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  En 1741, par un bail de 9 ans, Jean Dribault et ses deux fils remplacent Serruau des Martinais, mais eux, comme fermiers-
exploitants. Le bail sera renouvelé jusqu'en 1764. Sa lecture est très intéressante, car il détaille les obligations imposées au fermier. Celui-ci loue aussi les redevances des tenures, à charge pour lui de les récupérer sur les laboureurs qui cultivent, souvent misérablement. Le fermier du domaine est donc un personnage important, mais son rôle de gérant des biens du seigneur auprès des autres paysans lui attire sûrement de solides inimitiés, comme nous le verrons à La Lande de Craon.
Voici les principaux passages du bail de 1750 :
     
    "Par devant les notaires royaux... a comparu en personne, très illustre seigneur frère Philippe Joseph D'Esmery de
  Choisy, Grand Croix de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, demeurant Grand-Rue du Pont Joubert...
    Lequel a aujourd'hui affermé... pour 9 années...
    A Jean Dribault, laboureur, et Jean et Jacques Dribault, ses fils, demeurant à Montgauguier, paroisse dudit lieu en
  Anjou...
    C'est à savoir les revenus temporels de la Commanderie et Seigneurie... consistant en château, bâtiments... terres
  labourables ou non, cens, rentes, dîmes, terrage..
    A la charge d'en jouir en bon père de famille...
    Seront tenus de charroyer les matériaux nécessaires à l'entretien des bâtiments...
    Ne pourront couper aucun arbre sans le consentement du seigneur
    Planteront chaque année 12 pieds d'arbres, tant noyers que d'autres
    Paieront les gages des officiers de justice de la Commanderie et les nourriront à leurs frais lorsqu'ils seront sur les
  lieux pour 1'exercer...
    Laisseront percevoir au curé de la paroisse les dîmes qu'il a accoutumé de lever...
    A la charge de payer audit seigneur chaque année :
     
    pour la métairie la somme de 350 1, pour le château, les prés et terrages, tant de blé que de vin... et pour la dîme la somme de 400 1
    pour les rentes, cens, tant volailles que argent... la somme de 650 1
     
   
    Soit en tout 1 400 1 payées en deux termes
    Et par les présentes, a été convenu entre lesdits Dribault, père et fils, ce qui suit :
    Savoir qu'ils consentent que l'acte de société passé entre eux le 4 juillet 1744... soit exécuté pour la présente ferme...
    ... Est aussi convenu que les enfants nés, et les autres, desdits Jean et Jacques Dribault fils, ainsi que Catherine
  Dribault, fille, seront nourris aux dépens de la société, et aussi que si Catherine se marie pendant le cours de la présente ferme, ses frais de noces seront aussi pris aux dépens de la société.
        Le 14 avril 1750 Reçu 18 1" AV, 3H1, 546
   
   
   
   
  Le fermier et ses deux fils avaient formé ensemble, devant le notaire royal Arnault du duché de Richelieu, une société pour
exploiter la ferme de Montgauguier, peut-être ressemblant à ce que nous appelons maintenant un GAEC.
   
   
   
  DOMAINE DE PAUILLE
   
   
  La maison noble de Pauillé se trouvait à l'emplacement de la maison actuelle de Pierre Lambolez.
   
  La superficie du domaine est déterminée lors de sa vente comme bien national en 1791. Elle est alors de 628 boisselées, soit
près de 42 hectares.
   
  En 1589, Simon Dubois en est fermier.
   
  En 1690, c'est Marie Mineau (veuve de Pierre Dadu) et ses fils Jacques et François Dadu. Le montant de la ferme est de :
   
    30 setiers de froment (360 boisseaux)
   
    24 setiers de baillarge (288 boisseaux)
   
    25 1
   
    12 chapons
   
  Ce bail ne porte que sur la maison et les terres labourables, prés et vignes, mais pas sur les redevances des tenures, dont
l'abbesse se réserve la perception.
   
  En 1726, les fermiers sont Pierre, Henri et Jacques Dadu, en 1739 René Aguillon qui s'est marié avec Laurence Rivière,
veuve de Pierre Dadu, en 1742 Pierre Chaigneau, avec sa femme Florence Rivière (sans doute la même que ci-dessus). Ce dernier restera jusqu'en 1768.
   
  Nous avons déjà cité certains passages de son bail de 1758 qui montrent que les abbesses de Sainte-Croix savent
parfaitement gérer leurs biens, en imposant de nombreuses corvées à leur profit. Le fermier peut jouir de la fuye contenant 25 douzaines de pigeons, mais il devra en laisser le même nombre à sa sortie du domaine.
   
Le montant de la ferme est alors de :
   
  33 setiers de froment
   
  27 setiers de baillarge
   
  150 1
   
  12 chapons, le tout payable à la Saint-Michel
   
  Le grain doit être livré dans le grenier de l'Abbaye à Poitiers.
   
  En 1768, la métairie est louée pour 9 années à Louis Martin "garçon majeur", demeurant à Doux, paroisse de Thénezay,
logé en cette ville. Il doit payer :
   
  36 setiers de froment
   
  27 setiers de baillarge
   
  150 1
   
  12 chapons
   
  2 boisseaux d'amandes
   
  4 boisseaux de noix
   
  Si l'on compare le bail de Dadu en 1690 avec ceux de Pierre Chaigneau en 1758 et de Louis Martin en 1768, on remarque le
supplément très important de 125 1 dans les deux derniers. C'est que les fermiers encaissent alors les redevances des tenures,
comme celui de Montgauguier, ce qui explique cette différence. D'ailleurs Louis Martin, comme ses collègues les Clave, réclamera une réduction lors de la suppression du terrage en 1793.
   
  Le bail est renouvelé en 1777 et le montant de la ferme est inchangé, à l'exception de la redevance de la baillarge qui passe à
28 setiers. Il est à nouveau signé en 1786, à la veille de la Révolution, et Louis Martin ne quitte Pauillé qu'en 1796 pour aller exploiter le domaine de Montgauguier qu'il vient d'acheter comme bien national.
   
  Le domaine ne représente qu'une petite partie des biens d'une seigneurie. Tous les autres forment les tenures.
   
   
   
  LES TENURES
   
   
   
  Le système féodal qui s'établit au Moyen Age forme une pyramide ayant le Roi pour sommet. Viennent ensuite les
seigneurs, du très grand au plus petit, qui possèdent des fiefs de moins en moins importants à mesure que l'on descend la pyramide. Enfin, les paysans roturiers qui exploitent les terres placées sous la protection du seigneur. Dans cette construction,
l'inférieur est le vassal, le supérieur est le suzerain. Le premier rend hommage au second, s'engage à l'aider en cas de besoin, en particulier à la guerre,et reconnaît lui devoir ses propres biens par un acte notarié appelé "aveu".
   
  Ainsi :
 
  "Le 18 août 1567, le seigneur Thomas Alliday rend aveu pour lui, ses hommes et sujets, de son hôtel et château
  de la ville de Cherves.
  Foi et hommage lige au devoir de 40 jours de garde au château de Mirebeau et 50 s tournois aux loyaux aides.
  A haut et puissant prince, o roi de Jérusalem, de Sicile et d'Aragon, duc d'Anjou, à cause de sa seigneurie et
  château de Mirebeau..."
          AV, 2H1, 62
   
 

En contrepartie, le suzerain assure la protection de son vassal.

   
  En bas de la pyramide, se trouve donc le paysan avec sesterres (appelées tenures ou tènements) et sa maison dont le
seigneur, laïque ou ecclésiastique, possède la propriété "éminente", et auquel le "tenancier", à ce titre, verse divers droits. Celui-ci reconnaît, par un acte notarié appelé "déclaration", qu'il n'a que la propriété "utile" de son bien, c'est à dire la jouissance de sa terre (ou de sa maison), en s'engageant à payer les redevances qui y sont attachées.
   
  Aux archives de la Vienne, il y a des centaines de déclarations faites pendant plusieurs siècles par les tenanciers de
Montgauguier et de Pauillé à leur seigneur respectif : le Commandeur et l'abbesse de Sainte-Croix.
   
  Voici les noms de lieux qui reviennent le plus souvent :
   
  Brétignole, Le Prias, Les Porrines, Les Gourgeaudièrés,Lizon, Bertrie, Guilloterie, Faugereux, Dingeau, Les Cartiers, Les
Vallées, Planche à Lucas, Pipeton,,Beaulieu, Le Rochereux, La Croix des Morts, Les Cosses, Champ Richard, Champ au Page, Champ Reignoux, Les Nouelles, Rabaterie, Les Guillebault, Prémoreau, La Bissière, Pré Thomas, Pigrais, Bason, Sous les Hauts, La Cuarde.
   
  Ces noms se retrouvent très souvent sur le cadastre actuel.
   
  Voici quelques exemples de déclarations :
   
  "4 juin 1396. Déclaration rendue à Guy de Montyl, commandeur de Montgauguier par Jean Yvonnet :
 
  un hébergement et appartenances à Maisonneuve
     
  deux courtillages audit lieu
 
  une pièce de terre
  au devoir de 4s 5d à la Toussaint et à Pâques fleuries [les Rameaux]
 
  un journal et demi de faucheur au pré de Brétignole
  au devoir de 2 d de cens à la fête de Noël.
 
  une pièce de terre au terroir de Brétignole
  au devoir de la l/6ème partie des fruits"
      AV, 3H1, 546
    17 mai 1571 Déclaration rendue à frère Charles Hesselin, Grand Prieur, par Jean Brothier et Olivier Vauragia
   
    un hébergement à Maisonneuve
  au devoir de 3 s 6 d de cens payable à la Toussaint et à Pâques fleuries
   
    une pièce de chenevrau sise à La Petite Rivière
   
    une pièce de vigne au terroir de Dingeau contenant un journal
 
  un homme de vigne au terroir des Cartiers
  au devoir de 8 s 6 d et 5 boisseaux de froment..."
      AV, 3H1, 546
     
    "18 juin 1572 Déclaration à Madame 1'abbesse de Sainte-Croix, par René Boustin et Delhumeau
   
    un hôtel et hébergement au village de Pauillé, avec cour et jardin, contenant 4 boisselées
   
    au devoir de 11 s 3 d et une poule géline de cens au jour de la Saint-Michel"
      AV, 2H1, 60
     
     
  "15 juillet 1715 Devant Gabriel Thibault de la Carte, Grand Prieur  
   
  Nous, J.F. Plumereau et Renée Garnier, ma femme, demeurant paroisse de Champigny-le-Sec, tenons et avouons tenir de vous à cause de votre seigneurie de Montgauguier les lieux ci-après :
 
  une maison consistant en chambre basse, antichambre, grenier au-dessus, grange, écurie, four, fourniou,
    située au village de la Prairie
       
  6 boisselées de terre labourable situées à La Charbonnière
 
  Nous vous promettons de payer chaque an, jour et fête de Saint-Michel, 2 boisseaux de froment, mesure de Mirebeau, de rente et 2 d de cens..."
          AV, 3H1, 546
  Les déclarations peuvent aussi être établies par de riches argeois ou de petits seigneurs qui, bien sûr, ne cultivent pas terre
eux-mêmes. En voici deux exemples :
     
    "7 février 1531 Déclaration de Louis de la Chèze demeurant à Maisonneuve à Madame 1'abbesse de Sainte-Croix
   
    un hôtel et hébergement à Maisonneuve..." contenant 3 boisselées au devoir de 3 boisseaux de rente rendables à Pauillé au jour de la Saint-Michel
   
    12 boisselées tout près ledit hébergement
   
    16 boisselées près de Pauillé
   
    12 boisselées au Prias
   
    15 boisselées à la Croix des Saules
   
    deux chenevraux aux Saules de Pauillé..
   
    un verger nommé la Piraudrie contenant 1 boisselée...
   
    la l/8ème partie d'un hôtel et hébergement à Maisonneuve...
     
  En tout 42 lots de terre pour un total de plus de 300 boisselées de terre et plus de 30 journaux de vigne..."
      AV, 2H1, 60
     
  "17 juin 1752 Déclaration de Maître Martial de Ferrière, seigneur prieur de Baudouillé, aumônier et chanoine de
  Notre-Dame la Grande de Poitiers à Madame l'abbesse de Sainte-Croix
 
  3 journaux d'homme de vigne
  au devoir des fruits au l/8ème
 
  5 boisselées de terres aux Perauches tenant au chemin de Gauguier à Pauillé
  au devoir de terrage au l/6ème
 
  6 boisselées aux Guillebault
  au même devoir que ci-dessus etc.."
      AV, 2H1, 60
  Ces deux dernières propriétés sont très importantes si on les compare au tout petit nombre de boisselées des déclarations
précédentes.
     
  On peut remarquer la modicité des redevances en argent. Elles ont été fixées au Moyen Age et, par suite de la dépréciation
de la monnaie, elles ne représentent plus qu'une simple formalité, plus désagréable pour le paysan que substantielle pour le seigneur qui n'y trouve sûrement pas son compte. Par contre, les droits en nature sont plus lourds et ne sont évidemment pas dévalués. D'autant qu'ils s'ajoutent à la dîme, elle aussi payée de la même façon.
     
  Les paysans s'associent souvent pour cultiver les terres et payer les redevances. Peut-être aussi se sentent-ils plus forts
pour défendre leurs droits. Cette communauté agricole d'intérêt, souvent familiale, s'appelle une fréresche (ou fresche):
     
    "18 décembre 1760 Fréresche de la Guilloterie
     
  De vous haut et puissant seigneur Armand Louis Joseph Foucault de Saint-Germain Beaupré, Grand Prieur d'Aquitaine
   

Nous Gabrielle Rénéaulme, veuve de Louis Marteau, et Louis Marteau, mon fils demeurant à Maisonneuve

    Vincent Gauthier, journalier demeurant à Maisonneuve
    Catherine Ouvrard, veuve de Joseph Dribault, demeurant à Cherves tenons et avouons...
      une pièce de terre sise à la Guilloterie contenant 12 boisselées au devoir de 12 boisseaux de froment à la
    Saint-Michel, de cens et la dîme à la l/24ème partie des fruits au sieur curé de Montgauguier..."
          AV, 3H1, 546
    Dans une fréresche relevant de Montgauguier et située à La Touche, sont associés :
     
      Jacques Thiollet, dit Gandille laboureur  
      Jean Rolland laboureur  
      Louis Thiollet journalier  
      René Brothier laboureur  
      René Renéaulme, dit Favori laboureur  
      André Rolland    
      Veuve Renée Renéaulme    
      Pierre Brothier    
     
Tous de La Touche
 
           
      Paul Couillault laboureur  
      Jacques Aymereau laboureur  
      René Laurentin laboureur  
     
Tous de Maisonneuve
 
           
      Jean Villain de Nouzière    
      Jacques Réau de Vouzailles    
           
  Le tenancier, qui cultive les terres, peut les vendre ou les céder à ses enfants, s'il paie régulièrement ses redevances,
l'acquéreur acceptant les mêmes obligations. La cession est soumise à un droit de mutation, appelé : lods et vente, versé au seigneur, lequel peut d'ailleurs acheter lui-même la terre au prix fixé dans l'acte. Cette éventuelle préemption est appelée "droit de retrait".
           
  Si le tenancier n'acquitte pas les droits ou s'il ne cultive pas les champs, le seigneur peut les reprendre sans indemnités et les
arrenter" à une autre personne.
           
  De même, si la déclaration n'est pas faite à temps. Ce qui explique cette lettre adressée à l'intendant du Grand Prieur :
   
  "Je vous prie, Monsieur, de déclarer pour moi aux affaires de Montgauguier que je possède 12 boisselées de terre ou
environ, dans la mouvance dudit Montgauguier, pour raison de quoi je dois 12 boisseaux de froment et 2 chapons de rentes. Ayez la bonté de dire à Monsieur le Président de la Cour que je me conforme à l'ancienne déclaration et que je signerai la même quand on voudra. Pardon, Monsieur, de la peine que je vous donne. Sans une incommodité que j'ai, je serais allé moi-même faire une déclaration...
    Champigny, le 21 juillet 1713" AV, 3H1, 549
   
  Les paysans se partagent donc, en un grand nombre de petites parcelles, presque toutes les terres situées autour des deux
grands domaines de Montgauguier et de Pauillé. Il en est de même dans les nombreux fiefs qui relèvent de la Commanderie.
   
  Le document n° 8 est la photocopie de la quatrième page d'un état complet des fréresches dépendant de la Commanderie
en 1680, avec les redevances du cens et des rentes perçues sur chacune d'elles.
   
  L'inventaire dès biens de la Commanderie, dressé en 1712, est précédé de la note suivante :
   
  "Personne, ce me semble, ne peut douter que rien n'est plus utile à un seigneur que les inventaires des titres de ses
seigneuries.
C'est par ces sortes d'ouvrages qu'il apprend le nom et la situation de tous les lieux qui sont dans sa mouvance. Il y voit
tous les devoirs et redevances qui lui sont dûs, ce qui m'oblige de conclure que l'on ne peut faire de lecture plus profitable que celle des inventaires des titres.
   
Ce n'est pas sans raison qu'on appelle le lieu où l'on garde les titres des seigneuries : "le Trésor"... On doit en avoir
autant de soin qu'on en a pour conserver ce qu'on a de plus cher et de plus précieux, parce que bien souvent... le gain d'un procès dépend d'un seul titre. On appelle encore aujourd'hui le lieu où l'on conserve les titres des évêchés, des chapitres, des commanderies, des abbayes et de toutes les seigneuries : "Les archives", qui vient du latin "ARCA", à l'imitation de l'arche d'alliance dans laquelle on avait enfermé les tables de la loi... Sans les inventaires, la plupart des droits et redevances des seigneuries se perdent le plus souvent ou se diminuent, et les seigneurs ne l'ont que trop éprouvé et l'éprouvent tous les jours malheureusement..."
        AV, registre 475
   
On dirait que l'auteur de ces lignes avait la prémonition d'un différend qui allait naître seulement trois ans plus tard à
Assais, et qui nous est connu par les deux pièces de justice suivantes :
   

"Le 7 juin 1715, à la requête de Monsieur le Procureur fiscal de Montgauguier, membre du Grand Prieuré

d'Aquitaine, j'ai à Monsieur Louis Métayer dit Margonne, au village de Rilly, paroisse d'Assais, donné jour et assignation, être et comparaître à l'assise des fiefs de la commanderie et châtellenie en l'hôtel noble de ladite commanderie, par devant Monsieur le sénéchal le 13 juin à 10 heures, pour les foi et hommage, et fournir de dénombrement les lieux qu'il tient noblement et déclaration...

Fait par moi sergent royal soussigné... immatriculé au présidial de Poitiers. Délaissé audit Margonne, parlant à sa personne, trouvé à Craon.

 

Signé : Mémeteau"

 

AV EN, 1840

   

"Le 22 juillet 1715, à la requête de Louis Métayer, marchand, demeurant à Rilly, paroisse d'Assais, où il a élu domicile

, ledit Louis Métayer en personne a dit qu'étant nouveau propriétaire de la métairie de la Paperie sise au village, paroisse d'Assais, il n'a aucune connaissance que ladite métairie soit dans la mouvance de la seigneurie de Montgauguier... Il requiert que ce seigneur ait à l'instruire et lui déclare quels lieux et domaines il possède dans l'étendue de ladite seigneurie et qu'on lui donne, à ses frais, une copie d'autant que ledit Métayer a été assigné de la part du sieur Ferrand, seigneur de ernay, pour raison de ladite métairie de la Paperie et auquel il a payé les droits de l'amortissement annuel de la rente de 230 1 à laquelle il avait pris à rente ladite métairie et il lui en a donné quittance dès le 25 juillet 1714, et auquel dit sieur Ferrand, ledit Métayer a fourni une déclaration de ladite métairie dès le 29 juin 1714...

... il a encore été assigné dès le 15 juin dernier à la requête du seigneur, duc d'Anjou, poursuite et diligence de son

procureur fiscal... prétendant qu'une partie de la métairie de la Paperie relève de la mouvance de la seigneurie de La Morinière... Il requiert qu'il soit ordonné que tant ledit seigneur Ferrand que ledit seigneur duc d'Anjou soient appelés et mis en cause pour ledit Métayer et contestent de fief ledit seigneur de Montgauguier... ne voulant en aucune manière... qu'on ne lui fasse aucun incident ni contestation, ... qu'ayant paye les rentes de son acquisition dudit lieu de la Paperie..."
       

AV, EN 1840

  Le seigneur n'a pas pour une tenure, un acte notarié unique et irréfutable, comme on en a maintenant pour un bien
personnel. Sa propriété éminente repose sur les inventaires approuvés à la porte de l'église ou sur la déclaration du tenancier. Si celle-ci n'a pas été renouvelée régulièrement, si un autre seigneur en a obtenu une aussi à son nom, la propriété en cause peut être contestée, comme cela arrive dans l'exemple ci-dessus où deux seigneurs, ceux de Montgauguier et de Vernay, et le duc d'Anjou, se disputent les mêmes droits sur le domaine de La Paperie. Et le pauvre tenancier, qui a payé au second de ces seigneurs, les redevances auxquelles il est astreint, sans doute de bonne foi, est cité en justice dans une affaire où il n'a probablement rien à voir.
   
 

On retrouve la même difficulté dans le texte suivant, non daté et non signé, mais manifestement écrit par un homme de loi :

     
   

"Monsieur Desfrancs de Maisonneuve souhaite savoir pour raison de quoi Monsieur des Martinais lui demande

  une rente de 3 boisseaux de froment et un gros de dîme de 40 s.
     
   

On dit que c'est sur la maison du Chêne qu'est due la rente. Et sur le Clos qu'est dû le gros, lequel gros le sieur

  curé prétend lui appartenir et en aurait été servi par Monsieur Desfrancs. Chercher les titres pour en informer Monsieur Desfrancs."
     
 

Rappelons que Des Martinais était de 1716 à 1741, fermier non-exploitant du domaine de Montgauguier, et donc chargé

récupérer les redevances des tenanciers.
     
  LA LANDE DE CRAON
     
     
     
  De Montgauguier, importante commanderie, dépendent plusieurs autres dans la région. Les liens les plus forts existent avec
La Lande de Craon, dite "membre dépendant de Montgauguier", et gui n'est qu'une sorte d'annexé de cette dernière, depuis longtemps sans doute, comme le montre l'accord de 1284. Elles ont le même commandeur et les deux domaines sont exploités de concert, les directives venant toujours de la seigneurie, de ce commandeur d'abord, dé l'intendant ou du fermier ensuite. Celui-ci est d'ailleurs souvent, quand il n'exploite pas, le même pour les deux maisons.
   
  Ainsi le 18 avril 1761, cette lettre de Gorin, fermier de La Lande, à l'intention de l'intendant du Grand Prieur :
     
    "Depuis que j'ai eu l'honneur, Monsieur, de vous voir, j'ai fait marché de matériaux pour les couvertures des
  commanderies de Montgauguier et de La Lande. Vous me répondrez si vous les trouvez trop chers. Le marché demeurera nul si vous ne nous envoyez ci-joint les articles. Je vous prie de me faire réponse.
     
    Votre très .humble et très obéissant serviteur." AV, 3H1 registre 475
     
  Le 22 avril, l'intendant répond de ne pas faire de réparations.
     
  En 1764, le même Gorin demande la permission de :
     
      "faire défricher une ancienne garenne contenant 164 boisselées... où les arbres ont été abattus... Le terrain
    est très propre à produire du blé. Ce serait un profit pour la ferme."
        AV, 3H1, 546
     
  La superficie du domaine de La Lande est déterminée, en 1730, par un arpentage effectué à la suite de celui de Montgauguier :
      "... En tout 14 740 chaînées 3/4 et 3 pieds, valant 1 474 boisselées 3/4 de chaînées et 3 pieds qui font 122
    septrées 10 boisselées 3/4 de chaînée et 3 pieds susdites mesures de Mirebeau. En ce, non compris la garenne ni l'enceinte de la maison...
      Pour lequel arpentage, faire, calculer et mettre au net, avons vaqué 9 journées entières [Montgauguier
    compris]
      Fait à La Lande, le 4 décembre 1730, en présence de Vincent Michau, salpêtrier", demeurant à Mirebeau.
      Signé : Decourt, notaire" AV, registre 472 et supplément H8
     
  Le domaine représente donc plus de 98 hectares.
   
  "... En tout 14 740 chaînées 3/4 et 3 pieds, valant 1 474 boisselées 3/4 de chaînées et 3 pieds qui font 122 septrées 10
boisselées 3/4 de chaînée et 3 pieds susdites mesures de Mirebeau. En ce, non compris la garenne ni l'enceinte de la maison...
   
  Un long procès s'engage en 1725 entre le Commandeur et Jacques Rivière, métayer à La Lande, qui a causé d'importantes
déprédations.
   
Expert : Jacques Prieur, marchand
   
 

- 86 pieds d'arbres abattus et autres dégâts : 650 1 10 s

   
Experts : un couvreur et trois maçons, dont Jean Martineau de Maisonneuve, le même qui sera présent en 1730 devant l'église de
Montgauguier pour la reconnaissance du terrier de la Commanderie.
   
  - beaucoup de dégâts aux bâtiments : 300 1
   
  Les experts vont témoigner devant le tribunal à Richelieu et sont indemnisés chacun de 12 1 pour trois jours de .
dérangement
   
  Rivière est condamné une première fois, puis à nouveau en appel. Sans doute utilise-t-il tous les moyens de procédure, car
le procès ne se termine que le 22 mars 1734, 9 ans après son début, par la transaction suivante :
   
  Rivière verse comptant 300 1 le jour même et paiera 700 1 par moitié à la Saint-Michel suivante et à Notre-Dame de mars .
1735
   
 

Pour qu'il puisse payer une telle somme, il faut qu'il ait fait de gros bénéfices dans l'exploitation de la métairie.

   
  Le fermier Serruau des Martinais n'est pas cité dans cette dernière procédure. Mais il est probablement au courant des
malversations de son métayer et sans doute en a-t-il profité. Nous avons vu qu'il recommencera quelques années plus tard à Montgauguier avec l'aide de son métayer François Chollet (peut-être espérait-il encore en faire supporter toutes les conséquences à ce dernier ?). Il est très curieux de remarquer que son bail sera résilié en 1738 à La Lande et seulement en 1741 à Montgauguier où pourtant, il est impliqué avec certitude dans les importantes déprédations.
   
  Comme à Montgauguier, le fermier de La Lande perçoit, à la place du seigneur, les redevances des tenures. C'est un rôle
difficile, gui ne peut gu ' être source de conflits, avec les petits paysans.
   
  Jacques Chevalier est fermier depuis 1738, bail renouvelé en 1747. A partir de 1750, de sérieux incidents éclatent avec les
tenanciers des alentours. Et le fermier écrit à Louis Berland, intendant du Grand Prieur :
   
   

" A La Lande, le 18 mars 1750

 
    Monsieur,    
   
    Je me crois obligé de vous donner avis de ce gui se passe. Les habitants du village de La Lande nous font une
  guerre continuelle... jusqu'à maltraiter nos bergères. Ils prétendent que nous n'avons pas droit de pacage, au-delà de la garenne, alors que c'est le fief du Grand Prieur, où il a dîmes et terrages. Ils. ne veulent plus payer le terrage qu'au l/16ème alors qu'ils ont toujours payé au l/14ème... J'attends là-dessus un mot de votre réponse..."
      AV, 3H1, 559
   
  Le différend s'aggrave et le 25 avril 1751, devant le juge-sénéchal de Mirebeau, le conseil du fermier déclare :
   
    "Par un esprit de révolte contre leur seigneur et le fermier, les nommés René Paquinet, Jacques Paquinet et
  René Brothier... ont fait attrouper leurs,, femmes et leurs enfants..., chassé à coups de bâtons et de pierres les bergers du fermier, maltraité la servante..., ont porté l'audace au point de dire qu'ils feraient une guerre perpétuelle au fermier..., qu'ils espéraient ne pas continuer longtemps à payer les rentes, dîmes et terrages..."
   
  Mais le 22 décembre 1752, le curé de Craon écrit à l'intendant Berland pour calmer les esprits et défendre les paysans :
   
   

"Il ne m'a pas été possible de régler le différend entre Chevalier et les habitants de La Lande... Une servante de

  la Commanderie a occasionné ce procès et ses maîtres auraient dû la blâmer. Elle avait fait passer ses moutons sur l'orge d'un habitant du village... Il y avait un autre chemin... Vous pouvez assurer le Grand Prieur qu'aucun de ses sujets ne refuse le terrage..."
      AV, 3H1, 559
   
  On voit, par ce long différend, que la perception des droits seigneuriaux par le fermier, en lieu et place du Commandeur,
n'est pas facile. Les paysans n'osent pas résister au seigneur, mais il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit d'un roturier comme eux. Ce conflit est révélateur aussi de la différence de niveau social qui existe entre les pauvres tenanciers et le riche fermier, véritable bourgeois, qui sait rédiger une lettre et, donc, défendre au mieux ses intérêts.
   
  Remarquons que, curieusement, le hameau de Valette, siège d'un prieuré dé l'ordre de Fontevraud qui dépendait de celui de
Montgauguier, et celui de La Lande de Craon, plus tard siège d'une commanderie de Templiers qui fut sous l'autorité de celle de ce même Montgauguier, sont situés à quelques centaines de mètres l'un de l'autre, sur la route actuelle de Poitiers à Assais, sans que l'on puisse établir une quelconque relation historique entre les deux.
   
   
   
  AUTRES COMMANDERIES DEPENDANT DE CELLE DE MONTGAUGUIER
   
   
 

Les deux commanderies suivantes ont avec celle de Montgauguier des liens qu'il n'est pas facile de définir. Peut-être ont-

elles été fondées par des frères issus de celle-ci ? Mais contrairement à La Lande de Craon, elles sont dirigées par un commandeur, au moins sous les Templiers, et ont acquis une grande autonomie.
   
   
 

COMMANDERIE DE GOURGE

   
 

Voici ce qu'écrit Maurice Poignat dans son livre "Histoire des communes des Deux-Sèvres" :

   
    "La commanderie Saint-Georges de La Lande, fondée au Xllème siècle, par l'ordre du Temple (proche de la
  route de Gourgé à Parthenay) dépendait de l'importante commanderie de Montgauguier. Monseigneur Saint-Jacques y était tenu en toute particulière dévotion. Les voyageurs se rendant à Compostelle s'y reposaient, accueillis par les chevaliers au blanc manteau qui y disposaient de lits. La Lande possédait des terres à Gourgé, La Peyrate, Aubigny,Parthenay, le moulin du Gué et le moulin du Temple à Parthenay.
 
Comme Montgauguier, après la condamnation des Templiers, La Lande fut cédée aux Hospitaliers,
  chevaliers Saint-Jean de Jérusalem. Un inventaire fut dressé en 1313 faisant état de 6 bœufs de labour, 26 vaches et taureaux, 3 veaux de lait, 98 moutons et 35 agneaux.
    Ensuite La Lande n'eut plus de prieur, mais des commendataires (chevalier de Montecler, de Brilhac, de
  Castellane) qui percevaient les revenus de la location de la commanderie à un fermier général qui la sous-louait à un paysan.
    Elle fut vendue comme bien national en avril 1794, pour 40 900 F, à un architecte parisien, Alexis Desgranges.
    Il n'en subsiste plus rien depuis 1963, le propriétaire ayant alors fait démolir ce qui restait de la commanderie,
  en particulier deux pierres tombales qui portaient, l'une une croix de Malte, l'autre l'inscription "Ci-gît le chevalier Demaillou, frère Claude de Linier, commandeur de Roche depuis 1593, qui décéda à Poitiers en 1621". Il était le fils d'un seigneur d'Amailloux et avait été fait chevalier en 1577".
   
   
  COMMANDERIE DE L'EPINE
   
   
  Elle était située en bordure de la forêt de l'Epine sur la commune actuelle de Béruges. Le domaine, qui dépendait du prieuré
de Béruges, devint membre de l'ordre des Templiers au début du XlIIème siècle. Passé aux Hospitaliers, il fut rebâti au XVIIème siècle. Il ne reste plus que la chapelle qui a aussi été modifiée.
   
  Comme Montgauguier avec Mirebeau, la commanderie de l'Epine eut de sérieuses difficultés avec l'abbaye cistercienne du
Pin, toute voisine, pour la perception de certains droits et l'exercice de la justice. Mais elle perdit certains de ses procès et dut payer les redevances aux Cisterciens, tout en conservant ses privilèges de justice.
   
  Citons encore l'aumônerie de Doux, petit établissement d'accueil pour les malades et les voyageurs, qui dépendait de la
commanderie de Montgauguier. Dans le livre déjà cité ci-dessus, Maurice Poignat écrit :
   
    "L'aumônerie de Doux relevait de la commanderie de Montgauguier. Elle appartenait en 1568 à la Maison-
  Dieu de Parthenay.
    La métairie attenante provenait de deux donations. La première avait été consentie en 1438 par Guillaume
  Clément et Jeanne Maugarde, son épouse, qui transférèrent plus tard à la Maison-Dieu de Parthenay la totalité des biens qu'ils possédaient au village de Doux, maison, verger et terres labourables ou non. En 1442, Jean Fouché et Jeanne Massé, sa femme léguèrent au même établissement hospitalier les biens que l'un et l'autre détenaient à Doux et dans la paroisse de Thénezay.
    En 1562, la métairie de Doux rapportait 25 setiers de froment et 25 de baillarge, 4 pipes de vin, 20 porcs, 4
  moutons, 12 chapons, 12 poulets et 4 oisons.
    Pendant la Révolution, l'aumônerie était affermée pour 250 livres au citoyen Michel Boulin."
   
  Un lieu-dit "Montgauguier" situé dans la paroisse de Saint-Martin-du-Fouilloux est cité par certains auteurs, qui se sont
laissés abuser par le nom, comme étant dans la mouvance de la commanderie de Montgauguier. Le document ci-dessous montre qu'il était sous la dépendance de l'abbaye de Sainte-Croix (au moins jusqu'à la fin du XVème siècle).
   
  "30 juillet 1439
  Aveu et dénombrement rendu par Charles de Puylouer, écuyer de l'hôtel et hébergement de Montgauguier dans la
paroisse de Saint-Martin-du-Fouilloux, tenu de l'abbaye de Sainte-Croix à foi et hommage lige et 25 sols pour tout devoir, tant pour moi que pour mes hommes et sujets."
  Autres aveux de la même terre rendus en 1459, 1466, 1488.
          AV, 2H1, 44
   
   
JUSTICE SUR LE TERRITOIRE DE LA COMMANDES DE MONTGAUGUIER
   
   
   
 

JUSTICE SEIGNEURIALE

   
   
  Le document de 1284 enregistrant l'accord entre le Commandeur de Montgauguier et le seigneur de Mirebeau confirme aux
Templiers le droit de haute, moyenne et basse justice sur leurs territoires situés dans la baronnie. Ce droit résulte des privilèges accordés par les rois de France et maintenus par ceux d'Angleterre lors de leur occupation du Poitou-Aquitaine, privilèges que l'ordre des Hospitaliers, devenu plus tard ordre de Malte, conserve en recevant les biens immobiliers du Temple. Ils sont toujours mentionnés dans les inventaires de la Commanderie jusqu'à la Révolution, même si depuis longtemps alors, la justice seigneuriale s'est effacée, pour la plupart des délits, devant la justice royale. Ainsi le registre 3H1, 475 signale une lettre patente du roi François 1er, qui défend à tout officier de saisir les biens ou de se mêler des inventaires de 1'Ordre.
   
  Donc, à partir de 1284, Montgauguier devient l'une des rares dépendances de la baronnie de Mirebeau où le seigneur de
celle-ci n'exerce pas la haute justice, c'est à dire celle du sang. Il en est, ou en sera de même, plus tard à Chéneché, Jarzay, Vouzailles. Mais, dans ces dernières seigneuries, contrairement à celle de Montgauguier, les condamnations ne peuvent être exécutées sur place et doivent être purgées à Mirebeau. Le seigneur de Cherves ne possède que la moyenne justice.
   
  Le baron de Mirebeau accepte difficilement l'autonomie dont bénéficient les chevaliers et conteste fréquemment leurs
privilèges. D'autant plus que les Commandeurs sont très chatouilleux sur leurs droits et font régulièrement savoir qu'ils entendent les exercer pleinement. Ils peuvent faire arrêter toute personne sur leurs terres, la faire incarcérer en leur prison et juger par leur propre sénéchal dans des procès de toute importance. D'ailleurs, ils ont installé sur leur domaine "gibet et fourches patibulaires", comme les y autorisait l'accord de 1284. On pense que ce gibet se dressait près de la Commanderie, au nord de Montgauguier, au lieu-dit actuel "La Croix de Justice" (voir document n°l). Une autre explication de ce nom veut qu'il doive son origine à un crime qui aurait été commis à cet endroit par un nommé Mousseau, le meurtrier ayant ensuite lavé son couteau taché de sang à la source toute proche, appelée "La Fontaine au couteau". Cette source se trouve près de la décharge municipale actuelle et les paysans y mettaient encore, il y a une trentaine d'années, leur bouteille à rafraîchir lorsqu'ils travaillaient aux alentours. Cette affaire est restée dans la mémoire collective, puisque les Anciens parlent toujours de "la justice à Mousseau", même dans les communes voisines.
   
  Elle semble venue du fond des âges, car dans une lettre, adressée en 1762, par le procureur fiscal Millet de Mirebeau, à
l'intendant Berland, on relève le passage suivant :
     
    "... Il est d'une nécessité indispensable que vous fassiez faire aux archives les recherches nécessaires au soutien de
  notre droit. Il pourrait s'y trouver un procès criminel qu'on m'assure avoir été instruit, il y a très longtemps, par la justice de Montgauguier contre un nommé Mousseau et que la tradition assure avoir été pendu. Tout ce que j'en sais, c'est que, à un coin d'une des pièces de terre de Montgauguier sur le grand chemin de Poitiers à Airvault, on le nomme "la justice à Mousseau", et le particulier à qui ce morceau de terre appartient ne paie point de dîme."
      AV, 3H1, 546
   
  La justice seigneuriale tient ses assises à Montgauguier sous la présidence du sénéchal, assisté d'un procureur fiscal et d'un
greffier, tous trois nommés par 'le Commandeur qui est à la fois juge et partie dans toutes les affaires qui le concernent directement. Le roturier n'a donc aucun espoir de voir régler en sa faveur un différend avec le seigneur, le sénéchal ne pouvant évidemment désavouer celui que le fait vivre.
   
  A partir des XlVème et XVème siècles, le droit des seigneurs de justice du sang disparaît au profit de la justice royale qui
s'affermit dans tout le pays. On ne traite plus à l'échelon local que les différends de voisinage de moindre importance.
   
   
  CONFLITS AVEC LA BARONNIE
   
  Des conflits éclatent constamment entre les hommes de la Baronnie et ceux de la Commanderie. Ils engendrent un grand
nombre de procès qui durent souvent très longtemps. L'Ordre arrive toujours à faire confirmer ses droits par les tribunaux, sauf curieusement en 1516 où le Commandeur est obligé de reconnaître la prépondérance de juridiction au baron de Mirebeau. Voici quelques exemples de cette longue suite de désaccords ou procès qui se succéderont pendant des siècles jusqu'à la Révolution.
   
    "Appointement rendu aux assises de Saumur le 13 octobre 1467 entre le seigneur de Mirebeau et le
  commandeur de Montgauguier pour raison de sa haute, moyenne et basse justice et juridiction dudit lieu de Montgauguier, ses appartenances et dépendances"
        AV, registre 475
   
  Par cet acte, la justice demande des éclaircissements aux deux parties.
   
  Le verdict est rendu deux ans plus tard, en faveur de la Commanderie, après une longue procédure :
   
    "Sentence rendue aux assises de Saumur contre le Procureur de la Cour au profit du commandeur de
  Montgauguier par laquelle la haute, moyenne et basse justice et juridiction de Montgauguier et sur les hommes d'icelle est confirmée audit Commandeur. 17 octobre 1469"
        AV, registre 475
   
 

Le tribunal a dû prendre plus tard une décision contraire, puisque l'on trouve le document suivant :

   
    "Aveu et dénombrement rendu par Pierre de Cluys, bailli de la Morée, commandeur de Saint-Georges-de-
  Montgauguier, au seigneur de Mirebeau, de sa contrée fief, seigneurie et juridiction de Montgauguier, franchise et immunité pour lui et ses hommes, avec tout droit de justice et juridiction, haute, moyenne et basse. 28 mars 1516."
        AV, registre 475
   
  Ce retournement de situation peut sans doute s'expliquer par le fait qu'il n'y a plus alors de seigneur à Montgauguier gui
dépend de la commanderie de Saint-Georges-les-Baillargeaux. Probablement, le commandeur de celle-ci n'a-t-il pas soutenu à fond, ou pas du tout, l'action en justice, et le baron de Mirebeau en a-t-il alors profité (comme semble bien le laisser entendre la fin de la lettre ci-dessous).
   
  Les commandeurs ont ensuite recouvré leurs privilèges qu'ils conserveront jusqu'à la Révolution.
   
  En 1762, nouveau différend pour l'exercice de la justice à La Guyardière. Il apparaît dans la lettre, déjà citée, adressée à
l'intendant Berland, et dont voici des extraits :
      "Monsieur,  
   
Nous voilà enfin arrivés au moment où nous devons examiner plus scrupuleusement que jamais les droits de la
  terre de Montgauguier. Voici le sujet.
    Messire Charles Acquêt des Noues qui habitait la maison de La Guyardière qui relève de la Commanderie à foi
  et hommage et à 10 livres aux loyaux aides, et dont les dépendances aux alentours relèvent également de la Commanderie au devoir de 38 boisseaux de froment et 4 1 d'autres, 10 boisseaux 1/3 de froment et "¦ 5 1 d'autres, et la maison du Chêne dépendant dudit lieu .et située au village de Maisonneuve, au devoir de 3 boisseaux de froment; étant mort le 23 de ce mois sans laisser d'héritier direct... Les 25 et 26 nous procédâmes à l'apposition des scellés à La Guyardière et au Chêne... Mais ce soir-là, le garde de Montgauguier est venu me dire que les officiers de Mirebeau y étaient et croisaient, le sceau de Monsieur Le Grand Prieur... Ils prétendent que la Commanderie n'a aucun exercice de juridiction... Quoique je sois procureur de justice, de Mirebeau, pourvu par le Maréchal de Richelieu, j'ai accepté l'offre de procureur fiscal dont le Grand Prieur a bien voulu m'honorer. J'en soutiendrai tous les droits.
    Dans vos archives, j'ai vu que l'Ordre porte directement au Roi..; avec droit de châtellenie... sur tous les hommes,
  vassaux et sujets, qui en relèvent. Il y a aussi dans la même armoire, toutes les chartes parmi lesquelles sera sans doute la donation faite de la terre de Montgauguier avec tous lesdits droits, par le souverain lors régnant, car cette terre est une des premières données à 1'Ordre.
   
    Au Grand Conseil du Roi, on n'a jamais admis contre l'Ordre... Si la justice de Mirebeau a fait quelques
  exercices de juridiction sur les tenanciers et. sujets de Montgauguier, c'est par l'indolence et le peu d'attention... dont je pense que l'Ordre ne doit pas souffrir.
    J'ai l'honneur d'être...
        Millet l'aîné, procureur fiscal
        Mirebeau le 30 décembre 1762"   AV, 3H1, 546
   
  Selon cette lettre, Montgauguier fut donc une des premières commanderies créées.
             
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