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  Lorsqu'on étudie de près le registre des délibérations, on constate un fort absentéisme des élus de la municipalité du canton
de Vouzailles. Les comptes-rendus sont signés du président et du commissaire dont la présence est obligatoire, mais seulement de quelques agents municipaux sur les 20 qui sont élus. La charge n'étant pas payée, on préfère s'occuper de ses affaires et certains, comme Aymereau à Montgauguier, choisissent de démissionner avant la fin de leur mandat, pourtant court, puisque de deux ans seulement. Il faut dire que leur rôle est ingrat, car il consiste surtout à faire appliquer dans les communes les décisions souvent impopulaires arrêtées au chef-lieu de canton.
   
  A Vouzailles, siège aussi un juge de paix élu, assisté d'un greffier. Il traite en première instance les différends entre
particuliers et prononce des peines inférieures à 3 jours de prison ou à la valeur de 3 journées de travail. Aux archives de la Vienne, un gros registre rend compte des nombreux litiges qui ont surgi entre les habitants du canton de Vouzailles pendant seulement quelques années.
   
  Cette forme d'administration des communes créée par le Directoire disparaît avec lui après le coup d'état du 18 brumaire an
8 (8 novembre 1799). Les maires sont ensuite nommés par l'Etat et c'est Jean Roy qui le sera en juin 1800, sous le Consulat, à Montgauguier où il exercera sa fonction jusqu'en 1808, date à laquelle il sera remplacé par François Roy tisserand, lui aussi nommé par l'administration, sous l'Empire cette fois.
   
  En juin 1790, une réunion est organisée au canton pour préparer la grande fête de la Fédération qui doit se dérouler a Paris
le 14 juillet suivant. Chaque commune envoie sa délégation composée d'éléments de la garde nationale :
   
    "A aussi comparu le sieur René Maillard, commandant de la garde nationale de la communauté de
  Montgauguier, au nombre de 46, lesquels ont unanimement nommé leurs députés : Hilaire Déméocq, François Roy et François Guyot, demeurant a Maisonneuve, paroisse de Montgauguier, lesquels députés, ayant ouï lecture des ordres et décrets, ont promis de s'y conformer... Ayant lesdits sieurs Maillard et députés signé la minute.
  Chevalier Maillard, Déméocq, François Guiot, François Roy
      Jamin, maire" BMP, H 23
   
   
  René Maillard, qui a préféré abandonner la particule, est un descendant de Paul Maillard de Grand-Maison. Jean Métais,
fermier de La Sauvagère, est commandant dé la garde nationale de Vouzailles, qui comprend 56 membres.
   
  Les députés désignés à Vouzailles sont chargés de nommer à Poitiers avec leurs collègues des autres départements :
   
   
"... 29 autres députés pour aller à Paris pour faire, tant pour eux que pour nous tous, le serment de la
  Confédération nationale, requis et ordonné par le décret de l'Assemblée nationale du 8 juin pour le 14 juillet prochain.
    A Vouzailles le 27 juin 1790" BMP, H 23
   
  La garde nationale a été créée dès le début de la Révolution. Elle a pris la place des milices de l'Ancien Régime. Elle est;
composée de tous les citoyens "actifs" valides, âgés de 16 à 60 ans, son commandant étant élu, et chargée de protéger la commune des contre-révolutionnaires, en particulier des émigrés qui cherchent à revenir. Elle peut se déplacer quand il y a danger et, comme toute armée, elle réquisitionne pour subsister. Ainsi Pierre Clave, fermier de Montgauguier, s'adresse-t-il au directoire exécutif de Poitiers, en mai 1792, pour se faire rembourser une somme de 29 1 10 s :
   
    "... pour avance faite par lui en vertu d'un ordre de la municipalité de Montgauguier pour avoir nourri et
  hébergé la garde nationale, ainsi que les deux personnes qu'elle avait arrêtées, ainsi qu'il est justifié par l'état que le sieur Clave a fourni, lequel est approuvé par la municipalité."
      AV, L 292
   
  A Montgauguier, peu d'habitants peuvent participer à l'élection des députés à l'Assemblée législative en 1791. En effet, les
citoyens sont partagés en deux groupes : les "actifs", gens aisés qui votent ou sont élus et les "passifs", les plus nombreux, privés de suffrage universel. Si l'on paie une contribution foncière équivalant à trois journées de travail (3 livres), on peut nommer les "électeurs" en les choisissant parmi ceux qui versent une contribution d'au moins 10 livres. Cesont ces derniers qui élisent les députés, lesquels doivent eux-mêmes acquitter un impôt d'au moins un marc d'argent (54 1) pour avoir le droit d'être candidat.
   
  La constitution de l'an I établit ensuite le suffrage universel mais n'est pas appliquée. Celle de l'an III, au contraire, rétablit
un suffrage censitaire à deux degrés, encore plus sévère que celui de 1791. Comme il n'y a plus alors que 20 000 électeurs en France, il semble bien qu'aucun habitant de Montgauguier ne paie une contribution assez élevée pour en faire partie, mais sans doute quelques-uns peuvent-ils participer au premier tour pour les désigner.
   
  A partir de 1792, on célèbre la nouvelle religion civique qui prévoit un autel de la patrie et la plantation d'un arbre de la
Liberté, tâche rapidement exécutée sur la place à Vouzailles. Lorsqu'il veut fêter un événement important, le corps municipal (c'est ainsi qu'on appelle le conseil municipal) y rassemble la population :
   
   
"... Nous nous sommes transportés au pied de 1'arbre de la Liberté, toute la municipalité en écharpe
  accompagnée de tous les citoyens et citoyennes de cette commune. ... Un feu de joie a été allumé... La municipalité, ainsi que tous les citoyens et citoyennes ont chanté plusieurs hymnes en l'honneur de cette cérémonie et de l'armée de la République dirigée contre Toulon, qui a bien mérité de la Patrie. Ensuite la municipalité a assisté à ' un repas préparé à cet effet et bu à la santé de la République. La fête a été complète...
    A Vouzailles le 1er nivôse an 2 (9 janvier 1794("
      AV, L 450
   
  On célèbre ainsi la reprise de Toulon aux Anglais, grâce à un jeune artilleur nommé Napoléon Bonaparte.
   
  Les arbres de la Liberté sont souvent l'objet de critiques et de déprédations; un certain Bodin, médecin à Mirebeau,
conseille à des habitants de Vouzailles d'arracher le leur. Il récidive le surlendemain à Champigny, et Jean Réau, menuisier dans cette commune, le dénonce au comité de surveillance de Mirebeau, affirmant que ce Bodin tenait des propos violemment antirépublicains, en particulier en prenant le parti des Vendéens, ce que confirment des habitants du canton. De même à Vouzailles :
   
    "Aujourd'hui 10 floréal an 4 (29 avril 1796) de la République française une et indivisible, nous commissaire
  près l'administration municipale de ce canton, averti par la voix publique que dans la nuit dernière, on avait mutilé l'arbre de la Liberté, placé sur la place de ladite commune de Vouzailles, nous y sommes transporté et avons vu que ledit arbre verdoyant avait été écorcé... avons en outre examiné et aperçu que cela avait été fait avec une serpe... De plus, on a voulu le couper à hauteur d'homme..."
   
  Tous les fonctionnaires de la République doivent, à intervalles réguliers, prononcer le serment de fidélité à la Constitution :
   
    "Séance du 2 pluviôse an 6 (21 janvier 1798)
    Convocation à 10 heures du matin des fonctionnaires publics du canton pour prêter serment :
    "Je jure haine à la Royauté et à l'anarchie, je promets fidélité et attachement à la République et à la
  Constitution de l'an 3."Des cris réitérés de "Vive la République" se sont renouvelés et la journée s'est passée, partie en banquet civique et autres amusements, selon la localité du pays.
    Signé pour Montgauguier : Roy, Aymereau, Simon, Mestais" AV, L 450
   
   
  La Révolution a consommé plusieurs constitutions, dont certaines n'ont d'ailleurs jamais été appliquées, en 1791, 1793, an
3 (1795), an 8 (1799). Voici pour le canton de Vouzailles les résultats des votes pour la 2ème et la 3ème :
   
  en 1793 : 238 pour et 0 contre
   
  en 1795 : 139 pour et 0 contre
   
  Il ne faut pas s'étonner devant ces nombres qui semblent montrer une belle unanimité. L'enthousiasme du début s'est certes
bien refroidi, mais il n'est tout de même pas recommandé ensuite, si l'on ne veut pas s'attirer de gros ennuis, de se faire remarquer en votant contre la Révolution ou en s ' abstenant.
   
  La tâche de la municipalité de Montgauguier et ensuite de celle du canton de Vouzailles est écrasante. Voilà des gens
chargés d'un énorme travail administratif, auquel ils n'ont pas été préparés, et de mille autres choses, dans un environnement qui, après l'enthousiasme du début, leur deviendra souvent hostile, du moins pour certaines mesures très impopulaires, comme les réquisitions ou l'envoi des conscrits aux armées, comme le montre le passage suivant du registre de la justice de paix de Vouzailles :
 
    "Pierre Simon, menuisier, officier municipal, demande à mettre sa vie en sûreté étant perpétuellement menacé
  d'être assassiné par le nommé Jean Primault..."
   
  Il est vrai que les réquisitions s'exercent dans une situation économique difficile. Le registre paroissial de Massognes a déjà
signalé le terrible hiver de 1789 qui a détruit les futures récoltes et amené des émeutes dans la région, d'autant qu'il faisait suite à plusieurs mauvaises années, dont 1785 et 1788. Et puis, au début de la Révolution, certains paysans sont déçus de devoir racheter les redevances seigneuriales ou, à défaut, d'être obligés de continuer à les payer.
   
 

Voici quelques exemples des obligations des administrateurs cantonaux et communaux :

   
    - Exercer la police dans la commune
   
    " Le 14 brumaire an 3 (4 novembre 1794) les assassinats multipliés que la horde brigandine ne cesse
  d'opérer sur les différentes communes du canton de Vouzailles... A Assais ont été égorgés quatre patriotes..."
      AV, L 450
   
    " Le 23 prairial an 4 (11 juin 1796)  
    Je reçois de toute part, citoyens, des plaintes sur les dévastations qui se commettent... Qui ne voit que, de cette
  licence, de ce brigandage... naîtrait bientôt le découragement de 1'agriculture."
   
    " Le 8 fructidor an 4 (25 août 1796)  
   
    .. des particuliers, revêtus de costumes militaires, commettent le vol, le pillage et des assassinats..."
   
    " Le 5 germinal an 5 (25 mars 1797)
    .. vous trouverez ci-joint, citoyens, copie de la lettre... qui exige que vous preniez toutes les mesures pour l'arrestation des
individus qui y sont désignés. La surveillance la plus active doit être assurée..."
        AV, L 449
   
      " 1er jour complémentaire an 5 (17 septembre 1797)  
      Après lecture de l'article 21 de la loi du 25 septembre 1792.  
     
L'administration municipale, considérant les malversations, abus, usurpations qui eurent lieu l'an dernier
  lors de la visite des vignes :
   
      - il est expressément défendu à tout citoyen propriétaire de vignes d'aller vendanger avant les jours déterminés
  par les bans de vendange, conformément aux usages du pays.
   
      - il est défendu aux grappilleurs d'aller dans les vignes avant l'enlèvement des fruits."
   
  Le 5 thermidor an 2 (23 juillet 1794), Etienne Goutière, maire de Vouzailles, signale qu'il va recevoir 50 hommes d'infanterie :
   
      "pour nous aider à faire des patrouilles pour empêcher les brigands de la Vendée de prendre asile dans
  notre territoire."
      AV, L 181
   
    - Récupérer les cloches, faire recueillir le salpêtre
   
  " Poitiers le 21 pluviôse an 8 (10 février 1800)
  Citoyens,
  Les lois sur la descente des cloches n'ont point été généralement exécutées. Il en reste encore, outre celle qui
  était réservée dans chaque commune, plusieurs qui sont disponibles..."
   
  En 1793, la Convention a décidé qu'il ne serait laissé qu'une seule cloche par paroisse. Les armées ont besoin de cuivre et
de poudre pour fabriquer et faire tonner les canons. Le salpêtre est récupéré en lessivant les murs humides. On nomme un salpêtrier responsable dans chaque commune.
   
  En 1'an 2, François Desgris de Montgauguier se plaint que, dans le bois de saules qu'on lui a enlevé pour faire du charbon
propre à fabriquer la poudre (mélange de salpêtre et de charbon de bois), il y avait de belles perches utilisables et réclame 50 F d'indemnités
      (d'après AV, L 305).
  - Organiser les colonnes mobiles
   
    " Poitiers le 22 fructidor an 7 (8 septembre 1799) Citoyens, Le salut de la France exige le déploiement de
  toute sa force et de toute sa puissance... Efforçons-nous de dissiper les cohortes impies du royalisme et de la chouannerie... Vous organiserez sur le champ des colonnes mobiles destinées à maintenir la tranquillité publique... Tenez vos colonnes prêtes à marcher vers les points du départements de l'ouest qui vous seront désignés..."
      AV, L 449
   
  Le travail a sans doute été négligé, car :
   
    " Poitiers le 1er prairial an 8 (21 mai 1800)
    Citoyens
    Nous venons de recevoir la certitude que, de tous les citoyens que vous aviez désignés pour faire partie de la
  colonne mobile, aucun n'est arrivé. Nous vous prévenons en conséquence que nous allons diriger sur votre canton la force armée en même nombre que le contingent fixé; vous les répartirez dans les domiciles de chacun (des citoyens) qui les nourriront et les paieront en outre 75 centimes par jour... Si au bout de deux jours, cette mesure ne fait pas d'effet, nous ferons doubler, tripler et même quadrupler la force armée, et nous verrons si enfin nous viendrons à bout de leur résistance."
      AV, L 449
   
  Le 28 brumaire (19 novembre 1799), on établit un poste militaire de 100 hommes à Vouzailles. Les communes du canton
doivent pourvoir à leur subsistance.
   
  - Organiser les fêtes révolutionnaires
   
 
Les fêtes chrétiennes disparaissent au profit des fêtes patriotiques célébrées le décadi. Celui-ci remplace le dimanche et,
comme son nom l'indique, ne revient que tous les dix jours.
   
  En effet, la Révolution a créé en 1793 le calendrier républicain qui remplace le calendrier grégorien que nous connaissons,
avec effet rétroactif au 22 septembre 1792, date de l'établissement de la République, qui devient le premier jour de l'année. Celle-ci est partagée en 12 mois de 30 jours chacun :
   
  automne : vendémiaire, brumaire, frimaire
  hiver : nivôse, pluviôse, ventôse
  printemps : germinal, floréal, prairial
  été : messidor, thermidor, fructidor
   
  (noms inventés par Fabre d'Eglantine, député, mais plus connu comme l'auteur de la célèbre chanson "Il pleut, il pleut
bergère" et qui sera guillotiné en 1794)
   
  Il reste donc 5 ou 6 jours, dits "jours complémentaires" ou "sans-culottides", qui doivent être consacrés à des fêtes
républicaines (fêtes de la Vertu, du Génie, du Travail, des Récompenses, de l'Opinion).
   
  Le mois est divisé en 3 décades. Voici les noms des jours : primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi,
nonidi, décadi.
   
  Il n'y a que trois jours de repos dans le mois, mais on se rattrape avec les jours complémentaires. On pourchasse dans les
champs les paysans qui travaillent le décadi.
  Ce calendrier, expurgé des noms de saints, est mal accepté par la population, en particulier par les catholiques qui veulent
respecter le repos du dimanche, ce qu'on leur interdit. Il sera supprimé par Napoléon 1er et l'on reviendra au calendrier grégorien le 1er janvier 1806.
   
  Les fêtes se déroulent souvent sous forme de procession, comme les fêtes religieuses sous l'Ancien Régime, la garde
nationale encadrant le cortège.
   
    " Poitiers le 26 nivôse an 6 [15 janvier 1798] Nous rappelons à votre attention l'arrêté... concernant
  l'anniversaire de la juste punition du dernier roi des Français, qui doit être célébré le 2 pluviôse de chaque année, correspondant au 21 janvier. Nous ne doutons pas, citoyens, que les sentiments inébranlables de haine à la royauté et d'attachement à la République ne germent assez fortement dans vos coeurs pour être persuadés..."
      AV L 449
   
  On fête ainsi la mort de Louis XVI guillotiné le 21 janvier 1793. C'est une des quatre grandes fêtes républicaines, les
autres étant célébrées le 31 mai, le 14 juillet et le 10 août.
   
    " Poitiers le 1er floréal an 6 [20 avril 1798] Il doit être célébré le 10 floréal une fête des époux... Vous ferez
  rechercher des personnes mariées qui... auront mérité de servir d'exemples à leurs concitoyens. Vous les proclamerez publiquement, le jour de la fête, et leur distribuerez, au nom de la patrie, des couronnes civiques."
      AV, L 449
   
  Le 10 prairial de chaque année, on célèbre la fête de la reconnaissance. Les blessés et mutilés de guerre y sont
particulièrement honorés.
   
 
Robespierre a instauré, le 20 prairial an 2 (8 juin 1794), la fête de l'Etre suprême (dieu qui remplace celui de la Raison). A
Vouzailles, l'église est aussitôt consacrée à ce nouveau dieu :
   
    "Aujourd'hui 4 messidor an 2 [22 juin 1794], le conseil général de Vouzailles, après avoir fait avertir le matin,
  au son de la caisse, tous les citoyens de la commune, s'est transporté vers les trois heures de l'après-midi, dans le temple dédié à l'Etre suprême."
      AV, L 450
   
  Il existe aussi le 10 fructidor la fête de la vieillesse et du malheur (pauvres, infirmes et malades au premier rang), celle de la
jeunesse le 10 germinal et celle de l'agriculture le 10 messidor. Ces fêtes ont donc lieu le 1er décadi de chaque mois.
   
  - Répartir les impôts
   
  Le 19 nivôse an 4 (9 janvier 1796), le département envoie à Vouzailles quatre chasseurs du 7ème régiment, accompagnés
d'un commissaire civil. Ils resteront, nourris par les habitants, jusqu'à ce que toutes les communes aient fourni leurs rôles pour pouvoir répartir l'emprunt forcé sur chacune d'elles.
   
  La Convention avait déjà, en 1793, décrété la création d'un emprunt forcé d'un montant d'un milliard, établi surtout pour
éponger l'énorme quantité d'assignats en circulation. Mais les émissions ayant repris et la valeur du papier-monnaie continuant à dégringoler, le Directoire, en décembre 1795, décide un nouvel emprunt forcé de 600 millions, et nous voyons que les conseils municipaux du canton ne s'empressent guère d'en faire établir les rôles, craignant sûrement, à juste titre, la colère de leurs administrés.
   
  C'est à la suite de ce deuxième emprunt que l'on décide de casser la planche à assignats (ce qui est vraiment fait à Paris,
place Vendôme, en public), ces derniers étant remplacés par les "mandats territoriaux".
   
  Le 5 thermidor an 5 (23 juillet 1797), les administrateurs de Vouzailles transmettent à Poitiers la lettre suivante,
contresignée pour Montgauguier par Pierre Simon :
   
    "Vous exposent les administrateurs de Vouzailles que... sur la répartition à faire dans les différents cantons
  de la somme de 1 633 000 F, le leur y est compris pour 45 544 F... Le plus fort de leurs revenus consiste en vignes, lesquelles ont perdu beaucoup par les hivers derniers et. . . ont été abîmées par la grêle le 11 messidor dernier... Ils vous prient donc, citoyens, de vouloir bien réduire la somme qui leur est assignée."
      AV, L 449
   
  A la séance du 12 thermidor an 5 (30 juillet 1797), la répartit sur les communes municipalité du canton de Vouzailles
1'impôt pour 1'an 5 :
   
Ayron 7 000 F    
Chalandray : 1 900 F    
Cherves 8 750 F    
Cramard 3 300 F    
Frozes 7 050 F    
Jarzay 3 100 F    
Maillé 3 550 F    
Montgauguier 3 050 F    
Villiers 3 250 F    
Vouzailles 4 595 F    
 
  Le 22 brumaire an 6 (13 novembre 1797), ce sont les contributions personnelle, somptuaire et mobilière de l'an 5, qui se
montent pour le canton à (d'après AV, L 450)
 
  cote personnelle 2 162 1
  cote mobilière et somptuaire 4 234 1
  contribution additionnelle 1 599 1
  soit 7 995 1
   
 

La part de Montgauguier est de :

     
  cote personnelle 160 1
  cote mobilière et somptuaire 319 1 1 s 8 d
  pour les 25 centimes additionnels 120 1
     
  soit 599 1 1 s 8 d
     
 

L'Assemblée Constituante a remplacé les impôts de l'Ancien Régime par des "contributions" acquittées par chacun en

fonction de ses ressources. Ce nouveau terme se veut moins contraignant ("contribuer" sous-entend plus de liberté qu'"imposer"), mais le résultat est le même, il faut toujours payer.
     
 

Les contributions foncières s'appliquent sur le revenu de chaque propriété. Pour en faire la répartition sur les cantons, le

département se fait aider par une commission de citoyens désignés par les différentes municipalités. Ensuite une autre commission est chargée de ventiler sur les habitants la somme fixée pour chaque commune.
     
 

La contribution personnelle somptuaire et mobilière est constituée d'une taxe mobilière et d'une autre sur ce que nous

appelons maintenant "les signes extérieurs de richesse" : voitures, chevaux, domestiques... Et pour la répartir, on crée, en 1797, les "jurys d'équité", composés de quelques citoyens imposés (remarquons qu'il existe toujours aujourd'hui dans chaque commune une commission chargée d'aider le contrôleur à établir les impôts fonciers et mobiliers).
   
  Le 18 thermidor an 7 (5 août 1799), on met des garnisaires chez les répartiteurs d'impôts des communes du canton de
Vouzailles dont les travaux sur les matrices des rôles sont en retard. De même, on en place chez les débiteurs récalcitrants qui les nourrissent à leurs frais jusqu'à ce qu'ils aient acquitté leurs dettes. Cet usage vexatoire, déjà utilisé un siècle plus tôt contre les protestants (dragonnades), ne sera officiellement supprimé qu'en 1877.
   
  - Surveiller et aider les percepteurs
   
    " Thénezay le 13 ventôse an 4 [3 mars 1796] Le commissaire du directoire exécutif de Thénezay à
  l'administration de Vouzailles : Je vous invite à prendre des mesures pour que les percepteurs des communes de votre canton ne se permettent plus de refuser ce que les contribuables leur doivent."
      AV, L 449
   
  Ce curieux rappel à l'ordre peut s'expliquer ainsi : des habitants de Thénezay, propriétaires dans des communes du
canton de Vouzailles dont Montgauguier, veulent payer leur contribution foncière en assignats dévalués, comme, semble-t-il, la loi le leur permet, et des percepteurs renâclent, préférant une monnaie plus consistante.
   
 
Il faut dire que les percepteurs ne sont pas des fonctionnaires comme aujourd'hui mais, soit des volontaires qui se sont
fait adjuger la charge moyennant rétribution, soit, à défaut, des citoyens ayant été nommés d'office par les conseils municipaux. Le percepteur est responsable sur sa propre fortune de la bonne rentrée des contributions et quelquefois, il est obligé de demander à un parent ou ami de lui servir de caution. Il dispose de moyens de contrainte allant jusqu'à la saisie des biens du contribuable, mais il arrive aussi quelquefois que l'administration du département lui adresse un garnisaire lorsqu'il manque d'efficacité dans son action.
  Chaque commune a son percepteur. En 1799, celui de Montgauguier s'appelle Métayer et réside à Maisonneuve.
   
  Le 19 brumaire an 6 (9 novembre 1797), le percepteur de Vouzailles, qui ne peut faire rentrer les contributions, demande
qu'on lui accorde un garnisaire. On nomme Claude Thibault. Le 28 frimaire an 6 (18 décembre 1797), il en réclame deux autres. Cette situation de garnisaire n'est pas une sinécure, comme le montre le passage suivant du registre de Vouzailles :
   
    "Aujourd'hui 11 nivôse an 6 [31 décembre 1797] de la République française, par devant nous,
  administrateurs de Vouzailles, a comparu Jean Hertu, garnisaire par nous autorisé à exercer dans le canton, lequel a dit qu'ayant reçu mandement du citoyen Chauveau, percepteur à Vouzailles, pour le citoyen Antoine Mineau demeurant au hameau de la Rondelle, commune de Frozes, il s'est transporté chez ledit Mineau. Celui-ci a répondu que c'était un autre Mineau. Le citoyen Hertu s'est transporté chez le deuxième... mais c'était bien chez le premier chez qui il était allé d'abord... Y étant retourné, celui-ci a convenu que c'était lui qui devait payer, mais qu'il ne le voulait pas et qu'il pouvait aller se faire foutre... Hertu lui a demandé de respecter les lois et ceux qui les faisaient exécuter... A quoi ledit Mineau a répondu par mille injures..."
      AV, L 450
   
  Mais il est toujours aussi difficile de faire rentrer les impôts :
   
   
  Vouzailles le 22 floréal an 6 [11 mai 1798] Le commissaire du directoire exécutif et agent des contributions aux citoyens agents des communes du canton : Citoyens, J'ai reçu.o. un nombre suffisant de contraintes... contre les contribuables arriérés du canton. J'ose les retarder jusqu'à ce que vous ayez le temps d'en prévenir vos administrés. Je vous prie donc... de leur déclarer que je ne puis retarder plus de trois jours à poursuivre les réfractaires. Je me plais à croire... que les contraintes ci-dessus demeureront sans effets, et que l'égoïsme et la désobéissance aux lois seront pour toujours bannis et expulsés de ce sol.
Salut et fraternité."
      AV, L 450
   
    " 26 fructidor an 6 [12 septembre 1798]  
    A Montgauguier, les personnes suivantes n'ont pas pris de patente pour 1'an 5 :
    Louis Métayer, boulanger (n'a commencé à travailler qu'en floréal an 5)
    Pierre Guillon, tisserand (infirme de la main gauche, ne peut travailler depuis deux ans)
    Jean Boussiquet, maçon (travaille peu)."
      AV, L 450
   
  Gabriel Ridouard et Pierre Guillon (le tisserand ci-dessus) de Maisonneuve sont nommés garnisaires, le 4 messidor an 6
(22juin 1798) pour les communes de Montgauguier, Frozes, Maillé et Chalandray.
   
  - Opérer les réquisitions pour le compte de l'armée
   
  L'armée a de gros besoins et les réquisitions se succèdent auprès des paysans qui font souvent la sourde oreille.
   
  En 1793, le recensement des bestiaux de la commune de Montgauguier donne les résultats suivants :
   
  6 chevaux, 9 juments, 3.poulains, 96 ânes, 34 mulets, 14 boeufs, 2 vaches, 212 moutons, 513 brebis, 7 béliers, 202
agneaux, 26 chèvres, 24 porcs, 0 taureau, 0 génisse, 0 veau.
   
  L'état des ressources établi par le maire Clave comporte 184 quintaux de foin, 747 quintaux de paille, 589 quintaux de
fourrage, 10 quintaux d'avoine, 18 quintaux de vesce, pas de luzerne ni de trèfle.
    D'après AV, L 181
   
  Fin 1793, le canton de Vouzailles est imposé de 60 quintaux de baillarge et 2 500 quintaux de paille; la quote-part de
Montgauguier est de 30 boisseaux de baillarge et 636 bottes de paille.
   
  Le 7 nivôse an 2 (27 décembre 1793), Louis Clave, alors maire de Montgauguier, est chargé de parcourir le district pour
requérir, au nom de la loi, 4 000 boisseaux de froment. Malgré ses récriminations, notre commune est imposée de 50 boisseaux de froment et 50 de baillarge.
   
  Un mois plus tard le bureau des subsistances de Poitiers donne l'ordre à Clave de réquisitionnner 1 700 boisseaux de
froment dans le canton de Mirebeau et 1 500 autres dans celui de Vouzailles.
   
  Nouvelles réquisitions le 1er sans-culottide an 2 (17 septembre 1794).
   
  Louis Clave s'active beaucoup et déclare à Mirebeau qu'il craint de grands malheurs si les approvisionnements des
armées sont retardés.
   
  Le 14 brumaire an 3 (4 novembre 1794), les officiers municipaux du canton observent que les impositions ne sont
payées que difficilement, que les contribuables font preuve de beaucoup d'insouciance et que les réquisitions ne s'effectuent pas. Un mois plus tard, le 20 frimaire an 3 (10 décembre 1794), l'administration envoie à Vouzailles deux chasseurs à cheval jusqu'à ce que soient livrés 600 boisseaux de blé. Ils sont placés chez le plus récalcitrant des paysans : Jean Mestais.
   
  Le comité de surveillance et révolutionnaire décide de faire emprisonner neuf cultivateurs de Maillé qui ont refusé d'obéir
aux réquisitions du vin. Les gendarmes sont renvoyés par le maire Sauzeau et un agent municipal Guillon qui seront arrêtés plus tard à la place de leurs administrés puis relâchés ensuite.
   
  Le commissaire enquêteur Guyonnet, qui a été désigné par l'administration du district de Poitiers, vient enquêter à
Vouzailles le 10 ventôse an 3 (28 février 1795), mais ne peut y trouver les 82 quintaux de foin et 12 de paille dont cette commune reste débitrice, et doit se contenter des 10 quintaux de paille qu'il a réussi à dénicher, et qui, d'ailleurs, ne pourront pas être livrés aussitôt, le chemin de Poitiers étant impraticable pour les charrettes.
   
  Il y avait peu de chevaux dans le canton, les travaux des champs se faisant avec des boeufs et surtout des ânes et des
mulets. Le canton de Vouzailles avait fourni 7 chevaux en 1794, payés de 350 à 600 1. Mais on en réclame d'autres :
   
    " Poitiers, le 27 pluviôse an 8 [16 février 1800] Vous deviez fournir 4 chevaux, juments, mules et mulets, et
  vous n'en avez fourni aucun. Ceux que vous avez présentés ont été rejetés. Vous voudrez bien vous acquitter de votre continqent... ou me certifier, sous votre responsabilité, qu'il n'en existe aucun..."
      AV, L 449
   
  On récupère aussi les armes, les selles, les brides, les faux, les faucilles. Notre région fournit du vin et des céréales aux
troupes de l'Ouest et à la marine de Rochefort. A partir de janvier 1794, le commerce du blé est réglementé et soumis à une autorisation administrative, cela afin d'empêcher ce que l'on appellera beaucoup plus tard "le marché noir".
   
  Lorsqu'un paysan est en retard pour ses récoltes, quelle qu'en soit la raison (maladie, fils tiré au sort pour l'armée), on
réquisitionne les autres paysans, et même les artisans, pour l'aider.
   
  - Surveiller les émigrés
   
  Le 9 novembre 1793, Louis Clave affirme devant le directoire exécutif de Poitiers qu'il n'y a pas d'émigrés à
Montgauguier. Plus tard le maire reçoit la circulaire suivante :
   
    " Poitiers le 1er prairial an 6 [20 mai 1798] La loi nous fait un devoir impérieux de surveiller les
  émigrés... Vous voudrez bien employer tous les soins pour empêcher qu'il ne s'en introduise aucun sur votre territoire, et pour faire arrêter sur le champ ceux qui tenteraient de s'y présenter..."
      AV, L 449
  Justement, on en a trouvé un à Montgauguier :
   
    "Au quartier général de Poitiers le 19 prairial an 7 [7 juin 1799], André Mouret, général de division,
  commandant la 21ème division militaire. Le nommé François, Jérôme, Charles, Toussaint Grandmaison, se disant de la commune de Montgauguier... est détenu dans cette commune comme prévenu d'émigration et de contravention à la loi du 19 fructidor an 5. Je désirerais avoir sur le prévenu tous les renseignements propres à éclairer la commission militaire...
Salut et fraternité"
   
  Mais bientôt l'affaire se dégonfle :
   
    "... Vu l'interrogatoire subi par François... Grandmaison, le 12 messidor an 7 [30 juin 1799] Vu le
  certificat... duquel il résulte que, lors de la Révolution, se voyant sans état... il prit le parti d'aller mendier... Considérant que ledit Grandmaison doit plutôt être considéré comme menant une vie vagabonde que comme émigré, le. nommé Grandmaison sera remis en liberté. Il lui sera remis un faire-part pour se rendre à Montgauguier...
Le 19 nivôse an 8 [9 janvier 1800]"
      AV, L 285
 

Ce Grandmaison, descendant de l'officier des armées de Louis XIV venu s'installer au Bourg-Bernard un siècle plus tôt,

n'était donc qu'un clochard et non le dangereux émigré que, sans doute, une dénonciation avait envoyé en prison.
   
  Il faut dire que les premières années de la Révolution, l'un rivalise avec l'autre pour dénoncer son voisin. Voir à ce sujet
les documents n°14 et 14 bis reproduisant une très longue lettre envoyée le 4 septembre 1791 par le conseil municipal de Montgauguier à la "Société des Amis de la Constitution" qui s'est formée à Poitiers, comme dans toutes les villes de France, pour défendre la République contre les "Aristocrates". Ces assemblées sont des émanations du Club des Jacobins de Paris et on en a dénombré jusqu'à 406 en 1791. A la bibliothèque municipale de Poitiers, une liasse contenant un grand nombre de lettres adressées à cette société, venant de toutes les régions de France, témoigne du véritable délire de la dénonciation qui atteint les Français pendant quelques années. Et les habitants de Montgauguier, en particulier les édiles qui savent écrire, n'échappent pas à cette déplorable manie.
   
  Deux semaines après l'envoi de la lettre citée ci-dessus, la municipalité en adresse une autre, bien plus violente, à la
Société. Elle comporte 4 pages dont nous tirons les passages suivants :
   
    "Municipalité de Montgauguier, canton de Vouzailles... le 21 septembre 1791
 
    Frères et amis,
    Nous ne sommes pas surpris de la parole qu'a portée le sieur Clave, en votre assemblée... au sujet du
  prêtre que nous vous demandons...[Nous ne pouvons] laisser le scandale que porte la langue infernale du ci-devant chevalier Maillard, aristocrate... On vous dira que cette troupe d'aristocrates déchaînés contre nous n'a pas tort, parce qu'on veut leur faire payer les impositions auxquelles ils sont asujettis... Ils n'ont pas d'autre but que de tendre à notre désunion, ce qui n'arrivera pas, et toute notre populace les a rebutés.
    Il est vrai que le sieur Clave a un intérêt particulier à soutenir cette partie... C'est que ledit Clave,
  Maillard, Brault, Martin, Garnier et le ci-devant curé Bersange et un autre curé pensionnaire chez ledit Bersange, honnêtes gens en apparence, avaient cabale ensemble et de commun accord, il était décidé entre eux que des sieurs Clave, l'un ou l'autre serait maire, le chevalier Maillard et Brault seraient officiers et que le nommé Martin serait greffier. En conséquence, cela aurait été une municipalité bien composée pour écraser la populace d'impôts.
    La municipalité ayant rassemblé o tout le peuple... pour reconnaître leurs terrains... il se trouva dans la
  déclaration des sieurs Clave, 150 boisselées d'erreurs qu'ils avaient cachées, en celle de Brault 58, en celle de Maillard dans le peu qu'il peut avoir 20 et ainsi de suite des autres... Jugez donc, chers frères, de l'état où tout le pauvre monde aurait été plongé si on n'eût pas vaincu tous les aristocrates cabaleurs...
    Il est vrai que c'est un grand mal de coeur pour ces messieurs, de n'être pas admis à cette place comme
  étant, disent-ils, les principaux de la paroisse. Cette place est trop honorable pour aucun d'eux et principalement pour les sieurs Clave... S'ils veulent en disconvenir, on vous fera passer le relevé du registre sur lequel sont inscrits leurs 'fragandélits' [flagrants délits].
    Vous ne trouverez en nous que coeurs remplis d'union et de charité, toujours prêts à nous comporter en
  véritables frères pour le soutien de la Constitution.
    Jamin, Maire Recouppé Delafond Guiot Déméocq Ridouard Mestais Aymereau, greffier"
      BMP, S19
     
  La Révolution avait chargé les municipalités de répartir les impôts, remplaçant en cela les assemblées des habitants de
l'Ancien Régime.
     
  L'un des frères Clave se défendra en écrivant lui aussi à la Société :
     
    " Le 2 décembre 1791
    Ayant appris que la municipalité de Montgauguier vous avait informés que nous avions cherché à les
  induire en erreur, en ne déclarant pas la quantité des terres de notre domaine, je crois qu'il est de notre intérêt et de notre honneur de nous justifier... Il est malheureux pour nous que nous soyons inculpés dans cette affaire par des êtres qui ne se piquent pas de dire la vérité... Votre sagacité, monsieur, me rassure et comme vous ne voyez jamais les objets avec le microscope de la prévention, j'espère que vous voudrez bien faire droit à ma demande.
Clave, fermier de Montgauguier"
      BMP, S19
   
  Que sont devenus tous ces gens dénoncés comme mauvais républicains ? Ont-ils au moins été frappés par les foudres
de la justice ?
   
  Louis Clave sera officier municipal un an plus tard, puis maire ensuite pendant 2 ans.
   
  Louis Martin deviendra adjoint au maire Jean Roy quelques années après.
   
  René Maillard avait été commandant de la garde nationale l'année précédente, élu par le peuple avec la bénédiction de la
municipalité. Nous ne savons pas ce qu'il est devenu, mais sa famille avait alors perdu son importance du siècle passé. Nous avons vu qu'il possédait peu de terres et qu'un de ses parents était clochard.
   
  Jacques Brault était le fermier des domaines de la Guyardière et du Chêne. Il ne semble pas avoir joué un rôle actif
pendant la Révolution; son fils Pierre sera propriétaire de La Guyardière en 1813, lors de l'établissement de la première matrice cadastrale. Marié à une fille Maillard (ex de Grand-Maison), il ira ensuite habiter Cuhon et deviendra maire de cette commune.
   
  Et Jacques Aymereau qui a signé la lettre du 21 septembre 1791, accusé par ses adversaires d'être "un banqueroutier, un
affronteur et un perturbateur de l'ordre public", deviendra en 1797 agent municipal de Montgauguier auprès de la municipalité de Vouzailles.
   
  Quant au curé Bersange, il a déjà, à cette date, prêté serment à la Constitution, puis s'est rétracté, il jurera à nouveau en
septembre 1792. Il donnera toute satisfaction à ses paroissiens qui feront une pétition pour le conserver et sera jusqu'à sa mort en 1804 un précieux auxiliaire de la municipalité.
   
  Celle-ci se distingue d'ailleurs particulièrement dans la délation, car elle dénonce même un de ses membres, Jean Roy, f
utur maire. Début ventôse an 3, elle envoie au district de Poitiers une lettre pour prévenir que celui-ci :
   
    "... a refusé d'obéir aux réquisitions et a usé de voies de fait envers un chasseur [soldat] qui avait été
  établi chez lui jusqu'à ce qu'il eût obéi à la réquisition, de l'avoir chassé de chez lui en lui fermant sa porte, enfin de se soustraire aux ordres qui lui avaient été donnés en vertu de la loi"
      AV, registre L82
   
  Le district transmet la lettre au Comité de surveillance et révolutionnaire qui décide le 6 ventôse de faire comparaître Jean
Roy devant lui manu militari, et le 8 nivôse :
   
    "Sont comparus au Comité les citoyens Lhéritier et Bally, gendarmes à la résidence de Latillé, lesquels nous
  ont amené par-devant nous le citoyen Jean Roy, notaire public et cultivateur de la commune de Montgauguier, en vertu du mandat d'amener décerné contre lui le 6 du mois, provenant de désobéissance à la loi en se refusant d'obéir à la réquisition de paille pour les armées. Après avoir été entendu sur les faits dont il est prévenu, desquels il s'est trouvé convaincu, il a été arrêté que, par mesure de sûreté, il sera sur le champ conduit à la maison d'arrêt du dépôt pour y rester en détention jusqu'à nouvel ordre."
      AV, registre L82
   
  Le comité écrit à la municipalité de Montgauguier le 11 nivôse pour
   
    "... la prier de nous envoyer le recensement de foin et paille à mélange que peut avoir le nommé Roy arrêté ici
  sur leur dénonciation..."
   
  Les conseillers municipaux se rendent alors peut-être compte de leur infamie, car ils répondent le 14 nivôse que Jean Roy
n'a pas de foin, qu'il ne peut fournir que de la paille, et demandent qu'il soit remis en liberté
   
    "... pour le besoin qu'il a d'être chez lui pour vaquer à son affaire, sa soeur étant seule et incapable de pouvoir
  rien faire..."
   
  Le Comité libère Jean Roy après 6 jours de détention.
   
  Les dénonciations pleuvent aussi dans les communes proches. Ainsi à Cherves, les frères Barault sont incarcérés le 22
frimaire an 3 (12 décembre 1794) pour "avoir communiqué avec les brigands de Vendée et avoir volé dans les environs de Saint-Loup". Ils sont innocentés 27 et 42 jours plus tard, le 19 nivôse pour l'un et le 14 pluviôse pour l'autre. De même Bourgnon, maire de Liaigues, est emprisonné pour "avoir tenu des propos antirépublicains". Les maires de Mirebeau et Champigny témoignent en sa faveur et il est remis en liberté. Le maire d'Amberre subira lui aussi le même sort.
   
  - Organiser la conscription
   
  Une des tâches les plus importantes du Directoire exécutif et des municipalités de canton est d'effectuer le tirage au sort
des conscrits qui vont défendre le pays et surtout de préparer leur départ vers leurs cantonnements. Ce n'est pas facile, les malheureux désignés y mettant beaucoup de mauvaise volonté. Car les volontaires du temps de "la Patrie en danger" se font rapidement très rares et, à partir de 1793, leur nombre insuffisant oblige à réaliser une levée obligatoire pour les armées. Voici comment s'effectue ce tirage au siège du canton de Vouzailles :
   
    " 4 prairial an 7 [23 mai 1799]
    Les billets portant les noms, roulés dans des étuis de bois, sont disposés au fur et à mesure de l'appel dans
  une roue de fortune en verre clair et transparent... La roue ayant été tournée à plusieurs reprises... un jeune enfant tire un des étuis de la roue... Les citoyens dont les noms sortent sont proclamés conscrits de deuxième et troisième classes..."
      AV, L 155
   
  Sur un tableau datant du 17 floréal an 7 (6 mai 1799), comprenant 55 conscrits de 3ème classe du canton, voici quelle est
leur origine : Ayron : 9, Chalandray : 1, Cherves : 9, Cramard : 2, Frozes : 24, Jarzay : 0, Maillé : 1, Montgauguier : 4, Villiers : 2, Vouzailles : 3.
   
  Le sort semble bien injuste en n'ayant désigné aucun soldat à Jarzay, mais 24 à Frozes. Il faut relativiser ces nombres en
tenant compte de l'effectif de la population de chaque commune, très différent de celui d'aujourd'hui. Voici en effet les résultats du recensement de 1792 :
   
  Ayron : 753, Chalandray : 196, Cherves : 986, Cramard : 345, Frozes : 1243, Jarzay : 172, Maillé : 321, Montgauguier :
534, Villiers : 308, Vouzailles : 548.
   
  Certains de ces nombres étonnent celui qui connaît ces villages aujourd'hui, et méritent une explication. En 1790, la
plupart des communes sont créées à partir des paroisses, sans aucune modification territoriale. C'est le cas de Montgauguier, mis à part Les Saules, les hameaux de Pauillé, La Mothe-Bureau étant intégrés plus tard. Par contre, Ayron reçoit, à sa formation, Angenay, Nouzières et Rigommier, pourtant parties de la paroisse de Vouzailles, avant la Révolution. Ces trois villages ne seront rattachés à cette dernière commune qu'en 1817. Il semble qu'on ne puisse expliquer que par une opération inverse le nombre si élevé d'habitants de Frozes en 1792. Sans doute la commune d'alors comprenait-elle des hameaux qui en ont été détachés ensuite (c'est le cas de celui de La Rondelle, maintenant dans la commune de Champigny). La faible population de Chalandray s'explique parfaitement, puisque Cramard était alors autonome. Cherves perdra quelques années plus tard la soixantaine d'habitants de Pauillé.
   
 

Le plus grand des futurs soldats désignés à Vouzailles en 1799, mesure 1,65 m. Chacun d'eux reçoit un viatique de 35 F

son départ.
   
  Un autre état comprend, sur 33 conscrits de 2ème classe, 11 infirmes "reconnus valables", atteints de cécité, épilepsie
boiterie, soit un sur trois, pourcentage énorme. De nombreux jeunes gens essaient d'éviter la conscription en déposant un dossier médical et en produisant plusieurs témoignages en leur faveur, mais le contrôle est sévère, car l'armée a besoin de recrues, aussi bien aux frontières qu'en Vendée.
   
  Certains jeunes, pour échapper à la levée en masse, s'en vont travailler dans les ateliers de salpêtre comme celui célèbre,
de l'abbé Champion, installé dans le presbytère et l'église Saint-André de Mirebeau. D'autres, s'ils en ont les moyens, paient un remplaçant (ce qui est légal). Ainsi, le prairial an 7 (26 mai 1799), Louis Meunier de Montgauguier prend comme suppléant Pierre Monory de Thénezay, qui est accepté par le médecin militaire.
   
  En 1804, on taxe les conscrits réformés d'une contribution de guerre d'un maximum de 1 2 00 F, mais bon nombre
d'entre eux ne peuvent la payer.
   
 

En 1799, le directoire exécutif de Poitiers adresse au canton de Vouzailles la lettre suivante :

   
    " Poitiers, le 6 germinal an 7 [26 mars 1799] Nous sommes instruits que 4 conscrits de la première classe
  de votre canton se cachent dans les bois pour se dispenser d'obéir à la loi... Leurs parents feront très bien d'aller les chercher... Ces jeunes gens ont été se joindre aux fendeurs de bois de La Ferrière."
      AV, L 449
   
 

Car c'est après le tirage au sort que les difficultés commencent pour les municipalités, et cela, dès le début de la

Révolution
   
    "L'arrêté du département... nous enjoint de faire rejoindre dans les plus brefs délais, les jeunes gens de
 

notre commune qui sont requis, c'est à dire de 18 a 25 ans... Nous avons fait tout ce que nous avons pu... La majeure partie se détermina à partir samedi dernier... Il n'en restait que 2 ou 3... que nous nous attendions à vous dénoncer... Mais ils sont de retour d'hier de manière qu'il n'y en a pas trois qui ne soit au pays. De tels abus deviennent dangereux... Nous attendons vos ordres à ce sujet.Salut et fraternité.
Maisonneuve de Montgauguier, le 20 frimaire an 2 [10 décembre 1793]

    Clave maire, Mitault procureur"  
      AV, L 140
   
  On fait rechercher les déserteurs par la troupe :
   
    " Séance du 12 ventôse an 8 [2 mars 1800] En réponse à la lettre du général Mouret, commandant la
  21ème division à Poitiers, en date du 4 ventôse an 8, portant que 50 hommes de la garde nationale seront désignés pour seconder, le 18 de ce mois, la gendarmerie pour arrêter et saisir les conscrits fuyards et déserteurs, l'administration nomme à cet effet : à Montgauguier :
Gabriel Roy, garçon demeurant aux Saules François Roy, garçon, demeurant à Maisonneuve
  François Ayrault, domestique chez la veuve Morin, demeurant à
Maisonneuve
      AV, L 450
   
    " Séance du 22 ventôse an 8 [12 mars 1800] S'est présenté le citoyen Morelle, gendarme, lequel a dit qu'ayant fini hier de faire rechercher avec la colonne mobile du canton de Vouzailles, des conscrits déserteurs... conformément aux ordres reçus, il nous invite à dresser procès-verbal...
   
    le 21 dudit mois, il s'est rendu dans la commune de Montgauguier; arrivé à Maisonneuve, il s'est présenté
  chez Pierre Girault et on lui a répondu qu'il était parti à Poitiers... et qu'on ne l'avait pas vu depuis; ensuite chez René Roy, même réponse; chez Louis Challeau, n'y a trouvé personne; la force armée a fait injonction aux voisins de faire connaître son transport audit conscrit et à ses parents; chez Jacques Guillon, sa mère a répondu qu'il était parti pour Poitiers; René Boulin, même réponse; François Gorin, même réponse; Louis Delafond, même réponse; chez François Dribault, il n'a trouvé personne..."
      AV, L 450
  Le gendarme s'est présenté aussi, sans plus de succès à Ayron, dans cinq familles, à Chalandray dans une, à Cramard
dans deux, à Cherves dans neuf, à Maillé dans quatre, à Vouzailles dans sept.
   
  Alors le directoire exécutif prend de dures sanctions. En effet, une loi du 2 frimaire an 2 (22 novembre 1793), assimile
les déserteurs et les insoumis aux émigrés, et leurs parents aux parents d'émigrés :
   
    9 prairial an 7 [28 mai 1799]
    Le citoyen André Jaulin, dit Charonet, de Montgauguier, père de conscrit déserteur de première classe, a
  reçu chez lui la garnison et n'en a pas payé les frais...
L'administration municipale... charge le commissaire de poursuivre..."
      AV, L 150
  Mais ces contraintes sur les parents ne donnent guère de résultats, d'où cette lettre de la municipalité du canton de
Vouzailles au directoire exécutif de Poitiers :
   
    "Le détachement des vétérans... pour faire rejoindre les lâches conscrits... est dans le canton depuis 12
  jours. Les recherches, les menaces, la garnison, rien ne peut faire paraître ceux qui se sont retirés dans les bois à cinq ou six lieues entre La Ferrière et Parthenay où ils ont trouvé asile... sous la sauvegarde des bûcherons, fendeurs et autres. Les parents de ces conscrits sont presque ruinés par les frais qu'occasionne la garnison... Je vous prie de vouloir bien me dire quelle conduite je dois tenir."
      AV, L 155
   
  Et, après de nouvelles injonctions de l'administration, le commissaire répond, désabusé :
   
    "La proclamation, pour leur entrée en caserne, a été affichée partout... Chaque agent municipal les a
  avertis vocalement... et pour que personne n'en prétendît cause d'ignorance, on a, ou sonné les cloches, ou battu la caisse, et je suis fâché de le dire, tous les parents sont restés sourds..."
      AV, L 155
   
  Tout ce travail nécessite beaucoup de paperasse, des états de toutes sortes en plusieurs exemplaires. Alors les agents
municipaux succombent sous la tâche et les observations, puis les reproches, et enfin les menaces pleuvent sur eux. Voici trois lettres reçues à quelques jours d'intervalle :
   
    " Poitiers, le 4 thermidor an 5 [23 juillet 1797] Je vous ai demandé... Je vous ai depuis renouvelé cette
  demande... Je vous préviens que si... je ne pourrai me dispenser d'en informer le ministre..."
   
    " Poitiers, le 17 thermidor an 5 [5 août 1797] Vous ne me paraissez pas avoir appelé à votre travail toute
  l'attention... des formalités que vous n'avez aucunement remplies..."
   
    " Poitiers le 29 thermidor an 5 [17 août 1797] Voici plusieurs plaintes, citoyens, qui me sont portées contre
  vous à cause de votre insouciance... Plusieurs communes de votre canton, notamment celle de Montgauguier, n'ont pas fourni le rôle des impositions de l'an 5. Nous ne devons pas vous dissimuler que nous allons prendre et autoriser les mesures les plus sévères pour contraindre les percepteurs... Et s'ils justifient en avoir été empêchés par votre fait ou votre négligence, vous devez vous attendre à des désagréments que vous aurez bien mérités."
      AV, L 449
  Pendant la fameuse nuit du 4 août 1789, l'Assemblée Constituante a voté l'abolition des privilèges de la Noblesse et du
Clergé. Mais, contrairement à ce que croyaient certains paysans, ne sont supprimés que les corvées et servitudes personnelles dont les banalités quand elles existaient encore, les droits de chasse et de colombier, plus, il est vrai un peu plus tard, la dîme qui représentait une redevance importante. Les autres droits seigneuriaux (cens, terrages, rentes diverses...) sont maintenus, mais rachetables à un taux assez bas de 3,3 % du prix du bien sur lequel ils s'appliquent (dit au "denier 30"). Des émeutes contre cette décision éclatent dans certaines régions, les paysans refusant d'effectuer le rachat, et l'Assemblée législative, puis la Convention, finissent par supprimer ces droits sans indemnités le 25 août 1792 et le 17 juillet 1793 (documents n°13 et 13 bis). Par le fait de cette abolition gratuite, les fermiers, comme Louis Martin à Pauillé ou les Clave à Montgauguier perdent une partie de leurs revenus. Ils demandent donc tout naturellement au directoire exécutif de Poitiers, la réduction du montant de leur bail.
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