeurant à Maisonneuve, commune de Montgauguier, lequel a dit que pour satisfaire à l'arrêté du département en date du 14 brumaire dernier, il jurait de maintenir la liberté et l'égalité, serment exigé par ledit arrêté en interprétation de la loi du 3 octobre 1793, et à ce sujet qu'il promettait en outre de n'enseigner que la morale républicaine, et que ses premiers livres élémentaires seraient les droits de l'homme, la Constitution, le tableau des actions héroïques et vertueuses.
   

De tout quoi il a requis acte et signé.

      Toussaint Dadu"
        AV, L 450
   
  Ensuite le premier document trouvé à ce sujet date de 1842. C'est une étude (sans doute engagée à cause de la loi de
1833 organisant l'enseignement primaire) pour la reconstruction complète de l'école, en très mauvais état, ce qui permet de penser qu'elle existe depuis longtemps. Les habitants décident de faire les réparations eux-mêmes et une souscription sous forme de matériaux fournis, rapporte l'équivalent de 445,91 F, le devis s'élevant à 3 225,65 F. En réponse à une demande de subvention, le Préfet répond que l'Etat ne peut donner au maximum que le tiers du montant prévu des travaux, tout en reconnaissant que la commune "se trouve dans une position particulière à raison de la pénurie de ses ressources".
   
  Le projet n'a donc pas de suite, et Auguste De Fleury, né à Saint-Romain en 1809, s'installe comme instituteur privé à
Montgauguier en 1843, après avoir obtenu le brevet élémentaire en 1839. Il achète le 25 mai 1843 à Elisabeth Roy (fille de Jean Roy, ancien notaire et maire, décédé en 1836), un terrain situé près de celui de l'église actuelle et y fait construire une maison (devenue la propriété d'Albert Cointre, elle a été récemment démolie pour laisser la place à une maison neuve). Il acquiert aussi en même temps (sans doute encore d'Elisabeth Roy) une petite grange située sur la place de l'église actuelle, devant l'ancienne maison de Jean Roy, à côté du puits supprimé il y a une vingtaine d'années, et gui va servir d'école (et de mairie) jusqu'en 1882 (il est possible que ce bâtiment soit celui de l'école de 1842 citée ci-dessus) .Elle sera démolie en 1905-1906 pour agrandir la place.
   
  Léa Métais est la seule personne qui se souvienne de cette ancienne école. Il y avait un petit passage entre celle-ci et la
maison de Jean Roy qui était plus basse que la maison actuelle de Constant Ayrault, comme on le voit très bien sur la photographie représentant le puits.
   
 

A la mort de De Fleury en 1849, un remplaçant nommé Bourault reste très peu de temps. Madame De Fleury loue alors

les locaux, école et maison d'habitation, à la commune, par un bail de trois ans.
   
  Le 22 avril 1850, le Conseil accepte la candidature de Jean Nicolas Texereau, 28 ans, venant de Queaux. Né à Voulême en
1822 (brevet élémentaire en 1842), il commence à exercer le 1er janvier 1851. C'est, dit le compte-rendu de la délibération municipale, "le premier instituteur communal".
   
  La rétribution d'écolage est fixée à 1 F, 1,50 F et 2 F par mois. La raison de la diversité des tarifs n'est pas précisée. Elle
peut être liée au contenu de l'enseignement choisi, plus sûrement à l'âge des enfants. La commune fixe à 600 F (minimum imposé par la loi) le salaire de l'instituteur.
   
  En 1852, comme 75 à 80 élèves se pressent dans l'unique salle, la commune envisage d'acheter pour 3 000 F cette école
louée à Madame De Fleury et de l'agrandir (devis 1359 F). Le projet est abandonné, sans doute par manque d'argent, puisque le 1er mai 1854, Jean Texereau achète les deux locaux, classe et maison d'habitation, et confirme le bail à la commune (en 1873 le loyer est de 130 F).
   
  En 1863, le taux de la cotisation scolaire est de 1,50 F pour tous. L'instituteur reçoit en plus de son salaire de 700 F une
indemnité de logement de 130 F.
   
  En 1864, la rétribution scolaire est toujours de 1,50 F, mais on peut souscrire un abonnement annuel de 8 F jusqu'à 7 ans,
de 12 F au-dessus de cet âge.
   
  On veut ainsi encourager les parents à laisser leurs enfants à l'école tout au long de l'année. Mais pour bien longtemps
encore, l'arrivée du beau temps vide la classe qui perd souvent plus de la moitié de son effectif. Au début du XXème siècle, les inspecteurs primaires se plaignent toujours de cette désertion qui n'a pas encore complètement disparu à la veille de la Seconde guerre mondiale. Seule la création des allocations familiales et la menace de leur suppression viendront à bout de l'absentéisme scolaire.
   
 
En 1872, la commune encaisse 282,50 F. Si l'on compte une moyenne de 10 F par élève, on voit qu'une trentaine
d'enfants au plus peuvent payer. En y ajoutant la vingtaine d'indigents aidés en 1869, on retrouve les 50 écoliers annoncés alors par le conseil municipal, soit 20 de moins qu'en 1852.
   
  La gratuité décidée à Montgauguier en 1877 fera bondir immédiatement ce nombre à 106 en 1879, ce qui montre bien,
d'une part le frein que la cotisation mettait à la fréquentation scolaire, d'autre part la soif de connaissances ressentie par toute la population.
   
  Pour estimer les progrès accomplis dans le domaine de l'instruction, nous possédons plusieurs documents. D'abord le
nombre de signatures dans la 3ème période de référence choisie :
 
     
Nombre de personnes sachant signer
 
 
nombre de
Hommes
Femmes
%
%
%
 
mariages
global
hommes
femmes
 
1831-1880 (50 ans)
259
155
31
36
60
12
   
  Ensuite, lors de la souscription ouverte pour la construction du presbytère en 1857, 81 hommes sur 162 savent signer,
soit 50 %.
   
  Enfin, nous disposons de deux enquêtes, officielles cette fois, effectuées en 1806 et 1866 à l'occasion du recensement
de la population. En voici les conclusions :
 
Savent lire
Savent lire
et écrire
seulement
Années
Habitants
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
1806
516
282
234
71
6
19
10
1866
583
303
280
204
45
39
148
Pourcentage de
Pourcentage de
Personnes ne
personnes
personnes
sachant ni lire
sachant lire
sachant écrire
ni écrire
Années
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
Hommes
Femmes
1806
32
7
25
2.5
192
218
1866
80
69
67
16
60
87
   
 

Les résultats de l'enquête de 1806 corroborent parfaitement les renseignements obtenus à l'aide des registres paroissiaux

(tableau du début du chapitre).
   
  En 1866, soit 11 ans avant la gratuité scolaire à Montgauguier, 436 personnes sur 583 habitants, savent lire. Si l'on tient
compte des enfants de moins de 7 ans qui, évidemment ne peuvent être comptabilisés, on peut considérer que parmi la population de plus de 12 ans, 80 habitants sur 100 savent lire. Les calculs, faits dans les mêmes conditions, montrent que 50 personnes sur 100 savent écrire en 1866. Avec tout de même une correction importante : si le nombre de femmes qui lisent approche celui des hommes, par contre le nombre de celles qui écrivent n'en atteint pas le quart.
   
 

Ces chiffres semblent élevés, trop élevés. Ils ne résultent que des déclarations faites par les personnes interrogées lors

du recensement, puisqu'on ne les a pas soumises à un examen pour vérifier leur savoir. Bon nombre parmi elles lisent sûrement très difficilement, en ânonnant, ou n'écrivent peut-être guère plus que leur nom. Nos propres arrière-grands-pères paternels, ayant vécu de 1831 à 1903 pour l'un et de 1836 à 1910 pour l'autre, ne savaient pas écrire, et ils n'étaient probablement pas une exception parmi leurs contemporains.
   
  Ces documents montrent tout de même des progrès très nets entre 1806 et 1866, aussi bien en lecture qu'en écriture. Ce
qui laisse supposer qu'après Toussaint Dadu ont exercé d'autres instituteurs à Montgauguier. Peut-être même y en a-t-il eu un régulièrement jusqu'à l'arrivée de De Fleury en 1843, car même si celui-ci, de 1843 à 1849, et surtout Jean Texereau à partir de 1851, ont certainement fait du bon travail, il est impossible qu'une telle progression ait pu se faire en si peu de temps.
   
  Le 12 février 1866, le conseil municipal réclame une subvention pour doter l'école démunie de matériel :
   
 

mobilier insuffisant ? un seul tableau noir

   
  pas de tableau de lecture
   
  pas de tableau de poids et mesures
   
  pas de cartes de géographie
   
  Le 1er décembre 1867, délibération importante du conseil municipal sur l'école :
   
  1) Le Conseil refuse de voter l'allocation obligatoire à l'instituteur pour les élèves indigents.
   
  (Celui-ci est en effet tenu d'accepter gratuitement en classe les élèves sans ressources et la commune doit lui attribuer un
dédommagement forfaitaire. En 1869, l'état des indigents comporte 20 noms et se termine ainsi : "La présente liste dressée par nous, maire de la commune, de concert avec Monsieur le curé".)
   
  2) Le Conseil refuse de recruter un instituteur adjoint, l'école n'ayant que 50 élèves des deux sexes.
   
  3) Il refuse de voter des crédits pour une maîtresse de travaux d'aiguille.
   
  4) Il ne voit pas la nécessité d'une école de filles.
   
  5) L'instituteur ouvre un cours d'adultes gratuit; la commune lui alloue une indemnité de 70 F.
   
  6) Le Conseil refuse la gratuité entière de l'école.
   
  Un an plus tard, la commune décide de verser une somme de 144 F à l'instituteur pour compenser le manque à gagner
dû aux indigents et le Préfet ayant nommé d'autorité une maîtresse de travaux d'aiguille, la commune la paie 100 F par an.
   
  L'indemnité attribuée par la commune permet tout juste à Jean Texereau de vivre décemment avec sa famille. Aussi
participe-t-il régulièrement aux travaux des champs en dehors du temps de classe. Il possède même une vigne et fabrique du vin dont il vend une grande partie pour augmenter ses ressources. Son fils Emile sera plus à l'aise, car il exercera la fonction de secrétaire de mairie et ses deux épouses successives deviendront aussi, plus tard, institutrices à Maisonneuve.
   
  L'année 1877 est la plus importante pour l'école à Montgauguier. D'abord le Conseil vote "la gratuité absolue de
l'enseignement primaire", précédant ainsi les lois Jules Ferry. Sans doute d'autres communes l'ont déjà fait, mais celle de Montgauguier, de petite superficie, est particulièrement pauvre, et ce vote engage un effort financier important que l'on peut saluer. Ensuite :
   
    "Monsieur le maire expose au Conseil la nécessité urgente de la construction d'une maison d'école dont la
  commune est privée depuis si longtemps... Les réclamations des habitants imposent l'obligation de s'en occuper avec la plus grande activité... Il fallait nécessairement recourir à une souscription volontaire comme pour bâtir l'église et le presbytère. Elle a été acceptée avec beaucoup d'empressement par les habitants et a produit la somme de 2 700 F environ. Il y a au centre du bourg un terrain considérable de 35 ares environ sur lequel est bâtie une maison... dont l'acquisition est offerte pour 5 000 F."
   
  En 1878, l'école accueille 94 élèves de 6 à 13 ans, dont 40 filles. Le Conseil décide alors la construction d'une école de
filles et que :
   
    "Madame Texereau Ursule, institutrice brevetée, épouse de Monsieur Emile Texereau, instituteur public
  de cette commune, soit nommée directrice de cette école à partir du 1er janvier 1879. La commune s'engage à trouver une chambre convenable pour qu'elle puisse exercer en attendant la construction..."
   
  Monsieur Emile Texereau, né à Montgauguier en 1856, a succédé à son père en 1877. Celui-ci est alors entré au conseil
municipal en 1878 et il sera maire en 1881. Emile Texereau est très estimé de la population, et les plus anciens de la commune, qui l'ont eu comme maître, en parlent avec beaucoup de respect et de reconnaissance. Il a obtenu le brevet élémentaire en 1875 et prend son poste après avoir enseigné 2 ans à Poitiers. Il a fait ses études avec Pierre Boulin qui deviendra plus tard inspecteur de l'Enseignement primaire et maire de Maisonneuve en 1912.

1910
Cour de l'école des filles au début du XXe siècle
 
 
Au fond, avec un parapluie : Rachelle TEXEREAU, institutrice
 
     


1910
Maison d'habitation des instituteurs aux début du XXe siècle,
 
 
La mairie est situé dans la pièce à droite en bas
 
Dans la rue, près de la porte : Andréa Billault et son père, Germain Billault, notre mère et notre grand père.
 
 
 
 
  En définitive, en 1879, la commune décide la construction de deux écoles séparées de garçons et de filles :
   
   
"Le Conseil en changeant le projet primitif d'école mixte... a cru répondre au désir du gouvernement qui a
  la bonne intention d'abolir le système déplorable d'école mixte".
   
  Cette année-là, 106 élèves de 6 à 13 ans se pressent dans la classe unique de l'instituteur, car le poste d'institutrice n'est
pas encore créé.
   
  Le devis de construction des deux écoles jumelées s'élève à 25 500 F, pour une souscription volontaire de 2 478 F et
une subvention de l'Etat de 7 000 F. Le reste est couvert par un emprunt remboursable en 31 annuités, à partir de 1880.
   
  Lorsqu'il doit traiter d'affaires essentielles pour la commune, le Conseil, composé de 12 membres, peut s'adjoindre 12
personnes choisies parmi les plus imposées, qui délibèrent avec les conseillers, appliquant ainsi une loi de 1818. Ces notables ont toujours été présents pour toutes les décisions importantes concernant l'école.
   
  En 1880, l'administration refuse la demande faite par la municipalité d'accueillir les enfants de 5 à 6 ans et de plus de 13
ans "à cause de l'exiguïté des locaux et leur insalubrité". Le Conseil réagit vivement :
   
    "Considérant que la décision prise... cause un bien mauvais effet dans l'esprit de la population, que pour
  répandre l'instruction davantage, il est utile que les enfants commencent à fréquenter l'école au moins à 5 ans et puissent ne la quitter qu'à l'âge le plus avancé possible..."
   
  Conseil municipal admirable, déjà persuadé en 1880, avant l'institution de l'école obligatoire, de la grande importance de
1'instruction !
   
  La nouvelle école entre en fonction en 1882 et la mairie s'installe en même temps dans l'immeuble d'habitation des
instituteurs.
   
  En 1883, la municipalité, constatant que l'école de garçons est fréquentée par plus de 80 élèves, demande la création
d'un poste d'instituteur-adjoint. Elle s'engage à :
   
    "fournir une chambre pour loger ce deuxième maître et à faire construire une cloison pour diviser en deux
  parties la salle actuelle des garçons."
   
  Même si l'on compte un peu moins de filles que de garçons, comme le montrent les recensements, on peut évaluer à 150
le nombre d'enfants, de 5-6 ans à 13-14 ans, nombre très élevé pour une population de 680 personnes environ.
   
  Madame Texereau décède en 1890. Il faut donc aménager le logement de la nouvelle institutrice, puisque jusqu'alors un
seul était utilisé par le couple Texereau.
   
  En 1892, le Conseil note :
   
    "L'inspecteur se plaint chaque année que' l'instituteur et son adjoint exercent leur profession dans la même
  salle, ce qui est fort gênant pour leur enseignement."
   
  Rien n'a donc été fait depuis 1883, année où la décision avait été prise de construire une cloison !
   
  Emile Texereau se remarie en 1892 avec Rachelle Prioux, institutrice (c'est probablement elle qui avait remplacé sa
première épouse. Le nouveau couple continue à exercer à Montgauguier-Maisonneuve jusqu'en 1916, année où Madame Texereau décède. Elle est alors remplacée par sa fille Yvonne qui enseigne avec son père jusqu'en 1919, date à laquelle celui-ci prend sa retraite. C'est alors le couple Ferdonnet qui leur succède.
   
  En 1920, ceux-ci demandent et obtiennent la transformation des deux écoles séparées en deux classes mixtes, à la
condition que "les enfants se regroupent dans leur cour respective pendant les récréations".
   
  A partir de cette date, aucun événement important ne concerne plus l'école, jusqu'à sa suppression en 1974.
   
  Signalons toutefois l'obligation faite à l'instituteur par l'occupant, pendant la Seconde guerre mondiale, d'emmener ses
élèves, deux après-midi par semaine, faire le ramassage des doryphores dans les champs de pommes de terre. Peu de cultivateurs offraient leurs terres, inquiets, sans doute à juste titre, des dégâts importants que pourraient causer les enfants dans leurs plantations. Alors après avoir récolté quelques insectes dans une boîte, nous passions l'après-midi à l'ombre d'un bosquet où l'instituteur, Monsieur Godin, qui avait remplacé Monsieur Ferdonnet en 1942, organisait des jeux. Et le soir, nous écrasions consciencieusement nos doryphores sur la route, devant la maison d'école où logeait le commandant allemand, pour lui prouver notre ardeur au travail dans 1 'après-midi.
   
  Terminons avec le "certificat", cette sanction si importante des études primaires, qui vient d'être supprimé en 1989. Ce
diplôme, le seul que la plupart des Français pourront espérer obtenir jusqu'à la Seconde guerre mondiale, était très convoité par les élèves, les parents, mais aussi par l'instituteur, pour sa renommée. Celui-ci organisait des cours supplémentaires le matin ou le soir (ou les deux), appelés "étude", en dehors des heures de classe normales, pour les élèves en âge de passer le "certificat". S'il pensait qu'un enfant risquait de connaître l'insuccès, l'instituteur essayait de convaincre le père de ne pas le soumettre à l'examen. En cas de refus, l'élève était présenté "par les parents" et non par l'instituteur; ce qui permettait à celui-ci de ne pas le comptabiliser dans son pourcentage, en cas d'échec. Curieux procédé, inimaginable aujourd'hui. Mais il est vrai que 1'instituteur était souvent jugé en fonction des résultats à l'examen et qu'on entendait fréquemment dire : "Untel est un bon instituteur, tous ses élèves présentés au CEP chaque année sont reçus."
   
  Cette école a disparu en 1974, à la suite du dépeuplement des campagnes consécutif à la révolution industrielle de
l'après-guerre. Les enfants de Maisonneuve, ramassés par autocar, sont maintenant rassemblés à Cherves, dans un établissement qui accueille aussi des écoliers des communes voisines. Dure rançon du progrès que la suppression de cette école de Montgauguier-Maisonneuve, symbole de la vitalité de la commune, fierté et souci permanent de tous les conseils municipaux qui se sont succédé depuis 1850, date à laquelle on annonçait avec orgueil l'installation du "premier instituteur communal", Jean Texereau.
   
   
 
LA REVOLUTION A MONTGAUGUIER
   
   
  LES CAHIERS DE DOLEANCES
   
   
  Le 8 août 1788, le roi Louis XVI convoque les Etats Généraux. Ce sont des assemblées politiques, composées de
membres des trois ordres : Noblesse, Clergé et Tiers Etat, que le roi consulte pour des affaires importantes intéressant le bien de l'Etat. Cette convocation est une procédure exceptionnelle et très rare, puisque leur dernière réunion remonte à 1614, sous Louis XIII.
   
 
Cette décision a été rendue nécessaire et inévitable par la grave crise financière que connaît le pays et qui dure depuis
très longtemps. Elle existe au moins depuis les folles dépenses du "Grand Roi", Louis XIV, tant pour Versailles et les fastes de la Cour que pour ses nombreuses guerres très dispendieuses. Et ce n'est pas Louis XV qui a rétabli l'équilibre des finances ! Au début du règne de Louis XVI, diverses expériences sont tentées par les ministres Turgot, Necker, Calonne, mais elles échouent toutes, butant sur le même obstacle : les privilèges, que ni la Noblesse, ni le Haut-Clergé ne veulent abandonner, sinon dans les paroles, du moins dans les faits.
   
  Le Roi convoque donc les Etats Généraux, avant tout pour renflouer les caisses de l'Etat, désespérément vides, malgré
les emprunts et tous les expédients utilisés. Il sent bien la nécessité de réformer la fiscalité, d'abord parce qu'elle est très injuste, ensuite parce qu'elle ne peut plus fournir, de la manière où elle est établie, l'argent indispensable à une bonne administration du royaume.
   
  Le 24 janvier 1789, les lettres patentes du Roi, pour la réunion prévue le 1er mai suivant à Versailles, sont expédiées au
chef-lieu de chaque généralité, soit à Tours pour notre région. Le gouverneur de Saumur les reçoit ensuite et les adresse le 14 février au lieutenant général de la sénéchaussée qui, le même jour, enjoint au procureur du Roi de les publier. Elles continueront à descendre l'échelon administratif pour arriver enfin dans les paroisses, où elles seront apportées par huissier vers la fin février.
   
  Chaque communauté va donc se réunir sur l'ordre du Roi pour faire ses observations et proposer des solutions à la
crise, les réclamations et suggestions étant notées sur un "cahier de doléances, plaintes et remontrances". Puis chaque paroisse élira des députés chargés de la représenter à l'échelon supérieur et d'y porter son cahier.
   
  Il reste peu de traces dans la Vienne de cette énorme mobilisation des communautés au début de l'année 1789. L'actuel
département représente environ 350 paroisses de l'époque; il ne reste que 45 cahiers de doléances, pour notre région ceux de Villiers et de Jarzay. Encore ce dernier a-t-il été rédigé à la hâte et tardivement, la paroisse ayant été oubliée par la première convocation. Il semble que ses habitants, pour noter rapidement leurs observations et revendications, se soient inspirés de cahiers déjà terminés ailleurs. Celui de Villiers est déposé à Paris.
   
  Par contre, les archives de la Vienne ont conservé les registres de délibérations de la communauté des habitants de
Vouzailles, cette commune qui va devenir notre canton pendant la Révolution. L'assemblée générale est convoquée le 5 mars qui est un jeudi, date en milieu de semaine assez étonnante, la réunion des autres paroisses ayant plutôt lieu le dimanche 1er mars "à l'issue de la messe paroissiale". Sans doute cette date inhabituelle s'explique-t-elle par le fait que la réunion à la sénéchaussée de Saumur est fixée au 9 mars; si les lettres patentes sont arrivées après le 1er mars, on ne pouvait attendre le dimanche 8 mars pour consulter les habitants, leurs députés ne pouvant être à Saumur le lendemain.
   
  On peut donc douter que les paroissiens se soient présentés nombreux. Le compte-rendu cite les noms d'une vingtaine
de personnes, suivis de "et autres manants", ce qui né permet pas d'en connaître le nombre. Mais si on se réfère à d'autres paroisses, où la participation a été d'environ 20 % le dimanche, celle de Vouzailles, un jeudi, a sans doute été plus faible encore.
   
  Voici le début de ce long compte rendu :
   
   
    "Aujourd'hui 5 mars 1789, en l'assemblée convoquée au son de la cloche, a la manière accoutumée, sont
  comparus par devant nous Louis Jacques Verrier, notaire de la baronnie et châtellenie de Vouzailles, Jacques Roy, syndic, Louis Roy, André Guillon, François Meunier, Etienne Goutière, Jacques Merceron... et autres manants et habitants de la paroisse de Vouzailles et communauté composée de 133 feux.
    Lesquels, pour obéir aux ordres de Sa Majesté portés par les lettres patentes données à Vouzailles pour la
  convocation et tenue des Etats Généraux de ce royaume, et satisfaire aux dispositions du règlement ainsi qu'à l'ordonnance de Monsieur le président sénéchal, lieutenant général au siège de la sénéchaussée de Saumur, dont ils nous ont déclaré avoir parfaitement connaissance par la lecture qui vient de leur être faite...
   
    Nous ont déclaré qu'ils allaient d'abord s'occuper de la rédaction de leur cahier de doléances, plaintes et
  remontrances, et, à cet effet, y ayant vaqué, ils nous ont représenté ledit cahier qui a été signé par ceux des habitants qui savent signer, et que nous avons, après l'avoir coté par première et dernière page, paraphé... au bas d'icelle.
    Et de suite les habitants, après avoir mûrement délibéré sur le choix des députés qu'ils sont tenus de
  nommer en conformité desdites lettres patentes du Roi, les voix ayant été recueillies par nous à la manière accoutumée, la pluralité des suffrages est réunie en faveur des sieurs Jacques Roy et Jacques Merceron qui ont accepté ladite commission et promis de s'en acquitter fidèlement.
    Ladite nomination des députés ainsi faite, lesdits habitants ont, en notre présence, remis auxdits Roy et
  Merceron, leurs députés, leur cahier, afin de le porter à l'assemblée qui se tiendra le 9 mars devant Monsieur le sénéchal de Saumur/ et leur ont donné tous pouvoirs requis et nécessaires, afin de les représenter à ladite assemblée, pour toutes les opérations prescrites par l'ordonnance de Monsieur le président sénéchal du 24 février, comme aussi de donner pouvoirs généraux et suffisants, de proposer remontrances et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l'Etat, la réforme des abus, l'établissement d'un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l'administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous les sujets de Sa Majesté"
      AV, L 450
   
  Etienne Goutière, notaire et aubergiste à l'enseigne des "Trois Rois", présent ici à l'assemblée générale, deviendra plus
tard maire de Vouzailles. Mais il acquerra la célébrité, grâce à son neveu, dit Goutuche, qui fait son tour de France comme menuisier à partir de 1790. Celui-ci pendant la Révolution envoie à son oncle de nombreuses lettres originales dans lesquelles il décrit les événements dont il est témoin, en particulier à Paris. Ces lettres sont très souvent consultées par les historiens.
   
  Jacques Verrier met en forme les observations et plaintes des paroissiens. Qui mieux que le notaire peut le faire dans un
village où très peu de gens savent signer et encore moins rédiger ? Presque partout ce sont des hommes de loi qui vont remplir les cahiers de doléances. Verrier jouera d'ailleurs un rôle essentiel dans l'administration du canton de Vouzailles quelques mois plus tard et pendant longtemps. On peut supposer, sans gros risques d'erreurs, que Jean Roy, lui aussi notaire, qui oeuvrera activement dans la municipalité de Montgauguier de 1790 à 1808, a grandement participé à la rédaction du cahier de sa paroisse.
   
  Il est dommage que le contenu de celui de Vouzailles ne soit pas donné dans le compte-rendu ci-dessus. Mais nous
connaissons, par tous les autres, l'essentiel des observations et réclamations des "manants", auxquelles s'ajoutent certaines revendications d'ordre local qui n'auront aucune chance de passer le barrage de l'échelon supérieur à la sénéchaussée. Nous nous intéresserons ici uniquement aux cahiers du Tiers Etat, puisque c'est évidemment l'un de ceux-ci qui a été rédigé à Montgauguier.
   
  D'abord les paroissiens remercient le Roi de l'honneur qu'il leur fait en les consultant ainsi. Ce n'est pas une simple
formule de politesse. Les roturiers sont persuadés que le Roi est sincèrement désireux de les aider, les expressions : "souverain éclairé", "père juste et bon", ne sont pas rares, ainsi que les voeux de bonheur et prospérité pour Louis XVI et son royaume. Par contre, ils ne sont pas tendres avec les seigneurs et le pouvoir seigneurial, en particulier avec le Haut Clergé, gros propriétaire de biens. Il est probable qu'ils se féliciteront vivement de la confiscation de ceux-ci, qui sera l'une des premières mesures prises par l'Assemblée Constituante à la fin de 1789. En risquant une comparaison moderne, on pourrait dire que le Roi aurait bénéficié d'une excellente cote de popularité dans les sondages, les seigneurs laïques et surtout ecclésiastiques, d'une très mauvaise, d'autant plus faible qu'ils s'élevaient dans la hiérarchie.
   
  Après avoir signalé leur misère et leurs difficultés à vivre ou à survivre ("notre pain détestable trempé de sueur et
de larmes"), les habitants vont énumérer leurs revendications qui touchent :
d'abord au poids et à l'injustice de l'impôt.
Ils veulent la fin des privilèges et la juste répartition de l'impôt direct en fonction des revenus. Ils réclament la disparition des impôts indirects, surtout la gabelle, et que personne ne soit exempté du tirage au sort des miliciens.
ensuite à la lourdeur des droits seigneuriaux.
Ils demandent la suppression des redevances abhorrées que sont les corvées (royales comme seigneuriales), le franc-fief, les droits de garenne et de pigeonnier, et revendiquent la possibilité de racheter les autres droits.
enfin à une meilleure administration de la justice.
Ils désirent une réforme qui rende celle-ci plus rapide et moins onéreuse, et surtout plus proche d'eux (Saumur, Tours et Paris sont très loin, pour les habitants de Montgauguier à cette époque).
   
  Ils demandent aussi souvent la réglementation des poids et mesures.
   
  A ces revendications matérielles, les plus importantes, s'en ajoutent d'autres qui sont plutôt le fait de personnes plus
aisées, donc plus cultivées, influencées par la lecture des philosophes :
   
  que le Tiers Etat ait autant de députés que les deux autres ordres réunis, Noblesse et Clergé (cette revendication sera très vite acceptée par le Roi).
   
  que le vote se fasse par tête et non par ordre. Dans ce cas, le Tiers Etat qui compte disposer, dès le début, de la moitié des mandats, deviendrait très vite majoritaire, car il peut espérer le soutien des curés et vicaires des campagnes, issus du peuple et souvent aussi malheureux que lui. C'est d'ailleurs ce qui arrivera, grâce en partie à trois curés poitevins (Lescève, Jallet, Ballard) qui se rallieront les premiers au Tiers Etat et entraîneront beaucoup de leurs collègues, le Roi finissant par accepter le vote par tête qui consacrera leur victoire.
   
  que la liberté soit établie, par la suppression des lettres de cachet qui permettent l'emprisonnement sans décision de justice, et par l'autorisation d'éditer et de publier tout écrit, non diffamatoire pour les personnes et la religion, sans risque de censure.
   
  A ces revendications générales communes à tous les cahiers de doléances, s'ajoutent souvent des plaintes d'ordre
purement local.
   
  Ainsi Jarzay, après avoir émis ses vœux sur les impôts royaux, les redevances seigneuriales, les corvées, et demandé que
la justice soit rapprochée en s'exerçant plus fréquemment à Mirebeau, réclame la construction d'un collège et d'un hôpital dans cette ville, et la "continuation du canal de la Dive déjà commencé, pour faciliter le transport des grains et le commerce".
   
  Les délégués de chaque paroisse se réunissent donc le 9 mars pour former l'assemblée générale du Tiers Etat de la
sénéchaussée de Saumur qui ne terminera ses travaux que le 28 mars, les députés de Jarzay n'assistant qu'aux débats des deux ou trois derniers jours. Ils vont élire leurs représentants à l'assemblée provinciale de la généralité de Tours qui, elle-même désignera ceux qui siégeront à Versailles le 1er mai 1789. Au fur et à mesure que l'on monte dans l'échelle administrative, les cahiers de doléances sont élagués. Les revendications d'ordre local disparaissent et les autres sont conservées, mais souvent édulcorées. Ce sont presque toujours des bourgeois des villes qui les rédigent et ils prennent plus facilement en compte leurs propres desiderata. Les habitants de Montgauguier n'auraient sûrement pas retrouvé exactement leurs vœux dans le dernier cahier parti de Tours pour Versailles.
   
  De même, les députés élus dans les petites paroisses de campagne, comme Vouzailles, feront place à de gros bourgeois
cultivés pour les représenter dans l'ordre du Tiers Etat. Et les préoccupations de ceux-ci ne sont pas forcément les mêmes que celles de ceux-là.
   
  La Noblesse et le Clergé se sont aussi rassemblés pour exprimer respectivement leurs propres revendications qui
diffèrent sensiblement, on s'en doute, de celles énoncées par les "manants et habitants" des paroisses. Bien que parfois, les évêques et les curés s'opposent violemment dans leurs assemblées et que les derniers réussissent quelquefois à faire adopter des doléances contre le luxe insolent et l'avidité des premiers. De même, quelques nobles, en partie acquis aux idées libérales des philosophes, acceptent certaines mesures favorables au Tiers Etat, dès lors qu'elles ne menacent pas directement leurs privilèges. Par l'établissement d'une Constitution, ces deux classes veulent diminuer le pouvoir du Roi, mais uniquement à leur profit, sans qu'il soit question de le partager avec la bourgeoisie, partie dominante du Tiers Etat.
   
   
  LA REVOLUTION A MONTGAUGUIER ET DANS LE CANTON DE VOUZAILLES
   
   
  Comme dans la plupart des campagnes, la prise de la Bastille n'a pas dû émouvoir beaucoup les habitants de notre village,
d'autant qu'ils l'ont sans doute apprise avec quelques jours de retard.
   
  L'Assemblée Constituante crée les communes au début de 1790. Celle de Montgauguier, remplaçant l'ancienne paroisse
augmentée des Saules, entre dans le canton de Vouzailles comprenant aussi les neuf autres communes suivantes : Ayron, Chalandray, Cherves, Cramard, Frozes, Jarzay, Maillé, Villiers, Vouzailles, et appartenant au district (qui sera appelé plus tard arrondissement) de Poitiers et au département de la Vienne nouvellement constitués.
   
  Les élections des municipalités ont lieu au début de 1790. Le premier maire élu est Jamin, avec Alexandre Dadu comme
adjoint et Jean Roy procureur de la commune. Les autres sont des "officiers" municipaux : René Mestais, secrétaire-greffier remplacé plus tard par Aymereau, Guiot (ou Guyot), Déméocq, Delafond, Pierre Simon (fils de l'ancien maître d'école), Mitault, Recouppé, Ridouard, Verrier. Le procureur de la commune est le représentant de l'Etat au conseil municipal. Il est chargé de veiller à la bonne application des lois de la République. Son pouvoir est important, sans doute plus que celui du maire. Cette fonction sera supprimée par le Premier Consul. A part Jean Roy, notaire, les autres sont des laboureurs ou des artisans qui ont une certaine aisance et qui savent plus ou moins écrire. Quand on le juge nécessaire, on fait appel à des "notables" : ainsi Bonhommeau ou Boussiquet contresignent souvent les actes.
   
  Il est curieux de constater qu'à part sa signature sur les registres d'état-civil et sur quelques lettres de dénonciation,
François Jamin, qui était cultivateur, n'a laissé aucun document (au contraire des autres maires pendant la Révolution : Louis Clave et Jean Roy) qui permette d'imaginer sa personnalité.
   
  Peu après les élections de 1790, Montgauguier risque de perdre sa municipalité. En effet, à la séance du directoire du
district de Poitiers, le 18 septembre :
   
    "... L'assemblée... continuant son travail sur la réunion provisoire de plusieurs municipalités, a proposé de
  réunir la municipalité de Montgauguier à celle de Cherves. L'assemblée persiste à croire qu'il serait assez de former une municipalité par canton dont les membres seraient pris dans toutes les paroisses... qu'il y ait au moins un membre pris dans chaque paroisse."
      AV, L 359, registre 60
   
  De même, on envisage d'incorporer celles de Jarzay à Massognes, de Chalandray à Cramard, de Maillé à Ayron et de
Villiers à Charrais.
   
  Les vœux du directoire du district seront exaucés par les législateurs, puisque cette municipalité de canton est créée le 22
août 1795 par la Constitution de l'an 3. Les communes perdent leur conseil municipal, remplacé par un agent municipal et son adjoint, tous les deux élus par les citoyens actifs. Les élus se réunissent au siège du canton avec leurs collègues des autres communes pour former la municipalité, dotée d'un président élu parmi ses membres, d'un commissaire du Directoire, représentant l'administration, nommé par elle et qui, en réalité, a le plus grand pouvoir de gestion.
   
  La municipalité du canton de Vouzailles comprend donc 21 membres : dix agents, plus dix adjoints, plus le commissaire.
Ce dernier poste est occupé par Varenne. A Montgauguier, le premier agent municipal est Jean Roy de fin 1795 à fin 1797, ensuite Jacques Aymereau jusqu'en juin 1798, enfin René Mestais, jusqu'à la fin en juin 1800. Tous les trois étaient déjà conseillers municipaux de 1790 à 1795. Pierre Simon est adjoint de Jean Roy et Aymereau, Alexandre Dadu de Mestais.
   
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