Page 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14    
   
   
  Réponse quelques jours plus tard de Filleau, adjoint de 1'intendant :
   
   


"Je, soussigné, ne fais pas de doute que les officiers de Mirebeau ont... sans droit croisé les scellés apposés par les

 

officiers de la Commanderie... dans la maison de La Guyardière. . Toutes les commanderies de l'ordre de Malte sont tenues du Roi. Monsieur Le Grand Prieur a donc droit de la justice dans l'étendue de sa commanderie...

   
    Mais dans les circonstances où sont les choses, est-il nécessaire de faire une signification qui engagerait un procès
  au Parlement où il n'est pas trop à propos de plaider, quoique Monsieur Le Grand Prieur n'y courrait aucun risque, mais il vaut mieux encore plaider devant le grand Conseil [du Roi]..."
      A Poitiers le 17 janvier 1763" AV, 3H1, 546
   
  Filleau répond avec circonspection, il est visible que le Grand Prieur est plus à l'aise pour plaider au Grand Conseil du Roi
que devant le Parlement. Il semble bien qu'avec le temps, les privilèges de justice de l'Ordre soient contestés, comme le montre aussi la lettre adressée de Mirebeau, en 1786, par l'adjoint du sénéchal à Monsieur Pontois, feudiste du Grand Prieuré à Poitiers, et dont voici des extraits :
   
    "Vous deviez m'envoyer copie de la transaction entre Monsieur le Commandeur et Monsieur de Richelieu, qui règle
  la limite de leurs justices...
    Il me paraît aujourd'hui singulier que différents particuliers de Maisonneuve se plaignent à nous de voies de fait
  opérées par des quidams dans le tour de votre justice, tandis qu'ils plaident continuellement ici, requérant notre sénéchal mirebalais... pour tout acte de justice... Il devient donc indispensable de reconnaître l'étendue de votre justice...
 
   
   

Autre incident au château de Montgauguier où je me transportai hier pour y faire la police à l'usage. Je n'y ai

  point aperçu de prison... Si des malfaiteurs sévissaient, où les mettrions-nous ? Nous serions obligés d'emprunter la prison de Mirebeau..."
      AV, 3H1, 546
   
 

Cette lettre est écrite quelques années seulement avant la Révolution. Les bâtiments de la Commanderie sont en mauvais état,

comme le montrera l'expertise faite dix ans plus tard lors de sa vente comme bien national. Le château n'est plus habité depuis des siècles, sauf par les métayers ou fermiers qui n'ont qu'un tout petit logement. Les habitants de la paroisse n'hésitent pas, pour régler leurs différends, à recourir à la justice de la baronnie de Mirebeau, faisant fi de celle du Commandeur. Il est vrai que celui-ci est loin, son autorité moins présente est moins efficace, et les sujets sans doute aussi moins dociles. Et puis le temps de la justice expéditive du seigneur est passé depuis longtemps, on peut faire appel à différentes juridictions, jusqu'au Parlement que semble particulièrement craindre l'ordre de Malte.
   
   
  RESPECT DES DROITS SEIGNEURIAUX
   
  En même temps qu'il dispute ses privilèges de justice au baron de Mirebeau, le Commandeur fait respecter ses droits
fonciers auprès des tenanciers de ses fiefs. Ceux-ci doivent lui rendre régulièrement déclaration de leurs biens, terres ou hébergements. Cette obligation tombe peu à peu en désuétude et est remplacée par l'établissement et le renouvellement, tous les vingt à trente ans, du terrier lu devant la porte de l'église aux représentants des tenanciers qui s'engagent au nom de tous.
   
  Le Commandeur, là encore, a souvent recours à la justice.
   
    "Le 13 juin 1579 Sentence rendue contre le sieur Blancheteau au profit du procureur fiscal de la commanderie
  de Montgauguier par lequel Blancheteau est condamné de faire démolir deux tours à canonnières bâties par lui dans un chemin public tendant de Maisonneuve à Montgauguier et Cherves"
      AV, registre 467
   
    "En 1608, sentence rendue à Poitiers au profit du Grand Prieur contre Louis Blancheteau pour le paiement de
  la rente de 12 boisseaux de froment et 5 s d'une part, et de celle de 10 boisseaux de froment d'autre part, pour une fresche et la maison de La Guillotière."
      AV, registre 475
   
  Dans le terrier de 1668, on lit :
   
  "-pièces et procédures contre le seigneur de Massognes pour le lieu de la Rose à Jarzay
-pièces contre la dame de Cherves pour terrages
-pièces contre le seigneur de La Mothe pour un fossé
-pièces contre les dames de La Trinité qui prétendaient dîmer sur le terrage de Montgauguier
      AV, 3H1, 546
   
  Ces documents se rapportent à des procès ayant eu lieu dans les siècles passés.
   
 

Si le commandeur de Montgauguier a donc d'importants droits qu'il s'évertue à faire respecter par tous les moyens, y

compris ceux de justice si nécessaire, il lui arrive aussi, pour quelques-unes de ses possessions, de devoir rendre une déclaration en faveur d'un autre seigneur, sans doute par suite de dons qui lui ont été consentis, de biens déjà arrentés. Et ce n'est pas toujours de gaîté de cœur qu'il y consent, se sentant atteint dans sa dignité de grand seigneur.
   
    "Entre le procureur de la Cour... demandeur d'une part, et le sieur commandeur de Montgauguier... défendeur
  d'autre part ...Condamnons ledit défendeur de bailler par déclaration ce qu'il tient dans le fief de la commanderie de Montgauguier ... Donné et fait en la terre de la seigneurie de la justice de la Marche de Chalandray, tenue au château dudit lieu le 16 juin 1598"
      AV, 3H1, 544
   
  Le Commandeur semble avoir obtempéré, puisque le 5 juillet 1607 :
   
    "Déclaration rendue par frère Bertrand Pelloquin, Grand Prieur d'Aquitaine, au seigneur de la Marche de
  Chalandray, du champ de l'Aumônier, situé près de Montgauguier au devoir de 13 s 4 d de rente... chaque an au jour de Pâques"
      AV, registre 475
   
  Antoine Dribault, fermier, renouvelle cette déclaration en 1621.
   
  Un autre désaccord se règle à l'amiable le 29 avril 1717 :
   
    "Contestation de Gabriel Thibault de la Carte, commandeur de Montgauguier d'une part
  Messire Pierre Desmoulin, seigneur de Rochefort, du petit Brizon et autres lieux, paroisse de Seuilly, d'autre part
    Pour prévenir la contestation que l'on voit sur le point de naître entre les deux à l'occasion du droit de jaleau...
  que ledit seigneur de Rochefort prend et perçoit et que ledit seigneur de la Carte prétendait qu'il n'était pas dû par lui ni ses fermiers dudit Montgauguier :
    A été convenu qu'à l'avenir, le seigneur de Rochefort ne percevra le droit de jaleau et de mesure de vin qui se
  vendra en détail le mardi de Pâques chaque an, que dans ladite maison et cour de Montgauguier seulement.
     
    Ce compromis est signé au château de Marsay, paroisse de Poligny, en présence de nombreux seigneurs."
      AV, registre 472
   
  Gabriel Thibault de la Carte est bien sûr Grand Prieur d'Aquitaine, donc, de ce fait, commandeur de Montgauguier.
   
  Pourquoi ce droit, qui appartenait au Commandeur lors de l'accord de 1284, est-il passé au seigneur de Rochefort dans la
maison et la cour de la Commanderie, alors que, semble-t-il, il est conservé par le seigneur de Montgauguier sur le champ de foire le mardi de Pâques ? Nous n'avons trouvé aucun document permettant de l'expliquer. D'autant que le terrier, établi en 1730, soit seulement 13 ans plus tard, l'attribue toujours au commandeur "dans la seigneurie".
   
  Bien sûr, tout haut seigneur doit rendre hommage et aveu au Roi pour les fiefs qu'il possède. C'est ce que fait le Grand
Prieur d'Aquitaine le 22 juin 1640 :
   
    "Déclaration que Messiré frère Jacques Gaillarbois Marcouville, seigneur des commanderies de Saint-Georges
  et autres membres associés, rend au Roi pour satisfaire à son intention, suivant ses lettres patentes du 19 avril 1639 et arrêt donné en conséquence...
    De la commanderie de Saint-Georges, dépend le membre commanderie et maison noble de Gauguay, sise en la
  paroisse de Cherves en Mirebalais consistant..."
      AV, 3H1, 558
   
   
  LES BANALITES
   
   
 

Le ban représente un pouvoir de commander et de punir si nécessaire, exercé sur un certain territoire par une autorité, en

général le seigneur. En est dérivé le mot : banalité.
   
  A l'époque féodale, une banalité est une servitude qui consiste dans l'usage obligatoire par tous les tenanciers, et contre
paiement d'une rétribution, d'un moyen de production appartenant au seigneur. Ce droit de monopole découle des droits de police et de justice. Les nobles et ecclésiastiques n'y sont pas soumis. Les principales banalités s'appliquent dans notre région au moulin, au four et au pressoir, quelquefois à l'usage du taureau, du bélier, du bouc ou du verrat,. Les fuyes (pigeonniers), les garennes et la chasse, réservées au seigneur, ainsi que les redevances perçues aux foires et marchés, sont aussi des sortes de banalités.
   
  A partir du XVIIème siècle, elles ne sont plus considérées comme un droit féodal normal et tendent peu à peu à disparaître.
Elles ne peuvent plus s'exercer que s'il reste une preuve écrite de leur existence ancienne.
   
   
 

LE MOULIN

   
   
 

Dans la transaction signée en 1284 entre le commandeur de Montgauguier et le seigneur de Mirebeau, on relève :

   
    "... de l'hébergement de Pierre Barreau de Massognes droit vers la rivière qui vient du Saule de Pauillé et droit au
  moulin à eau du village de Maisonneuve..."
   
  En 1571, Jacques Boulin, prêtre, rend déclaration à Charles Hesselin :
   
    "... Plus un moulin virant et tournant, situé en la rivière de Maisonneuve... tenant par le dessus aux ouches et
  chenevraux de la grand-rue et par le dessous à la basse et petite rivière..."
      AV, 3H1 registre 467
   
  Une déclaration du milieu du XVIIIème siècle, faite pour son domaine de La Guyardière par Claude Bureau note :
   
    "... plus ledit sieur de La Mothe-Bureau doit à cause de son moulin qui, autrefois, tournait par eau... 12 boisseaux
  de froment à la Saint-Michel..."
   
  Ce moulin à eau, qui tournait en 1284, en 1571 et aussi en 1656 selon une déclaration de Jacques Bégaud, mais plus au
XVIIIème siècle est donc parfaitement localisé. Il est noté en 2 sur le document n°7 et se trouvait au lieu-dit actuel de l'Arceau, dans la propriété de La Guyardière (maintenant dans celle d'André Métais).
   
  Un autre moulin à eau existait à La Mothe-Bureau. Il semble être resté en fonction beaucoup plus tardivement que celui de
l'Arceau, puisqu'en 1921, le maire de Maisonneuve déclare au conseil municipal qu'il n'a alors disparu que depuis une cinquantaine d'années.
   
  Dans sa délibération du 11 août 1850, le conseil municipal déclare, à propos de la chaussée qu'il veut faire construire allée de
La Guyardière :
   
    "... tant dans l'intérêt des meuniers qui ont des moulins mus par l'eau sur la dite rivière, que des riverains...".
   
  Nous savons qu'à cette date le moulin de La Mothe-Bureau était toujours en activité, et il y en avait probablement un autre en
bas de l'impasse de la Dive.
   
  Pour que ces moulins fonctionnent ainsi, il fallait que le débit de la rivière soit bien plus important qu'il ne l'est aujourd'hui,
même en hiver, ce qui conforte les dires des Anciens qui affirment que la source des Saules a été en partie bouchée au début de ce siècle.
   
  Dans l'accord de 1284, on lit plus loin :
   
    "... des hébergements... devant les Gourgeaudières aux deux moulins à vent qui sont au Commandeur et auxdits
  frères... La maison du meunier est entre les moulins..."
   
  Le moulin à eau peut donc être remplacé par deux moulins à vent, le débit de la rivière étant sûrement insuffisant pour faire
tourner les aubes pendant la bonne saison. Par dérision, les moulins à eau sont alors appelés "moulins écoute s'il pleut" (BSAO, 4ème série, n°7).
   
  Ces moulins appartiennent à la Commanderie. Ils sont affermés à un meunier qui a la charge de leur entretien, et les
tenanciers de Montgauguier sont tenus d'y faire moudre leur grain en payant une redevance.
   
  La carte de Cassini signale de nombreux moulins à vent dans notre région. Rien d'étonnant, puisque l'eau y est rare. Il en
existe 3 à Champigny, 7 à Cherves, 3 à Cuhon, 4 à Massognes et au moins 4 à Montgauguier-Pauillé (BSAO 4ème série, n° 7). En 1852, il en reste un à Pauillé.
   
  Ces moulins de Pauillé sont bien situés dans la déclaration suivante du 1er septembre 1613 :
   
    "... Déclaration de François Métayer, écuyer, sieur du Chêne, lieutenant de la maréchaussée de Thouars...
- 2 boisselées de terre aux Cartiers, près les moulins à vent de Pauillé."
      AV, 2H1, 61
   
  En 1685, on signale "un moulin à vent au milieu du champ du Clou".
   
  Un autre, celui du "Moulin rouge", existait toujours au début du siècle. Les Anciens de la commune se souviennent de sa
démolition par Hilaire Ridouard, maçon.
   
   
  LE FOUR
   
  En 1612, une déclaration fait mention du "four à ban" de Montgauguier. En 1685, c'est Gabriel Foucher qui déclare :
   
    "... une maison avec les appartenances et dépendances, située au village de Maisonneuve en Anjou... les
  bâtiments sujets au four banal..."
      AV, 3H1, 546
   
  Et dans le terrier de 1730 :
     
    "Plus déclarent et reconnaissent, lesdits comparants, qu'il appartient au seigneur une masure située au village
  de Maisonneuve où autrefois était construit le four banal où les tenanciers de ladite seigneurie étaient tenus de porter leurs pâtes et payaient le droit...."
      AV, 3H1, registre 472
   
  Ce four banal de Montgauguier était probablement celui situé sur le plan de La Guyardière en 18 (document n°7). Il se
trouvait donc sans doute à l'angle des rues de Mirebeau et du Bourg-Bernard, à l'emplacement actuel de la croix de mission installée en 1930. Comme le moulin, il n'était pas exploité directement par le seigneur, mais donné à rente ou à ferme. Il y avait aussi à certaines époques un four dans les bâtiments de la Commanderie.
   
  Jusqu'à la Révolution, la profession actuelle de boulanger représente deux métiers distincts : le boulanger et le fournier.
   
  Le premier tamise la farine brute reçue du moulin et pétrit la pâte. Le second est chargé de la cuisson du pain et de
l'entretien du four. Les tenanciers ont seulement l'obligation de faire cuire leur pain au four banal. Ils pétrissent leur pâte eux-mêmes dans leur "arche" (maie) que l'on retrouve souvent dans les inventaires. Le boulanger est donc un employé de la Commanderie, puisqu'il ne pétrit que pour la seigneurie. Le fournier cuit le pain de tous, seigneur et manants, mais seuls ceux-ci paient le droit de fournage. La redevance est en général de l/16ème des pâtes, acquittée en farine ou en argent.
   
  Peu à peu, l'obligation de faire cuire les pâtes au four banal devient moins rigoureuse. Avec les guerres, et sans doute à
Montgauguier le départ des frères, donc de l'autorité seigneuriale, la banalité du four est moins respectée. Si bien qu'on lit dans une déclaration du 28 décembre 1612 :
   
    "... d'un four qu'il a eu la permission de bâtir en son hébergement sis au village de Maisonneuve... au devoir de
  un chapon..."
      AV, 3H1, 546
   
 

Nous voyons d'ailleurs ci-dessus, qu'en 1730, le four banal de Montgauguier n'existe plus, tout comme celui de La Lande.

   
  Par contre, et cela jusqu'à la Révolution, l'abbesse de Sainte-Croix essaie de faire respecter strictement la banalité du four.
Elle engage régulièrement des procès contre ses tenanciers qui ont profité de circonstances exceptionnelles (guerres, épidémies, troubles) pour en construire un chez eux.
   
  En 1847, le préfet de la Vienne interrogera les maires de chaque commune pour connaître le nombre de fourniers et
boulangers. Alors ces derniers fabriquent entièrement le pain, comme maintenant, mais il reste toujours des fourniers qui, "moyennant rétribution, se chargent de cuire le pain préparé par les habitants". En effet, ceux-ci font presque toujours leur pâte, mais ils n'ont pas tous un four pour la cuire. Pour le canton de Mirebeau, on ne trouve que 6 boulangers (qui utilisent 6 hl de farine par jour) et 3 fourniers à Mirebeau, plus 3 autres à Vouzailles qui emploient "800 à 900 fagots chacun". A Montgauguier, tous les habitants font alors leur pâte et cuisent leur pain eux-mêmes, souvent dans des fours communs à plusieurs ménages.
   
  Plus tard, le nombre de boulangers augmentera dans les communes du canton et certains feront des tournées dans les
villages voisins (comme le font déjà en 1847, ceux de Mirebeau).
      D'après AV, M6, 34.
   
   
 

LE PRESSOIR

   
   
 

On ne trouve pas trace, dans les déclarations, de la banalité du pressoir à Montgauguier et à Pauillé. Par contre, le seigneur

se réserve le droit de "banvin" qui l'autorise à vendre son vin avant les manants, et surtout à fixer lui-même la date d'ouverture des vendanges, ce qui lui permet de faire lever aisément par ses gens les redevances ou dîmes. Ainsi dans le bail accordé à son fermier Pierre Chaigneau en 1758, l'abbesse de Sainte-Croix précise :
   
    "... Lesdits preneurs... seront tenus d'avertir madite révérende dame Abbesse lors des vendanges afin qu'elle
  puisse envoyer lever les complants et terrages qui lui sont dûs, par personne qu'elle commettra..."
      AV. 2HI. 59
   
  Là encore, les abbesses engagent souvent des procès contre les tenanciers qui ne respectent pas le banvin, en particulier à
Frozes, Maillé, Ayron.
   
  Existent alors les "pas de vendange", chemins que les vignerons doivent obligatoirement utiliser pour emmener leurs
charreaux pleins, et au débouché desquels sont installés les employés du seigneur qui prélèvent ainsi plus facilement les droits (BSAO, 3ème série, n°13).
   
   
  FUYE, GARENNE
   
  Les droits de fuye et de garenne autorisent le seigneur à faire nourrir ses pigeons et lapins dans les champs des paysans, l
esquels doivent supporter les dégâts causés (importants lors des ensemencements) et n'ont évidemment pas le droit de chasse; ces obligations sont particulièrement haïes pas les tenanciers.
   
 
Ceci explique sans doute, en partie, que ce droit de chasse sera l'un des premiers accordés aux gens du peuple par la
Révolution et pourquoi ils y sont encore aujourd'hui presque viscéralement attachés.
   
  Enfin, on peut considérer comme banalités ce droit de jaleau (en réalité jalage) sur le vin rappelé dans le terrier de 1730 :
   
    "... Lequel droit de jaleau ledit seigneur et son fermier ont coutume de prendre ou percevoir sur tous les
  particuliers qui vendent du vin dans ladite seigneurie le mardi d'après Pâques à raison de 3 pots par barrique..."
      AV, 3H1, registre 472
   
  ainsi que le droit de placage perçu sur les marchands venant s'installer à Montgauguier pour la foire, et mentionné aussi
dans le même terrier.
   
   
  L'ETAT CIVIL A MONTGAUGUIER - MAISONNEUVE
   
   
   
  APRES 1792 : REGISTRES D'ETAT-CIVIL
   
   
  Les registres d'état civil se répartissent en deux groupes bien distincts, suivant qu'ils précèdent ou suivent la date charnière
de 1792. C'est en effet un décret du 20 septembre de cette année-là qui crée l'état civil proprement dit et dispense les prêtres de le tenir.
   
  Depuis cette date, les actes sont enregistrés en mairie. Ils sont séparés en trois catégories : naissances, mariages, décès.
Chacun donne de nombreux renseignements (date; nom, prénom, profession et domicile des parents; nom, prénom, profession et domicile des témoins...) en plus de ceux sur la ou les personnes concernées. En marge, sont portées, au fur et à mesure des événements de la vie, des indications de plus en plus précises, imposées par plusieurs lois depuis la Révolution, qui permettent d'établir rapidement l'état civil complet d'une personne en mettant en relation divers actes la concernant. Voici quelques exemples de ces mentions marginales : acte de reconnaissance d'un enfant naturel, légitimation, mariage, divorce, décès, tous ces renseignements sont notés sur l'acte de naissance. A la fin de chaque année, sont dressées des tables par catégorie et par ordre alphabétique, des actes contenus dans le registre. Il existe aussi des tables décennales. Les femmes sont toujours inscrites sous leur nom de jeune fille. Il en était de même avant 1792.
   
   
 

AVANT 1792 : REGISTRE PAROISSIAUX

   
   
 

Jusqu'à cette date, les registres d'état civil sont tenus par les curés dans chaque paroisse, d'où leur nom de "registres

paroissiaux" ou "de catholicité", car ils servent aussi pour l'état religieux. Ils sont maintenant déposés, en général, dans les mairies. On y porte alors, non les naissances, mariages et décès comme depuis 1792, mais les baptêmes, mariages et enterrements ou sépultures. A l'origine, leur existence a une raison religieuse : le registre des baptêmes, imposé en 1539 par François 1er, doit permettre de savoir si les personnes postulant à un bénéfice ecclésiastique sont majeures. De 1579, date l'obligation d'établir aussi le registre des mariages et enterrements, le premier permettant de connaître les éventuelles parentés des futurs mariés, afin d'empêcher les mariages consanguins. Mais ces lois ne sont en général pas appliquées dès leur promulgation.
   
 

Dans notre paroisse, il faudra attendre le 20 janvier 1624 pour voir enregistrer le premier acte, celui du baptême de François

Dominault. Comparativement aux autres communes proches, Montgauguier est pourtant plutôt bien placé dans le temps. Sur une trentaine de villages alentour, un seul a des registres plus anciens qui débutent en 1600, ceux des autres ne commençant souvent qu'au milieu ou à la fin du XVIIème siècle et même au début du XVIIIème.
   
 

A l'origine, les renseignements donnés sont peu nombreux. Pour les baptêmes : date, prénom de l'enfant, prénom et nom

des père et mère et des parrain et marraine. Pour les mariages : date, prénom et nom des mariés. Pour les enterrements : date, nom et prénom du décédé, quelquefois son âge (peu fiable, car les gens connaissent mal ou pas du tout leur date de naissance).
   
  Ensuite, il deviendra obligatoire de faire signer les actes de baptême par le père, les parrain et marraine, ceux de mariage par
les conjoints et les témoins, ceux de sépulture par deux parents ou amis présents aux obsèques. Les personnes devant signer seront "interpellées" pour savoir si elles peuvent le faire, et dans la négative (le plus souvent), il en sera fait mention par écrit par le célébrant qui, lui, signera toujours. Les curés ne feront pas souvent respecter cette obligation.
   
  A partir de 1674, les actes sont enregistrés sur papier timbré, puis on impose la tenue de deux registres identiques.
   
  A Montgauguier, on utilise bien depuis 1674, du papier timbré portant imprimé "généralité de Tours, 12 d par feuille".
Mais curieusement, à partir de 1680, ce document porte la mention "généralité de Poitiers, petit papier, 1 s la feuille", alors gue Montgauguier est toujours du ressort de celle de Tours. Peut-être est-ce parce que le Commandeur, qui nomme le curé, habite Poitiers.
   
  Les articles 51 et 53 de l'ordonnance de 1539 qui fonde l'état civil sont ainsi rédigés :
   
  - Article 51 :
   
"Aussi seront faits registres en forme de preuve des baptêmes qui contiendront le temps et l'heure de la nativité, et
  "par l'extrait desdits registres, se pourra prouver le temps de majorité ou minorité, et sera pleine foi à cette fin."
 
  - Article 53 :
   
    "Les chapitres, couvents et cures seront tenus mettre lesdits registres par chacun an par devers le greffe du
  prochain siège du bailli ou sénéchal royal, pour y être fidèlement gardés et y avoir recours quand métier et besoin sera."
   
  Si le premier de ces deux articles est observé correctement à Montgauguier à partir de 1624, il n'en est pas toujours de
même du second. Pour preuve, cette lettre adressée au curé Louis Joseph Jacques :
   
      Monsieur,
    J'ai l'honneur de vous donner avis que Monsieur le procureur du Roi veut donner sa requête au sujet des
  registres des baptêmes, mariages et enterrements qui ont été négligés d'envoyer au greffe, ce qui vous occasionnera des devoirs que je souhaite vous éviter.
    Ceux de votre paroisse qui manquent sont avant et depuis 1690, n'ayant été seulement fournis que ceux des
  années 1737 et 1738 et ceux depuis. Ayez la bonté de fournir les autres et de faire déclaration de ceux qui vous manqueront Lemoine, greffier en chef à la sénéchaussée de Saumur"
        RP de Montgauguier
   
  Le curé n'a-t-il pas obéi ou les registres étaient-ils réellement perdus ? En tout cas, aux archives départementales où les
doubles ont en général été déposés à la Révolution, ne se trouvent que ceux de 1737 à 1792.
   
  En les apportant au greffe, on paie un droit de garde de 7 s 6 d en 1749.
   
 

Les registres de catholicité sont une mine de renseignements sur la vie des habitants d'une paroisse et sont très consultés.

S'il est intéressant de connaître les dates de baptême, mariage, enterrement qui sont parmi les événements les plus importants, on peut tirer de ces registres beaucoup d'autres indications. Par exemple, le nombre d'enfants d'une famille, la mortalité des enfants ou des femmes en couches, les professions, l'âge moyen du mariage, les liens familiaux, des renseignements d'ordre social, culturel, économique, les migrations de population, la moyenne de durée de vie. La liste n'est pas exhaustive et il ne faut pas s'étonner que les historiens les consultent fréquemment.
   
   
  LECTURE DES REGISTRES
   
   
  Les registres sont plus ou moins bien tenus. Ceux de Montgauguier sont parmi les plus lisibles de la région. Il est des
paroisses où, quand ils existent pour ces dates, ils sont tout à fait illisibles avant 1750. Dans notre commune, avec un peu d'habitude et de persévérance, on peut lire tous les actes, même si les curés écrivaient plus ou moins bien. En général, plus on avance dans le temps, moins la lecture est difficile. A partir de 1674, à Montgauguier, sont presque toujours notés en marge les initiales, puis le nom ou les noms de la ou des personnes pour lesquelles l'acte est établi, ce qui simplifie les recherches. Cette facilité ne se retrouve pas toujours dans les autres paroisses de la région et, si oui, toujours plus tard.
   
  Encore un gros avantage à Montgauguier : les registres semblent à peu près complets. Les baptêmes, mariages et
enterrements sont notés dès 1624. Il est probable toutefois que jusque vers 1700, les décès ne sont pas tous enregistrés, surtout ceux des nourrissons. Il manque trois années : 1696, 1697, 1698 qui correspondent au ministère du curé Henri Barbot. N'a-t-il pas tenu les registres ou ont-ils été perdus ?
   
  Avant le XlIIème siècle, en France, les noms n'existent pas (pour les roturiers). Chacun est connu par son nom de
baptême, qui est un prénom choisi obligatoirement dans la liste de ceux des saints. Pour s'y retrouver dans cette kyrielle de Jean, Pierre, Paul, Marie, Jeanne..., on attribue à l'enfant un surnom, donné souvent par dérision, se rapportant fréquemment à une tare ou une particularité de sa personne, à ses origines ou plus tard à son métier. Ce sobriquet devenant ensuite son nom, lorsqu'on décide légalement de compléter le prénom. De là, ces Blanchard, Noiraud, Desgris, Legros, Leblond, Leboiteux, Gaucher, Bigot, Lévêque, Marteau, Texier, Savatier, Poitevin...
   
  En plus de l'écriture différente de la nôtre, et souvent peu soignée, une autre difficulté pour la lecture des registres tient à
l'orthographe. Pour nos ancêtres, les mots n'ont qu'une valeur auditive, et leur écriture est donc souvent essentiellement phonétique. L'orthographe est une notion très longtemps inconnue, qui n'est prise sérieusement en compte qu'après la Révolution, ce qui n'empêche pas par la suite de nombreuses erreurs encore, comme celle-ci, très amusante, citée par Dauzat : ZOE devenant ZOEZEDOE (nom donné en épelant Zoé : Z, 0, E, et transcrit ainsi entièrement et phonétiquement). En 1814, le secrétaire de mairie (ou le maire) écrit dans le registre d'état civil: "...sonnet pouze ; ille a déclaret voulloir donnet..." pour "...son épouse; il a déclaré vouloir donner..."
   
  Il faut donc prêter une grande attention pour suivre les noms de famille. Lorsque la différence ne tient qu'à la terminaison,
comme Billault, Billaut, Billeau, Billeaux, Billot, ou Couillas devenant Couillault, c'est un moindre mal. Mais quand on écrit Ayrault, Eyrault, Hérault ou Aymereau, Emereau, Hémereau, cela se complique, car c'est l'initiale qui change. Et quand Aguillon devient Guillon, la phonétique n'est même plus respectée, et s'intéresser à une famille n'est pas alors chose aisée.
   
  Le curé note parfois le surnom à la suite du nom. Par exemple, Pierre Renéaulme dit "le grand homme des Saules" ou
Marie Dubois dite "la massone", et fréquemment le surnom est mieux connu que le nom, ou même le seul connu, ce qui entraîne l'erreur suivante : Pinault dit Clousset, marié sous cette dénomination, devient Clousset à son décès, et ses descendants gardent ce nom définitivement.
   
  Autrefois, non seulement le fils aîné prenait presque toujours le prénom de son père, ce qui se faisait encore récemment,
mais plusieurs garçons de la même famille pouvaient être baptisés avec ce même prénom. Ils sont alors bien difficile à suivre dans les registres, même si l'âge au mariage ou au décès est indiqué, car il est peu fiable. D'ailleurs, il est souvent suivi de la mention environ".
   
  Une autre difficulté vient d'une pratique très fréquente autrefois : à son baptême un enfant est enregistré avec un prénom;
ensuite il se marie avec un autre, sans doute parce que celui-ci est le plus, ou souvent le seul, utilisé. Il arrive qu'il soit à son décès, inscrit avec son prénom d'origine, peut-être parce que le curé a consulté l'acte de baptême.
   
  Mais l'obstacle principal tient à la répétition des mêmes noms. Souvent les gens naissent, se marient et meurent dans le
même village. C'est très pratique pour le généalogiste qui se déplace peu, mais c'est aussi une gêne considérable, car les homonymes de nom et prénom sont très nombreux. Les Métais à Cherves, les Réau à Vouzailles et Montgauguier, les Roblin à Vouillé sont légion. Sur une période d'une vingtaine d'années, naissent dix "Jean Métais" à Cherves. L'exemple le plus frappant de cette difficulté, qui doit tout de même être exceptionnel, est celui-ci : deux hommes, de même nom, même prénom, même année de naissance dans le même village, habitant le même village, se marient la même année, dans le même village, avec deux femmes de même nom, nées la même année dans le même village, habitant le même village et dont seul diffère, et encore de peu, le prénom : l'une s'appelle Marie-Angèle et l'autre Marie-Eugénie.
   
  Les homonymies pouvaient être la source de quiproquos. Ainsi, on peut imaginer sans peine la tête qu'a fait notre propre
grand-père, Alexandre Réau, à l'arrivée de cousins venus assister à son enterrement, et l'ahurissement de ces derniers à la vue du "mort" en train de cercler tranquillement une barrique dans sa cour. Et cela, parce qu'il y avait deux Marcel Réau dans la commune, dont l'un avait envoyé un télégramme annonçant le décès de son père.
   
  Elles étaient la cause de difficultés pour le facteur, bien embarrassé devant une lettre avec plusieurs destinataires possibles,
les rues n'ayant pas de nom et les maisons évidemment pas de numéro. Cherves, avec ses nombreux Métais, était particulièrement remarquable à ce sujet.
   
  Autrefois, on ne séparait pas toujours les mots. Il arrivait qu'une portion de l'un se détachât pour se lier à un autre. Ainsi :
"dans ce cas former opposition" est écrit : "dans ce cas formerop position".
   
  Citons enfin cette dernière difficulté pour la lecture des textes : l'absence de ponctuation. Celle-ci semble inconnue, au
moins jusqu'au XVIIIème siècle, où l'on met parfois des points. Les majuscules sont fréquentes et placées au hasard dans un texte, ce qui ne permet pas de déterminer le début de la phrase. Ce n'est tout de même pas un obstacle sérieux pour la lecture des actes d'état civil dans lesquels chaque curé répète à peu près toujours la même formulation personnelle.
   
  Les erreurs existent même après 1792, mais là elles sont décelées plus ou moins rapidement et doivent alors être corrigées
par la justice. En voici quelques exemples.
   
  Celle-ci d'abord, tellement étonnante qu'elle doit être rarissime heureusement. Un père nommé Jean Réau, vient faire inscrire
en 1830 son fils Jean, nouveau-né. Pour quelle raison celui-ci devient-il Jean Guillon sur le registre d'état-civil ? Nul ne le sait, car ce nouveau nom n'est même pas celui de sa mère. L'erreur ne sera découverte que près de 30 ans plus tard, lors du tirage au sort pour le service militaire. Et il faudra une minutieuse enquête de la gendarmerie, suivie d'un jugement du tribunal de Poitiers pour redonner à ce Guillon son vrai nom de Réau. Les Anciens de Maisonneuve l'ont connu, il est mort en 1915 et était le père de Jacques Réau, soit le grand-père de Paul Réau de La Valaille, récemment décédé, et notre propre arrière-grand-oncle.
   
  Louise Comte, née le 21 juin 1848, a été enregistrée sous le prénom de Louis, garçon. Erreur découverte lors de la
publication de son mariage qui sera d'ailleurs retardé. Jugement du tribunal le 24 novembre 1880
  . Le 29 novembre 1873, on a oublié d'enregistrer le décès de Barthélémi Réau. Jugement le 19 juin 1878.
   
  Toutes les difficultés citées ci-dessus étant bien connues, les registres d'état-civil, et surtout les registres paroissiaux,
restent un outil incomparable pour la connaissance des habitants d'une paroisse. Nous nous y référerons souvent lorsque nous étudierons la pratique de la religion, la démographie, les professions, l'enseignement, les conditions de vie des gens de Montgauguier-Maisonneuve.
   
   
  L'EGLISE AVANT LA REVOLUTION
   
   
   
 

PAROISSE CHERVES-MONTGAUGUIER

   
   
 

Dans de très nombreux textes répartis sur plusieurs siècles, l'église paroissiale porte plusieurs noms différents : Saint-

Antoine de Montgauguier, Notre-Dame et tous les Saints de Montgauguier. On trouve même Notre-Dame de Maisonneuve de Montgauguier. Mais là, il semble y avoir confusion avec la chapelle de Maisonneuve. Précisons donc que Saint-Antoine est le nom de l'église de la Commanderie et Notre-Dame celui de la patronne de Montgauguier. Le qualificatif : "et tous les Saints" est apparu plus tard, et la nouvelle église le conservera en 1862.
   
  Dans le domaine religieux, la baronnie de Mirebeau dont relève Montgauguier, est du ressort de deux archiprêtrés
différents, celui de Mirebeau pour la plupart de ses paroisses et celui de Parthenay pour quelques autres, dont la nôtre, ces deux archiprêtrés étant eux-mêmes dans le diocèse de Poitiers.
   
  Jusqu'en 1782, la situation religieuse de Montgauguier est ambiguë. Au spirituel, la paroisse est indépendante, mais au
temporel, elle est rattachée à celle de Cherves. Depuis quand et pourquoi ? Il est impossible de répondre exactement à ces questions.
   
  Comme prieuré fontevriste et commanderie des Templiers, la paroisse est sûrement autonome. Les papes ont soustrait les
chevaliers de l'Ordre à l'autorité épiscopale, alors que la paroisse de Cherves y est soumise par 1'intermédiaire de l'abbaye de Sainte-Croix dont relève son prieuré. Ensuite, nous retrouvons dans les archives de la Commanderie des "pièces et bulles des papes des privilèges accordés à l'ordre des Messieurs de Malte". Les Hospitaliers bénéficient donc des avantages religieux attribués précédemment aux Templiers.
   
  Par les registres paroissiaux qui commencent en 1624, nous apprenons que jusqu'en 1651, n'exercent à Montgauguier que
des vicaires sous l'autorité du curé de Cherves. L'association avec cette dernière paroisse doit donc dater du départ des frères à la fin du XVIème siècle. Montgauguier a ensuite recouvré son autonomie spirituelle en 1651, avec la nomination d'un curé auquel celui de Cherves disputera encore pendant longtemps la perception de la dîme.
   
  L'administration de la commanderie est assurée par les officiers du Grand Prieur résidant chez lui à Poitiers : intendants
pour les affaires civiles, sénéchaux ou baillis pour les affaires judiciaires, notaires apostoliques pour les affaires ecclésiastiques. C'est là que les fermiers de Montgauguier doivent se déplacer pour signer leur bail de location du domaine ou apporter le montant de la ferme. Le Grand Prieur ne vient donc sans doute jamais dans sa Commanderie, se désintéressant à peu près entièrement de son administration.
   
 

Pour les habitants, la situation religieuse de leur paroisse ne doit pas être très claire non plus, puisque dans leurs actes, les

notaires, seigneuriaux aussi bien que royaux, inscrivent indifféremment : "paroisse de Montgauguier" ou "paroisse de Cherves". Il semble que l'association prenne surtout son importance dans la communauté d'habitants, commune aux deux paroisses jusqu'en 1782, dont le syndic répartit les impôts sur tous. Nous en reparlerons.
   
  A partir de 1651, Montgauguier a donc son propre curé : François Renéaulme, A-t-il été nommé par le Grand Prieur ?
Probablement. De toute façon, la lettre citée ci-dessous prouve qu'à partir de 1736 et sûrement avant, le Commandeur semble tenir à ses privilèges d'autonomie religieuse et n'hésite pas à le rappeler. Il revendique fermement ses droits, qu'il utilise aussitôt en exigeant même que le curé qu'il désigne soit membre de son ordre.
   
      Le 17 août 1736
      A Monseigneur l'Evêque de Poitiers,
   
    Nous, frère Joseph Philippe de Lesmery de Choisy, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, Grand
  Prieur d'Aquitaine. La cure ou vicariat perpétuel de Notre-Dame et tous les saints de l'église de la paroisse de Montgauguier, située en l'étendue de votre diocèse, étant vacante par la mort de Messire Joseph Delisle, dernier et paisible possesseur de ladite cure..., la nomination et présentation nous appartient à cause de notre dignité de Grand Prieur d'Aquitaine et de la commanderie de Montgauguier, membre dépendant dudit Grand Prieuré.
    Nous nommons et présentons la personne de Messire Louis Joseph Jacques, prêtre, vicaire de la paroisse de
  Lamerré en votre diocèse, capable de posséder ladite cure perpétuelle, à la charge néanmoins pour lui de comparaître au chapitre et de se faire recevoir frère religieux d'obédience de notre Ordre."
          AV, registre 472
   
  En 1770, après le décès du curé Jacques, le Commandeur nommera à sa place Bersange, alors vicaire à Cherves, dans les
mêmes conditions.
   
  L'église de Montgauguier, comme toutes celles d'Anjou, a été frappée, en 1383, d'une taxe imposée par le pape Clément
VII d'Avignon. Le produit en était destiné à payer les troupes levées, à son instigation, par Louis, duc d'Anjou, pour conquérir le royaume de Naples occupé par Charles de Durazzo soutenu par l'autre pape Urbain VI. Les paroissiens de Montgauguier participèrent donc indirectement à la guerre des papes.
   
  L'église a été contrôlée, à certaines époques, comme le montre cette lettre du curé Bersange, sans doute adressée à
l'intendant de la commanderie à Poitiers :
   
    "Je me rappelle qu'étant avec vous dans la salle des archives, vous me lûtes une visite de l'église de
  Montgauguier, faite dans le XlIIème ou le XlVème siècle, en présence du curé, où il se trouvait alors une croix d'argent, un reliquaire de Saint-Antoine, un certain nombre de cierges."
   
  De 1622 à 1664, selon le "Pouillé du. diocèse de Poitiers" de Beauchet-Filleau, des visites sont assurées par Gabriel
Maisondieu, conseiller et aumônier du Roi, archidiacre de Thouars. Mais il semble que Montgauguier en soit exclu. Car le livre de Drochon "Visite des paroisses de 1'archiprêtré de Parthenay de 1598 à 1740" ne cite pas celle de Montgauguier, alors qu'aucune des voisines n'est oubliée; sans doute, toujours pour la raison que l'ordre de Malte n'est pas sous l'autorité de la hiérarchie épiscopale. On signale seulement la chapelle de Maisonneuve, en la situant dans la paroisse de Cherves :
   
    "... possédée par le nommé Letard et qui vaut 100 livres, charges déduites..."
   
  Par ce même livre, on apprend que Cherves a eu un curé tristement célèbre par sa conduite :
   
    "Le 22 Octobre 1664, Messire Nicolas David, curé. L'église est dans un triste état, et les ornements et linges si
  sales qu'il fait horreur d'y célébrer les saints mystères. Le curé n'a pas bonne réputation, il tient hostellerie sous le couvert de son frère, et il y passe beaucoup de temps. Il a prêté 9 000 1 à diverses personnes, et il engage ses créanciers à boire et ivrogner avec lui. Il va aux foires et assemblées et n'est pas régulier pour dire sa messe, qu'il dit le dimanche, parfois dès le matin, autrefois à midi. Il ne porte pas de soutane, mais un justaucorps ne passant pas les genoux. Il n'a pas et ne veut pas de vicaire, et ne chante point de matines aux grandes fêtes. On dit qu'il s'est battu à une noce avec le notaire, Monsieur Renaud Métayer."
   
  Au Moyen Age, ce comportement n'aurait pas étonné les fidèles, habitués alors à la débauche et à la paillardise de certains
prêtres. Mais à cette date de 1664, la Réforme, puis la réaction catholique qui a suivi, ont imposé un très grand rigorisme dans l'Eglise et les habitants de Cherves ont sûrement été très choqués par la conduite de leur curé.
   
   
 

LA DIME

   
   
  L'Ordre, exerçant l'autorité religieuse à Montgauguier et ses dépendances, y perçoit donc la dîme sur les récoltes. Ainsi en
1396 :
   
    "Déclaration rendue à Guy de Montyl, commandeur de Montgauguier, par Jean Yvonnet :
...Une pièce de terre au tènement de Brétignole, au devoir de la dîme seulement"
      AV, 3H1 liasse 546
   
  Et en 1685 :
   
    "Déclaration rendue au frère Gabriel Dauvet des Marais, par René Clousset :
    - un corps de logis, sis à Maisonneuve en Anjou, au devoir de 12 b de froment et 9 s 2 d, et sujet au four banal
  et à la dîme de charnage.
    - et les jardins à la dîme ordinaire"
      AV, 3H1 liasse 546
   
  De même pour les déclarations rendues à Champigny, Vouzailles, Chouppes, Mazeuil...
   
  Souvent, les bénéfices d'une église appartiennent à un noble, fréquemment ecclésiastique, mais pas obligatoirement, ou à un
établissement religieux, comme l'abbaye de Sainte-Croix qui possède le prieuré de Cherves. Le propriétaire peut ainsi encaisser de gros revenus. Il nomme à la cure un desservant auquel il verse la "portion congrue", sorte de pension annuelle, souvent peu élevée. Ainsi le 26 février 1719 :
   
    "Gabriel Thibault de la Carte, Grand Prieur d'Aquitaine, dit que la dîme qu'il possède dans la paroisse de
  Thénezay est de si peu de conséquence qu'elle ne vaut pas plus de 15 1 de ferme; il offre de participer à la portion congrue de Messire Ayrault, vicaire de la paroisse de Thénezay. Il paiera pour sa contribution à la dite pension de vicaire 20 s 9 d"
      AV, 3H1 liasse 550
   
  La plupart des curés vivent donc chichement, et- leurs conditions matérielles ne sont pas souvent meilleures que celles de
leurs paroissiens. A la campagne, ils sont issus du peuple ou de la petite bourgeoisie, et l'on comprend aisément pourquoi ils prendront presque tous, à la Révolution, le parti du Tiers Etat.
   
  En 1687, le curé de Montgauguier Nicolas Aymereau entame une procédure contre le Grand Prieur et les tenanciers, afin de
percevoir la dîme pour son compte sur la paroisse. Est-ce en réaction à la saisie dont il a été l'objet, deux mois plus tôt, par les officiers du Commandeur (documents n° 9 et 9 bis) ? Sur son ordre, un huissier vient lire et afficher sa demande dont voici les principaux passages :
   
    "Le dernier jour de novembre 1687, à la requête de Messire Nicolas Aymereau... Soit déclaré et signifié à tous
  les habitants de Montgauguier possédant des domaines... que, sur avis à lui donné que Monsieur le Grand Prieur veut faire tenir ses assises dans la seigneurie et faire appeler tous ses vassaux et tenanciers lesquels il veut obliger d'écrire dans les déclarations... que leurs biens situés à Maisonneuve et environs, sont dans la paroisse de Cherves. Le tout à dessein de faire voir... que ledit Montgauguier n'est pas une paroisse...
    Ce qui oblige ledit sieur Aymereau en' qualité de curé dudit Montgauguier, comme il est reconnu par arrêt de
  la Cour, de déclarer qu'il s'oppose... et qu'il a le droit reconnu de temps immémorial de percevoir les dîmes dans l'étendue de la paroisse de Montgauguier... Et pour raison de paiement desquelles dîmes ledit sieur curé est pourvu contre eux...
    Fait par moi, huissier soussigné, résidant à Massognes Délaissé autant par affiche contre la porte et
  principale entrée de l'église paroissiale, après l'avoir publié, à l'issue de la grande messe aujourd'hui, dite et célébrée par ledit sieur Aymereau, le peuple sortant à la plus grande affluence..."
      AV, 3H1, 546
   
  Depuis quand le curé a-t-il l'habitude de percevoir la dîme ? Pourquoi le Grand Prieur veut-il l'en empêcher et désire-t-il en
faire bénéficier le curé de Cherves ? Aucun document ne nous permet de répondre. De toute façon, il semble que le Grand Prieur cède assez facilement ses droits. Par contre, l'action en justice du curé continue contre certains tenanciers :
   
    "Le 3 septembre 1688
    Entre Messire Nicolas Aymereau, curé de la paroisse de Montgauguier... d'une part
    René Delhumeau, Jean et Pierre Métais, Jean Brothier, Vincent et Honoré Dribault, Louis Métais, Jacques
  Métais et Jean Foucher, Jean Rénéaulme, maître Pierre Mitault notaire, Jean Popinet et André Pain, tous demeurant à Cherves.
    Charles Garnier et Louis Thiollet demeurant à Vouzailles
    ..tous opposants à l'exécution de notre sentence du 4 février, d'autre part
    Nous ordonnons que l'arrêt de la cour du 2 août 1687 sera exécuté
    Ce faisant que ledit sieur Aymereau prendra la dîme qui a été abandonnée par ledit sieur des Marais, Grand
  Prieur d'Aquitaine Les opposants sont condamnés aux dépens"
      AV, 3 Hl 546 et 556
   
  Les tenanciers qui refusent de payer la dîme à Montgauguier n'habitent pas la paroisse et sont presque tous de Cherves.
Peut-être préfèrent-ils s'acquitter de leur devoir auprès de leur propre curé, peut-être aussi sont-ils poussés en sous-main par celui-ci ?
  Parmi les récalcitrants on note le notaire Pierre Mitault qui deviendra fermier de la commanderie en 1694.
   
  Donc, à partir de la fin du XVIIème siècle, il n'y a plus de difficultés entre le Grand Prieur et le curé, ainsi que le prouve le
terrier de 1730. Le second perçoit la dîme à Montgauguier, le premier dans les terres des dépendances.
   
    "... dans l'enclave du Poirier, située au bourg de Mazeuil, le Commandeur a droit de percevoir la dîme du vin,
  chanvre, pois, fèves et agneaux à raison de douze un [un douzième]
    ..le Commandeur est le seul seigneur du village de Villeneuve, paroisse d'Assais, gui a le droit de percevoir la
  dîme de charnage en agneaux et gorets à raison de douze un
   

..il appartient audit seigneur la dîme dans les jardins et les enclos du village de La Lande à la douzième

  partie des fruits
    Messieurs les curés de la paroisse de Montgauguier ont droit et sont accoutumés de percevoir la dîme de tous
  fruits à raison de la vingt-quatrième partie, requérable sur le lieu..."
      AV, registre 472
  Mais le curé a souvent des difficultés pour percevoir son dû et il est obligé de demander l'aide pécuniaire du Commandeur
pour intenter une action en justice, comme le montre cette lettre du curé Jacques à 1 * intendant Berland à Poitiers :
   
    "Si je n'étais retenu par la goutte aux pieds depuis quinze jours, [j'irai] vous porter les significations ci-jointes
  de la part des religieux de Bourgueil, au sujet d'une petite portion de dîme, que mes prédécesseurs et moi avons toujours perçue, à l'exception de l'année dernière, que le sieur Verrier, fermier desdits religieux, m'emporta la dîme sur une pièce de terre... Nous prouverons la possession, et de temps immémorial....
    Je ne peux avoir recours qu'à Monsieur le Grand Prieur pour le supplier de m'aider à confirmer le pain qu'il a
  eu la bonté de me donner... Je serai dans la nécessité d'abandonner les dîmes si je ne suis soutenu.
      A Maisonneuve le 24 juillet 1741" AV, 3H1 546
   
 

Et le pauvre prêtre ajoute ce savoureux post-scriptum qui nous laisse un sérieux doute sur l'impartialité et l'honnêteté de la

justice :
   
    "Je vous prie aussi de m'indiquer le nom d'un procureur habile, incorruptible et diligent, chose rare."
   
  Nouvelle lettre du curé Jacques le 4 juin 1763, qui souligne les difficultés que lui cause l'ambiguïté de la situation de sa
paroisse par rapport à celle de Cherves :
   
    "Comme depuis plusieurs années, les dîmes de Monsieur le curé de Cherves et celles de Madame l'abbesse
  de Sainte-Croix, m'usurpent mes dîmes sur les terres de la Commanderie, disant qu'elles sont dans la paroisse de Cherves, et que je ne puis actionner contre eux, n'ayant aucun titre... On m'a emporté l'année dernière des gerbes formant le quart de mon revenu... Aussi, je vous prie de me rendre service en faisant assigner André Métais, fermier du prieuré de Cherves. . . à la restitution des fruits avant la cueillette"
        AV, 3H1 546
   
 

La position des tenanciers n'est pas du tout facile. Si le bénéficiaire des droits seigneuriaux (cens, terrages, rentes

diverses) est bien déterminé, celui de la dîme, avec cette paroisse plus ou moins autonome, l'est moins, puisqu'il y a deux postulants.
   
 
Au lieu de percevoir sa redevance sur les récoltes de ses paroissiens, le curé peut la louer, pour une somme forfaitaire, à
un fermier, à charge pour celui-ci de récupérer son dû. Ainsi en 1752 :
   
    "... Depuis 18 ans, Gabriel Delafond, de Maisonneuve, a la commission du curé de Cherves et de Madame
  l'abbesse de Sainte-Croix, codécimateurs de la paroisse de Cherves, de lever la dime..."
        AV, 2H1 liasse 62
  Les curés ont vraiment besoin de cette dîme pour subsister. Dans la lettre du 24 juillet 1741 citée ci-dessus, on relève
cette phrase :
   
    "Je ferai tout ce que je pourrai pour soutenir mon droit, mais vous savez et sentez bien que je ne suis point en
  état de soutenir un procès; vous savez mieux que personne l'état de mon bénéfice..."
   
  De même, dans celle de 1693 :
   
    "... Vous voyez par là que je ne puis pas vivre, tout mon revenu ne valant en tout que 20 pistoles de rentes.
  C'est tout ce que j'en ai pu trouver de ferme, l'ayant offert à plusieurs..."
   
      Page 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 Haut de page